Anonyme [1649], LE COVRIER EXTRAORDINAIRE, APPORTANT LES NOVVELLES de la Reception de Messieurs les Gens du Roy à S. Germain en Laye, & de celle du Courier d’Espagne au Palais ; AVEC TOVTES LES HARANGVES qui ont esté faites. , français, latinRéférence RIM : M0_827. Cote locale : C_1_42.
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LE
COVRIER
EXTRAORDINAIRE, APPORTANT LES NOVVELLES
de la Reception de Messieurs les Gens
du Roy à S. Germain en Laye, & de celle
du Courier d’Espagne au Palais ;

AVEC TOVTES LES HARANGVES
qui ont esté faites.

A PARIS,
Chez ROLIN DE LA HAYE, ruë d’Escosse,
prés le Puits Certain.

M. DC. XLIX.

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LE
COVRIER
EXTRAORDINAIRE, APPORTANT LES NOVVELLES
de la Reception de Messieurs les gens du Roy à
S. Germain en Laye, & de celle du Courier d’Espagne
au Palais, auec toutes les Harangues qui
ont esté faites.

LA guerre fait vn chemin à la Paix ; Et sa douceur rauit
tellement les hommes, qu’ils la vont chercher au milieu
des combats, & marchent pardessus les dangers
pour arriuer à la tranquillité.

C’est ce qu’ont genereusement fait iusques à present
Messieurs de Paris ; ils ont monstré à nos ennemis qu’il leur appartenoit
aussi bien de deffendre les Loix du Royaume, que de les sçauoir ;
& que leur sage Politique sçait fort bien chercher son asseurance
dans vne iuste deffense, qui nous feroit voir quelque rayon de
Paix au trauers des troubles de la France : Il a parû au temps qu’on
ne l’esperoit point, & dedans & dehors le Royaume, & a esclaté aux
yeux de nostre Auguste Parlement & de tout Paris, & nous a fait
voir de la bonté dans la Reyne, & de la fidelité dans les Espagnols nos
ennemis.

Ce que ie vous feray voir clairement dans cette briefue narration.

Vous sçauez qu’il arriua, il y a quelques iours, deux Herauts à
Paris, ausquels le Parlement ne voulut point donner audience, poussé
par ces deux motifs : Premierement, parce qu’il n’estoit point criminel ;
Secondement, parce qu’il n’estoit point Souuerain. Il iugea

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donc à propos de deputer Messieurs les Gens du Roy vers la Reyne
pour receuoir ses volontez. Ce dessein fut retardé deux iours, faute
de Passe-port, lequel sut enuoyé de Saint Germain auec cette inscription ;
A Messieurs Talon, Meliand, & Buignon, cy-deuant nos Aduocats
& Procureurs Generaux dans nostre Cour de Parlement, laquelle
estonna fort ces Messieurs, qui ont tousiours passionnément desiré
se conseruer dans leur dignitez, comme dans l’obeyssance qu’ils doiuent
au Roy. Ils refusent donc ce Passe-port, & le desplaisir de l’auoir
veu fut chassé par vn autre bien different, & en bonne forme ;
auec lequel ils partent de cette Ville le dix-septiesme de ce mois, &
sont accompagnez des Archers de la Ville iusques à Chaliot : où ils
furent receus & escortez de cinquante Caualiers iusques à Saint
Cloud, où Monsieur de Grandmont apres leur auoir donné à desieuner
les conduit iusques à Chatou auec le Regiment de la Reyne
& de Mazarin ; d’où ils furent menez & escortez par d’autre Caualerie
iusques à Sainct Germain. Cette glorieuse escorte leur fut
presque rauie par la Reyne, Monseigneur le Prince, & Mazarin,
lesquels furent d’aduis (le Conseil estant assemblé sur cette delibeberation)
de ne leur en enuoyer point, mais les autres aduis l’emporterent,
& furent conduits, comme i’ay dit, & receus tres-honorablement
à Sainct Germain. Tous les habitans de cette place &
toute la Cour se reiouyssoient dans la pensée qu’ils auoient que ces
Messieurs estoient venus chercher la Paix, pour leur donner & nous
l’apporter dans Paris, tant il est vray que les hommes naturellement
n’ont de l’amour que pour la Paix, & de l’horreur que pour la Guerre.
On dit mesme que nostre bonne Reyne quitta à l’arriuée de ces
Messieurs la tristesse qu’elle auoit conceuë dans la consideration
des miseres de son Peuple, pillé & massacré par des barbares, qui
ne connoissent pas les noms de Pieté & vraye Religion, puis qu’ils
appartiennent à vn Ministre.

