Anonyme [1649], LE CHARIOT DE TRIOMPHE DE LA PAIX. En Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_686. Cote locale : C_2_29.
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LE
CHARIOT
DE
TRIOMPHE
DE LA
PAIX.

En Vers Burlesques.

A PARIS,
Chez MATHVRIN HENAVLT.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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LE CHARIOT
DE TRIOMPHE
DE LA PAIX.

 


IE chanteray ce compagnon
Qui ne veut point manger d’ognon,
Ou d’vnion, comme on l’appelle,
Qui luy fait mal à la ceruelle ;
Il ne sçait pas ce beau Romain,
Qui sçait si bien faire la main,
L’inuention de Cleopatre,
Ce visage plus blanc que plastre,
Qui feit la dissolution
D’vne precieuse vnion
Ou d’vne perle sans pareille
Des pierres de prix la merueille,
Pour en presenter la liqueur
Au grand Anthoine son vainqueur.
Aussi faisant ce personnage
Ce n’est pas à son auantage
Que ie pretend de trauailler ;
L’humeur presente est de railler.
Qui sur vn tel suiet trauaille
Ne sçauroit rien faire qui vaille.

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Ie ne veux point mettre son nom,
De peur de ternir son renom :
Non n’en parlons point dauantage,
Ce ne seroit que grifonnage ;
Et puis chacun en a tant dit,
Qu’il est suffisamment descrit.
Mais parlons des resioüissances
Et des rares magnificences,
Dont Paris forme les apprests
Pour receuoir Dame la Paix.
Ne disons rien de ces batailles,
Où tant de sortes de canailles,
Monstrans leur generosité,
Ont exercé leur cruauté.
Ne parlons point de tant de Sieges,
Ny des surprises ou des pieges,
De batailles ny de combats,
Puis que chacun en est si las ;
On ayme mieux parmy la presse
Aller chercher pain de Gonesse.
Ne nous arrestons point aussi
A ce qu’on feit à Iuuisi,
Où s’alluma si rude guerre,
Qu’on n’entendoit pas le tonnerre :
Laissons de mesme Auberuilliers,
Où les Soldats dans des panniers
Faisoient tous les Diables à quatre,
Disans : i’enrage de me battre ;
Ie suis transporté de fureur,

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Ie veux monstrer que i’ay du cœur.
Passons, en laissant en arriere
De Conches la forte barriere,
Bourgade qui pleine d’orgueil
Ne regarde point de bon œil
Ceux qui taschoient par leur surprise,
D’attenter dessus sa Franchise ;
Pour Parapets & Bastions
Remparts, fortifications,
Pour demy-lune & batterie
N’opposant rien à leur furie,
Que des pommiers & des buissons,
Des citroüilles & des oygnons.
Taisons la sanglante iournée
Dont aussi-tost la renommée
A volé par tout l’Vniuers,
Ne pouuans pas dedans nos vers
Inserer recit si funeste,
Vn autre vous dira le reste :
C’est de ce Charanton sur l’eau
Qui seruit de triste tombeau
A tant d’illustres personnages
Qui feirent là voir leurs courages.
De vous cotter chaque conuoy,
Vous les sçauez, comme ie croy :
De vous produire les loüanges,
Les trauaux & les soins estranges,
Par qui tous nos Chefs genereux
Se sont rendus si fort fameux,

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Ie ne fairois que les redire,
Et d’autres escrits, les transcrire.
C’est pourquoy ie vay de ce pas
En laissant là touts les combats,
En laissant là touts les combats,
Les attaques & les batailles
Les tuez, & leurs funerailles,
Chanter de la paix les douceurs,
Qui déia chatoüille nos cœurs,
N’ayants plus la machoire oyseuse
Non plus que la bedaine creuse.

 

 


Vn iour la Paix en grand repos
Passoit le temps parmy les pots.
Comme elle a coustume de faire ;
Chacun faisoit bonne ordinaire :
Mais il suruint ie ne sçay qui
Et luy causa si grand ennui,
Que sans y prendre autrement garde,
Elle alla prendre vne hallebarde,
Pour mettre par tout le hola ;
Mais elle ouyst : Sortez de là.
Alors la populace émuë,
S’en va par tout criant tuë tuë :
Et ceste Deesse aussi-tost
Pour les mettre tous en repos,
D’vn ton plus aigre les menace
De quelque sanglante disgrace.
Chacun vouloit sçauoir pourquoy
L’on auoit enleué le Roy.
Voyant donc ses menaces vaines,

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Le sang s’échauffa dans ses veines,
Elle prend aussi son mousquet,
Met son amorce au bassinet ;
Mais son amorce en estant cheute
Dedans la suite de l’emeute
Qui de plus en plus s’allumoit
Et tout vn grand peuple charmoit ;
La Deesse alors se dépite,
Et tout soudain se met en fuite :
Mais Saturne ayant pris pitié,
D’vne si fidele amitié,
Voulut secourir la Deesse,
Qui doit par tout estre Maistresse ;
Il la voulut voir triompher
De cét affreux monstre d’Enfer,
Qu’on nomme par toute la terre
De ce nom terrible de guerre.
Il luy feit vn Char sans pareil,
Sinon à celuy du Soleil.
Quelle fut la réiouïssance
Qu’alors on eut de sa presence ?
Chacun admiroit sa beauté
Lorsque l’on voyoit augmenté
L’éclat de ses vermeilles iouës
Par l’or qui brilloit sur les rouës
Dont estoit esleué son Char :
C’estoit vne beauté sans fard.
Ses cheuaux marchoient en cadence,
Pour monstrer sa magnificence.

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On admire sa grauité,
Ou bien plustost sa Majesté
Qui paroist en sa contenance,
Imposant à chacun silence.
Elle rend chacun plus humain,
Appaisant tout d’vn tour de main,
Ou d’vn trait d’vn œil agreable
Elle rend le cruel traictable,
Elle va dissipant la peur
Comme vne legere vapeur.
Elle compose vn doux melange
De recompense & de loüange.
De tant d’agreables douceurs
Elle réioüit tous les cœurs.
Si par tout chacun la seconde,
On rendra la terre feconde ;
Salüons tous la saincte Paix,
Et la conseruons pour iamais.

 

FIN.

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