Anonyme [1649], LE DECALOGVE FRANÇOIS. , françaisRéférence RIM : M0_867. Cote locale : C_2_46.
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LE
DECALOGVE
FRANÇOIS.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LE DECALOGVE
François.

 


Scais tu, peuple, ce qui m’oblige
A faire ces commandemens ?
C’est l’aspreté de tes tourmens
Et le mauuais sort qui t’afflige ;
Car bien que ie ne sois pas Dieu
Pour le mener par milieu
De l’Egypte ou de la Iudée,
Ie voudrois pourtant par raison
Que ta marche fust bien guidée
Pour estre heureux dans la maison.

 

I.

 


Le premier point que tu dois faire
C’est d’auoir le Roy dans tes mains,
Et tous tes projets seront vains
Si tu n’accomplis cet affaire ;
Car pense que tes ennemis
Ne seront iamais endormis
A l’instruire à leur fantaisie,
Il falloit que le Parlement
Eust cette honneste ialousie
Dés le premier remuëment.

 

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II.

 


Sondes bien l’esprit de la Reyne,
Consideres ses actions,
Car elle a des pretentions
Cependant qu’elle est Souueraine,
De les dire ie ne sçaurois
Mais pourtant quant à moy ie crois,
Qu’elle aspire en sa conscience
De rencontrer quelque moyen,
Pour prendre iuste vangeance
Du rustique & du Citoyen

 

III.

 


Le Duc d’Orleans qui regarde
Sans dire mot ce qui se fait,
Nous tesmoigne bien en effet
Que fol est qui trop se hasarde,
Son silence a seruy beaucoup
Pour le conseruer à ce coup,
Mais il faut oster la Riuiere
Pour voir tous tes maux effacez ;
Plût à Dieu qu’il fût dans la bierre
Comme on disoit ces iours passez.

 

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IV.

 


Il faut tousiours donner au Prince
Si tu veux en venir à bout,
Par ce moyen il fera tout
Car il est sujet à la pince,
Pour augmenter son reuenu
Qui plus luy donne est bien venu,
Mazarin en sçait bien que dire,
Car ie gagerois volontiers
Qu’il veut vuider sa tire-lire
Auec celle des Maltautiers.

 

V.

 


Le Prince de Conty fait mine
De te vouloir beaucoup de bien,
Mais pourtant ie n’en croiray rien,
Car son procedé me chagrine,
Les Condez n’ont iamais bien fait,
Et mon cœur seroit satisfait,
S’il estoit hors de nostre bande,
Il faut qu’il retourne à la Cour,
Pour d’anser vne Sarabande,
Et apprendre à faire l’amour.

 

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VI.

 


Beaufort est ta seule deffence,
C’est ton rempart & ton appuy,
Aussi dois-tu la faire pour luy
Si tant est que quelqu’vn l’offence,
Ce ieune Mars a des appas
Dans ton cœur que chacun n’a pas,
Et merite bien que ta vie
S’expose pour vanger son tort.
Mais que te peut faire l’enuie,
Estant couuert d’vn si Beau fort ?

 

VII.

 


Le Duc de Mercœure se contente
De la Niepce de Mazarin,
Cette belle le rend chagrin
Et le tient tousiours en attente,
Pour moy ie crois qu’il a raison <l>Leur mariage est de saison,
Mais i’ay peur d’vn mauuais presage,
Car ie prens le Ciel à tesmoin
Que ie crains pour le pucelage
D’vne fille qui vient de loin.

 

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VIII.

 


Mazarin a trouué la cache
D’auoir nostre or & nostre argent,
Et tout le peuble est indigent,
Mais il n’importe qu’il le sçache,
Si tu veux faire ton deuoir
Empesche luy plus de l’auoir,
Car malgré tous ses beaux gendarmes,
Malgré les fougueux de la Cour,
Si tu n’eusses posé les armes
Il eut esté gueux à son tour.

 

IX.

 


Tu dois maintenant prendre garde,
S’il vient quelque trouble nouueau,
A ne pas espargner le sceau,
Car c’est vn coup qui te regarde :
Au plus fort de la pauureté,
Cet homme là ta mal traitté,
Fais luy donc auiourd’huy la moüe,
Car vrayement il seroit bien pris
S’il ne se trouuoit plus de bouë.
Pour les Gadoüars de Paris.

 

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X.

 


On dit par tout que les gendarmes
Font des excez & des mal heurs,
Et que sous de fausses couleurs
On reprend contre toy les armes ;
De cela ie n’en diray rien,
Mais toutesfois ie sçay fort bien
Que les soldats ont l’asseurance
De coucher les femmes à bas,
Et que sans sortir de la France,
Ils font la guerre au Pays bas.

 

FIN.

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