 

Elle les reçoit donc auec les tendresses d’vne bonne Reyne enuers
ses suiets, & escoute paisiblement leurs sousmissions & celles de
tout Paris, qu’ils exprimerent en ces termes.

MADAME,

Nous apportons à vos pieds nos Vies & nos Libertez,
comme vos fidelles Subiets, auec celles de vostre Parlement, & de
tout Paris, qui ne souspirent qu’apres vostre retour, & ne font des
vœux que pour vostre presence. Nous recognoissons que le Ciel irrité,
auec vostre Personne, & celle du Roy nostre Sire, à cause de nos

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crimes, nous a rauy tout nostre bon-heur, mais nous esperons qu’il
nous redonnera auec vos Maiestez nostre tranquillité. Les Heraults
qui sont venus de vostre part à Paris, en ont fait naistre quelque esperance
dans nos cœurs ; & alors nous les auons regardez non pas
comme des personnes qui nous venoient annoncer la Guerre, mais
comme des Messagers de Paix. Neantmoins l’obeyssance que nous
auons consacrée en naissant à vos Maiestez, & que nous auons conseruée
iusques à present, nous a empesché de les escouter comme
Souuerains. Et l’integrité de nos vies, & la paix de nos consciences
nous a empesché de receuoir d’eux nostre condamnation, comme
criminels, mais nous sommes venus apporter à vos pieds nos sousmissions,
& receuoir vos volontez. Dans le refus de donner audience
à vos Heraults, vous pouuez seulement remarquer l’obeyssance
de vos subiets, qui la veulent porter dans le tombeau, & l’innocence
de nos conseils qui ne tendent qu’à asseurer vostre Couronne,
& la conseruer contre l’effort de nos ennemis au Roy nostre Sire.
MADAME, si vous nous les auez enuoyez comme à des Souuerains,
vous voyez nos respects, & comme nous reconnoissons que nostre
felicité consiste dans l’obeyssance dont nous venons asseurer vostre
Maiesté. Si vous les auez enuoyez vers nous comme à des criminels,
nous sommes venus comme subiets receuoir vos volontez & nostre
condamnation.

 

Ils acheuerent ces poroles auec la ioye de la Reyne qui les escouta
auec vne attention admirable, & ausquelles elles fit cette briefue
response.

Ie reçois auec affection le zele que vous auez pour le seruice du Roy,
comme fidelles subiets, ie prie le Parlement & Paris de le continuer, &
prouuer vostre discours par des effects qui soient dignes d’vn Roy affectionné
pour ses subiets.

Ces Messieurs sortirent de Sainct Germain auec cette responce,
fort contens, & le dix-neufiesme de ce mois en firent la relation au
Parlement. Ils ne furent pas si-tost entrez dans la grand Chambre,
que voila vn Courier d’Espagne qui demande audience, cela estonne
la Compagnie, on delibere sur ce suiet, & l’aspresdinée de ce iour dix-neufiesme
Feurier il entra dans la grand’Chambre, où Messieurs
estoient assemblez pour l’escouter. On remarqua qu’il alla iusques
au Parquet la teste couuerte, & estant interrogé de Monsieur le Premier
President, s’il auoit quelque chose à dire à la Cour, il respondit,
qu’il auoit des lettres à luy donner de la part de son Altesse l’Archiduc
Leopold, lesquelles Monsieur Payen Deslandes prit & fit la lecture
de ces mots.

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MESSIEVRS,

Vous vous estonnerez possible de voir de la fidelité dans vn ennemy,
& de l’infidelité dans celuy que vous auez chargé de bien faits :
Mais si vous considerez que la generosité m’apprend à estre fidelle,
mesme à mes ennemis, vous receurez de bon cœur ces aduertissemens
pleins d’affection. Le Cardinal Mazarin a enuoyé vers le Roy
Catholique, mon Prince, pour faire la Paix à quelque prix que ce fust,
à condition de luy donner nos troupes pour asseurer la Couronne du
Roy, que la rebellion de ses subjets mettoit en éuident danger ; Mais
sçachant que c’estoit plustost pour asseurer sa vie, & pour vous immoler
à sa cruauté & à sa vengeance, sçachant que vous l’auiez declaré
perturbateur du repos public & ennemy de l’Estat ; nous n’auons
point voulu traitter auec luy de la Paix, comme estant criminel & ennemy
de la concorde. Considerans outre cela les mal-heurs qui sortiroient
d’vne telle Paix, qui allumeroit vn iour entre nous des guerres
bien plus sanglantes. Au contraire, nous auons estouffé nos haines
dans la consideration de la sincerité de vos desseins, que nous tascherons
auec nos troupes de conduire à la fin que vous desirez. Ie prie le
Ciel qu’il les fauorise.

L’Archiduc LEOPOLD
VVILAVME.

