Anonyme [1649], LE CELEBRE FESTIN DES MOVCHARDS EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_665. Cote locale : C_4_12.
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LE CELEBRE
FESTIN
DES
MOVCHARDS
EN VERS BVRLESQVES.

M. DC. XLIX.

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LE CELEBRE
FESTIN
DES
MOVCHARDS
EN VERS BVRLESQVES.

 


IE veux chanter feste Bacchique
Où verre aussi haut qu’vne pique
S’est veu maintefois épuiser
On peut bien hyperboliser.
En sujet de cette nature
Alors qu’il s’agit de friture,
Quand on voit dans le cabaret
Vin blanc peut estre, & vin clairet,
Donner couleur aux nobles trongnes
De cinq, ou six, fort bons yurongnes ;
Mais le nombre en est superflus
Ils estoient moins, peut estre plus :
Cela ne fait rien à l’Histoire
Que ie sçais, & que l’on doit croire,
Ie veux auec fidelité.
Vous raconter la verité,

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De ce qui dedans cette trouppe
(Ie ne sçay si l’on mangea souppe)
Mais l’on y bût abondamment
I’en puis parler certainement,
De ce qui donc en cette bande
Arriua : mais quoy l’on demande
Qui sont ces gens, ce sont Mouchards
Qui furetent de toutes parts,
Et pour cét employ, que ie pense,
Ils auront ample recompense
Mais il m’en chaut peu sur ma foy
Ce soin ne vient pas iusqu’à moy,
Ou qu’on les paye, ou qu’on les berne
Mon esprit point ne s’en lanterne,
Et sans faire le rafiné
Sans auoir esté du disné,
Ces gens n’ont rien qui me déplaise
Ils ne sçauroient troubler mon aise,
Sur ce poinct ie suis consolé
Car ie sçay qu’il n’a rien passé,
Qui puisse redouter la griffe
Du Mouchard qui sans cesse briffe,
Et qui mesle à chaque morceau
Du meilleur vin, & non de l’eau,
Cette liqueur n’est pas fort bonne
A gens à qui franc-taupin donne,
Dequoy dépenser largement
Et cét argent, asseurément,
Vient de la bourse du bon homme
On le sçait bien sans qu’on le nomme,
Cét argent vient de la sueur
Du Vigneron, du Laboureur,

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Mais rengaignons cette satyre
Traçons autre sujet pour rire,
Ne sortons point du cabaret
Où l’odeur du haran soret,
(Car en ce iour la saincte Eglise
Deffend que sous la dent soit mise
Viande qu’on mange au gras Mardy)
Car ce iour fut vn Samedy,
Cette odeur dis-ie a fait merueilles
Charmé le né, non les oreilles
Qui par le son d’vn vieleur
Ont voulu prendre autre douceur,
Dans ce festin Dame Armonie
Leur fit gouster la melodie,
S’il est vray qu’à gens plein de vin
Ce plaisir qui tient du diuin ;
Puisse apporter quelques delices
Puis qu’ils n’ont point d’autres blandices,
Qu’à boite à doubles carillons
Aymans mieux n’auoir que haillons,
Pourueu que la bouteille trote
Pourueu que le Mouchard grignote :
Car souuent auec vne noix
Il boit des pintes plus de trois,
Toutefois le bon personnage
Y ioint quelque peu de fromage ;
Mais le banquet que ie décris
Fut vn banquet de fort haut prix,
Maint poisson fut mis sur la table
Dont la sausse estoit de lectable,
On y vid carpe à court boüillon
Et chacun comme vn tourbillon

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Ou comme vne trouppe affamée
Donnoit sur la carpe assommée,
Et carpe alors comme ie croy
Fut bien surprise sur ma foy,
Et plus encore fut estonnée
Considerant sa destinée,
Dont le prodige est fort nouueau
Car ayant nagé dedans l’eau,
Elle voit pour lors qu’elle nage
Parmy le vin, car ce breuuage
Pour lors n’estoit point espargné
Tel boit qui ne l’a point gagné,
Si ce n’est en matoiserie
Ou par quelque supercherie,
Car ces Mouchards ne sçauent rien
Sinon que dupper nostre bien,
Et boire comme vn trou d’Esté
Nous ostant toute liberté ;
Ie haïs mesme plus que la haire
Sergent, Mouchard, & Commissaire,
Et cette racaille de gens
Records à haper diligens,
Tout le monde sçait leur coustume
Sans qu’on l’apprenne par ma plume,
Car ie sçay comme en mille endroits
Ces gens mettent souuent leurs doigts,
Et ce que ie trouue de pire
On trouue tousiours à redire,
Dedans les lieux où ces maudits
Qui ne vont iamais moins de dix
Ont mis le pié (chose funeste)
Ils font plus de mal que la peste,

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Et ie croy que ces Rodomonts
Font plus de mal que les Demons
N’en font là bas dans les abysmes
Destinez à punir les crimes ;
Mais apres tout c’est trop prosner
N’est-il pas temps de retourner
Dans cette tauerne authentique,
Où se fait banquet magnifique,
Où l’on boit à nostre santé
Mais que vois-ie de ce costé,
Si i’ay l’œil bon, c’est Maistre Blaize
Qui reposoit dans cette chaize,
Et cet autre apres quelques rots
Verre en main égoute les pots,
Ie voy des pintes renuersées,
Ie voy des bouteilles cassées,
Ie voy le compere Robert
Qui crie en diable de vau-vert,
Et qui peste contre Christine
Afin qu’elle apporte chopine :
Et du meilleur il veut auoir
Mais ie pense qu’il s’en va choir ;
S’il fait encore vne ajambée
Ma foy sa caboche est troublée.
Vn autre icy ronfle plus fort
Que le vent qui souffle du Nort :
Quel desordre en cette tauerne,
Pour moy ie suis d’aduis qu’on berne
Ces plaisans Messieurs les Mouchards
Et qu’on sçache de toutes parts,
Cette auanture assez crotesque,
Ie suis d’aduis que le Burlesque

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Qui sert d’entretien aux esprits,
Fasse voir en diuers escrits
Cette feste si solemnelle,
Cette débauche vniuerselle
Ce banquet qui sera fameux
Et dont vn iour chez nos neueux
On verra la noble peinture,
On peut en cette conjoncture
Lancer quelque trait bien charmant,
On peut railler innocemment
Aucun Mouchard, comme ie pense,
Ne croira pas que ie l’offense,
Ce que i’escris sans ornement
Et qu’on nomme burlesquement,
Dans ce temps où Burlesque on aime
Sera pris par Burlesque mesme,
Ce que Mouchards ont fait illec,
Ie dis de lauer bien le bec,
Auec bon vin, il n’est personne
Quoy que melancolique & bonne
Qui n’en fit autant qu’ils ont fait
Cette auanture est en effet
Il ne faut pas que l’on en doute,
Si ce n’est que qui ne voit goute,
Ie veux dire les Quinze-Vingts
Qui ne sont pas trop bons deuins,
Ne veüille pas auiourd’huy croire
Ce qui peut passer pour Histoire,
Ce banquet, pour le dire au vray
Tasche à apprendre où il fut fait.

 

FIN.

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