Anonyme [1652], LE DERNIER COMBAT DONNÉ DEVANT ESTAMPES A LA PRISE ET REPRISE TROIS FOIS D’VNE DEMI-LVNE. Et la sortie generale que le Comte de Tauanes fit faire sur les ennemis, où ils sont perdu plus de huict cens hommes. Auec les noms des morts blessez & prisonniers. La nuict du 2. au 3. Iuin 1652. Et les autres particularitez du Courier d’aujourd’huy. , françaisRéférence RIM : M0_1013. Cote locale : B_19_43.
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LE DERNIER
COMBAT
DONNÉ
DEVANT ESTAMPES
A LA PRISE ET REPRISE TROIS
FOIS D’VNE DEMI-LVNE.

Et la sortie generale que le Comte
de Tauanes fit faire sur les ennemis,
où ils sont perdu plus
de huict cens hommes.

Auec les noms des morts blessez & prisonniers.

La nuict du 2. au 3. Iuin 1652.

Et les autres particularitez du Courier d’aujourd’huy.

A. PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë Sainte Anne.

M. DC. LII.

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Le dernier Combat donné deuant
Estampes à la prise &
reprise d’vne demi-lune :
Et la sortie generale que le
Comte de Tauanes fit faire
sur les ennemis, où ils ont
perdu plus de huict cens
hommes.

ENCORE que quelques estourdis
ayent publié ces iours passez la leuée
du siege d’Estampes, neantmoins
quantité de gens d’esprit &
de qualité n’y ont adjousté aucune
foy, veu que c’estoit des gens sans aueu, priuilege,
ny permission, & qui par des confusions de menteries
enseuelissent si bien la verité, qu’elle ne peut
paroistre au public, c’est dont beaucoup de gens
d’honneur se pleignent : mais comme la misere du
temps donne toute sorte de licence aux broüillons,
il est bien difficile d’y pouruoir ; & comme i’ay déja
dit par mes precedentes Relations, ils offensent

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la reputation de nos Princes, car il y va de leur
honneur, que la verité des auantages que le Ciel
leur donne sur les ennemis du Roy paroisse à tout
le monde, auec autant de candeur & d’integrité,
que la iustice de leurs armes. I’ay voulu donner cét
aduertissement, ayant l’honneur d’imprimer pour
la Maison de S. A. R. afin que les gens d’esprit qui
verront mon nom, fassent difference de mes imprimez
d’auec les autres, ne les donnant au peuple
que selon les veritables nouuelles qu’en rapportent
les Couriers à sadite Altesse Royale.

 

Le dernier qui arriua hier au soir au Palais d’Orleans,
a rapporté que nonobstant toutes les sorties
que nos assiegez ont fait sur les ennemis, où ils
ont perdu beaucoup de monde, ils ne se sont point
relaschez, mais au contraire ils ont paru plus obstinez
à la poursuite qu’auparauant, si bien qu’il
semble qu’Estampes soit le theatre tragique où le
François veuille disputer au François la grandeur
de courage, que toute autre nation luy cede, & le
Demon a si bien meslé le point d’honneur dans
les cœurs de cette nation guerriere, qu’il semble
que ce leur est vn diuertissement, quand ils s’ostent
la vie l’vn à l’autre.

Nous auons donc apris par iceluy que la nuit du
deux au troisiesme de ce mois, le Mareschal de Turenne
fit faire vne attaque par ses troupes, plus
rude que les precedentes, & apres vn combat fort