De Bruxelles ce 10. Feburier
1649.

Apres cette lecture Monsieur le premier President demanda derechef,
s’il ne luy restoit plus rien à dire à la Cour ; à laquelle demande
il satisfit par ce Discours.

MESSIEVRS,

Le Roy Catholique, mon Maistre, pouuoit tirer auantage des troubles
de la France ; & cette occasion sembloit luy presenter la victoire.
Elle l’inuitoit, mais elle ne la iamais attiré. Et il s’est estimé plus glorieux
en vous offrant la Paix & ses troupes, que d’embrasser la Victoire
qu’il auoit entre ses mains. Vos villes de frontiere sans garnisons,

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Arras, Bapaulme, Sainct Quentin, & plusieurs autres, sembloient
ouurir les portes à son Altesse l’Archiduc Leopold, & luy dire tacitement,
que le Cardinal Mazarin portoit ses desseins à la ruine de la
France, puis qu’il auoit esté les garnisons de ses villes ; & ainsi les auoit
abandonnées à son Altesse, desquelles elle se fust emparée, si elle eust
esté moins genereuse. Elle a adjousté à cette generosité le refus de la
Paix à ce Cardinal, qui vouloit par des offres & conditions iniques,
achepter nos seruices contre vostre Estat, & se seruir de la Paix pour
faire la guerre contre vous ; & dans vostre sang & celuy de tous les
François, assouuir ses vengeances. Nous n’auons point voulu mettre
son crime en asseurance par nos armes, & luy seruir de Rempart contre
vostre Iustice, qui le poursuit comme perturbateur du repos public,
& ennemy des Roys : Au contraire, ie suis venu de la part du
Roy Catholique, mon Maistre, & de son Altesse Royalle, vous offrir
la Paix ; & vous dire qu’ils mettent entre vos mains leurs interests, &
ceux du Duc de Loraine, qui sont inseparables ; & que vous pouuez
élire vne ville, où les Députez de part & d’autre, trauaillent à conclure
vne Paix, qui portera la guerre dans l’esprit du Cardinal Mazarin ;
qu’ils esperoient cela de la Iustice de vos Conseils, dans lesquels les
Souuerains ont heureusement autrefois trouué leur repos, & la fin de
leurs guerres. Pour vous monstrer outre cela qu’ils ont de la veneration
pour vostre vertu, & de l’affection pour vous & vostre Roy ; ils
vous offrent leurs troupes qui sont sur la frontiere contre vos ennemis,
lesquelles ils feront subsister, & vous commander. Receuez, Messieurs.
ces offres & ces vœux ; aymez la fidelité, mesme dans vos ennemis ; &
monstrez à tout le monde, que vous sçauez aussi bien faire la paix que
la guerre.

 

Decorum
est principi
cum victoriam
propè in
manibus
habeat, pacem
non
abnuere.
Liu, l. 3.

Toute l’assemblée craignoit que ce discours finist, tant il est vray que
celuy qui parle de la Paix captiue facilement les cœurs, & trouue par
tout des auditeurs. Ce Courier ayant cessé Monsieur le premier President
luy dit qu’il donnast son Discours par escrit à la Cour, & qu’elle
y respondroit succinctement.

Paris il n’est plus temps de craindre, puis que tu trouues de la fidelité
dans tes ennemis. La sincerité de tes intentions attire l’Espagne
dans ton party. Releue tes esperances, & les porte iusques dans
le sein de ta victoire. Toute la terre veut prendre part à ta gloire, &
l’on voit tes ennemis t’offrir la paix pour venir vaincre auec toy. Tu
les as surmontez plutost par ta vertu que par tes armes. Conduis
tes desseins a la gloire de ton Roy, & celle de toutes les Nations : Et
toutes les Villes de la France marcheront sur tes pas. Voila desia

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cette genereuse Ville de Melun qui a sacrifié à sa Patrie sa Garnison
infidelle, & s’est estroittement iointe auec toy par les mesmes chaisnes
dont elle a lié son traistre Gouuerneur. Voila la Victoire qui suit
tes desseins : Tes Generaux l’ont arrachée le dix-neufiesme Feurier
dans la Brie à tes ennemis. Enfin tu fais aduoüer à tout le monde
que tu merites d’auoir vn Roy, puis que ton sang est le glorieux prix
dont tu veux le rachepter.

 

FIN.

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Anonyme [1649], LE COVRIER EXTRAORDINAIRE, APPORTANT LES NOVVELLES de la Reception de Messieurs les Gens du Roy à S. Germain en Laye, & de celle du Courier d’Espagne au Palais ; AVEC TOVTES LES HARANGVES qui ont esté faites. , français, latinRéférence RIM : M0_827. Cote locale : C_1_42.