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opiniastré de part & d’autre, ils demeurerent maistres
d’vne demi-lune que nos gens auoient fait
dans le Faux-bourg, & apres s’en estre asseurez y
laisserent cent homms, qui furent bien-tost apres
attaquez par le Regiment de S. A. R. auec tant de
chaleur qu’ils furent contraints de l’abandonner,
dequoy le Mareschal de Turenne picqué au vif
d’vn si sanglant affront, la fit derechef attaquer
plus furieusement que deuant, & là se fit vne
chaude escarmouche. Mais Monsieur le Comte de
Tauanes, dont la prudence ne cede rien à la valeur,
voyant que ses gens s’obstinoient auec tant de
courage à deffendre vn petit morceau de terre, où
ils venoient de planter leur honneur, fit faire vne
sortie generale composée de vingt escadrons de
Caualerie sur l’armée des ennemis pour faire diuersion,
qui chargerent si a point nommé les Mazarins,
qu’ils furent obligez de lascher prise, & ne
pouuant l’emporter comme ils auoient fait auparauant,
se contenterent de loger au pied, apres
auoir perdu dans toutes ses attaques plus de huit
cens hommes, & les nostres deux cens : entre lesquels
il y a des personnes de marque de leur costé,
comme Monsieur le Comte de Quincé, qui fut
tué à cette seconde attaque ; le sieur de saincte
More à la premiere, & le sieur Karegret Lieutenant
aux Gardes, & quelques autres dont on ne
sçait pas les noms, quoy que c’en soit l’auantage
est demeuré aux nostres, puis qu’ils ont repris

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la demi-lune que les ennemis leur auoient emportez,
si bien que s’il en coustoit autant à l’attaque
des autres trauaux que nos gens ont fait.
Ils n’auroient pas assez de monde, pour exposer
à vne si haute entreprise ; mais l’arriuée du Duc
de Lorraine les tient au cul & aux chausses, & se
flattent d’emporter la Ville auant le secours qu’elle
en doit receuoir, qui sera auant quatre iours au
plus-tard, terme que nos assiegez peuuent indubitablement
tenir, puis qu’en huict iours qu’ils
y sont, ils ont fait si peu de progrez.

 

Son Altesse de Loraine ayant apris cette nounouuelle,
despecha aussi-tost des Courriers vers
ses trouppes, auec ordre à tous les Chefs de les
faire aduancer ; on destachera tousiours de la Caualerie
deuant pour faciliter le passage à l’Infanterie ;
des hier il parut des auant-Courreurs prés de
Charenton, & vne partie de l’Infanterie a couché
à Lagny ; si bien qu’au plus-tard, demain on
espere que l’auant-garde passera la Seyne au port
à Langlois, ou Monsieur le Prince a fait faire
deux ponts de basteaux, l’vn pour passer les gens
de guerre, & l’autre pour le canon & les bagages ;
mais ie croy qu’on laissera quelques trouppes au
bagage, & qu’on fera cependant auancer le
Corps d’armée, afin de faire plus de diligence ; le
grand attirail qu’ils ont pouuant causer vn retardement
prejudiciable. Leur armée est composée
de huict à neuf mille hommes effectifs : car ils ont

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bien autant de valets, lesquels joints aux trouppes
que Monsieur le Prince a leuez icy, feront
vne armée considerable ; & quand mesme il arriueroit
par le plus grand malheur du monde, que
les Mazarins emportassent Estampes par composition :
car ils seroient trop heureux de l’emporter
de la sorte, tousiours les troupes qui en sortiroient
jointes auec celles-cy, feroient vne armée plus
forte de beaucoup que la leur, & par ainsi se rendroient
Maistres de la campagne, qui est le
moyen infaillible pour chasser le Cardinal Mazarin.
Car il auroit peine à trouuer des Villes qui
le voulussent retirer, puis qu’ils s’exposeroient à
vn siege qui seroit veritablement la ruïne entiere
de leurs habitans.

 

Le Courrier qui est venu ce iourd’huy a apporté
la confirmation de ce que dessus ; mais il y a ajousté
vn plus grand nombre de morts, asseurant que
les ennemis ont perdu cinq cens hommes à la premiere
attaque de la demi-lune, & huict cens aux
deux autres : car elle a esté prise trois fois, & reprise
autant. Il adjouste de plus la mort du Comte
de la Londe, qui commandoit les gens-d’armes
de S. A. auec la perte de trois cens des nostres.

Le differend, pour le commandement de l’armée
de S. A. R. a esté terminé, & a esté resoluë
que son A. de Lorraine restera icy prés de S. A. R.
& que M. le Prince commandera les armées.

FIN.

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