Anonyme [1652], LE DERNIER EXORCISME DV CARDINAL MAZARIN, PRESENTÉ A LA REYNE. Pour l’obliger à sortir au plustost de la France. Par vn de ses meilleurs Amis. , françaisRéférence RIM : M0_1016. Cote locale : B_13_36.
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LE DERNIER
EXORCISME
DV
CARDINAL
MAZARIN,
PRESENTÉ A LA REYNE.
Pour l’obliger à sortir au plustost de la
France.

Par vn de ses meilleurs Amis.

A PARIS,
Chez IACQVES CLEMENT, à la montagne
Ste Geneuiéve.

M. DC. LII.

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LE DERNIER EXORCISME
de Monsieur le Cardinal Mazarin pour l’obliger
à sortir au plustost de la France,

PAR VN DE SES AMIS.

Voyant que Monsieur le Cardinal Mazarin n’a pas moins
de peine à quitter la France, qu’vn vieux pecheur à
mourir, ou qu’vn Demon des plus obstinez à sortir du
corps d’vn malheureux possedé, que tant de Declarations de sa
Maiesté, tãt d’Arrests de Cours souueraines, & tant d’Armées
de nos Princes vnis au dessein de causer son éloignemẽt, n’ont
encor’ pû procurer ce bien à nos Peuples qui le souhaitẽt auec
des vœux les plus pressants du monde ; I’ay creu que pour leur
donner cette satisfaction, ie deuois vser d’Exorcisme enuers
ce persecuteur de nos Prouinces, & que c’estoit luy rendre
Iustice que de le traitter à la façon de ces Esprits, Hostes
des Tenebres, qui ne trauaillent comme luy qu’à la destructiõ
du genre humain. Il est vray que comme le Formulaire de
Coniurations ne m’est pas familier, & que ie ne veux rien mêler
de saint à ce suiet tout prophane, ie le veux coniurer d’vne
façon extraordinaire, ou plustost au nom de la Muse dont l’Antousiasme
a quelque chose de Diuin : & c’est ce qui m’oblige à
luy dire en son langage que ce bon Prelat n’aima iamais peut-estre,
sçachant qu’il deuoit seruir vn iour à décrier sa conduite :

 


Sors de la France Mazarin,
Engeance de l’Esprit malin ?
Sors Mazarin auec les braues ?
Sors auec tes lâches Esclaues ?

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Auec tes infames consorts,
Que meuuent les traistres ressorts
De t[illisible] politique infernale ?
Fais nous sortir de ce Dedale ?
Abandonne, dis-je, ce lieu,
Sors de la France de par Dieu ?
Sors, dis-ie, enfin maudit Cerbere
Du corps de nostre bonne Mere ?
Va-t’en pour remplir nos souhaits,
Laisse nous respirer en paix.

 

 


Puis qu’icy chacun te deteste,
Puis qu’on te hait plus que la peste,
Et qu’on deteste auprés du Roy
Quiconque a de l’amour pour toy ;
Emporte auecque toy la Guerre
Que tu nourris en cette terre :
La Guerre, dis-ie, & tous nos maux
Que l’Aspergez des Cardinaux
A sur nous plus menu que cendre
Depuis certain tems fait descendre.

 

 


Enfin n’attends pas qu’vn licol
Serue d’ornement à ton col,
Et qu’on te traite en Marquis
d’Ancre
Aprés auoir épuisé l’encre
De nos genereux Escriuains,
Qui tous se sont lassez les mains
A force de pousser la plume
Pour faire maint & maint volume :
Qui témoignast aux bons François
Que quelque illustre que tu sois
Tu n’es pas tout exempt de blâme,
N’en déplaise à la bonne Dame :
Qui croit que tu n’as point d’égal,
Qu’il est maudit qui te veut mal,
Et qui procure ta sortie,

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Deust-elle enfin perdre la vie
A voir ton Empire finir,
Vas-t’en pour ne plus reuenir.

 

Vas-t’en, Mazarin, ie te le dis maintenant en Prose, aprés te
l’auoir mille fois dit en Vers ; & te veux traiter quelque temps
d’homme raisonnable, aprés t’auoir osé traiter de Demon. Vas-t’en,
dis-ie, laisse nostre France en repos, & donne ce contentement
à tant de personnes, qui dans la haine mortelle qu’elle te
portent, pensent que leur salut ne dépend que de ton éloignement,
ou de ta mort. Ainsi, Mazarin, ne sois pas moins genereux
qu’Othon, lequel se voyant en possession de l’Empire où il
auoit souhaité de paruenir, pour iouyr auec plus de liberté de
toutes sortes de plaisirs, se priua volontairement de l’empire de
la vie, pour ne r’allumer les feux d’vne Guerre Ciuile, en vne
occurrence où l’ardeur de ses soldats presents, & des armées qui
s’auançoient de tous costez à son secours, luy faisoient esperer
vne prompte Victoire fut ses Ennemis, s’il n’eust embrasse plûtost
la resolution d’vne belle mort. Que s’il importe à tant de
monde, ou que tu t’en aille, ou que tu meures, ne sois point paresseux
à partir, puisque chaque moment où tu tarde, adiouste
à nostre peine & à la tienne. Ne t’asseure point, au reste, à
l’Armée du Roy, qui trauaille à ton rétablissement ; Sçachant
que Henry le Grand mesme, auec plus de troupes, & mieux
aguerries ; aprés auoir gagné tant de batailles, & pris tant de Villes
dans la France, dont il estoit Roy legitime, ne pût iamais s’en
rendre tout à fait Maistre, tant que son esprit parut infecté de
l’heresie, à qui l’on te peut iustement comparer. C’est pour
te dire, ô Mazarin, que tu ne peux iamais esperer de voir le Roy
paisible en son Royaume, ny la Reyne bien vouluë des Peuples,
tant que tu les suiuras comme tu fais pour te mettre à l’abry des
orages qui te menacent de tous costez. Que si c’est vn effet de
prudence de témoigner qu’on fait de gré, ce qu’autrement on
seroit obligé de faire de force, ne differe point à prendre cette
resolution, & fais que nous deuions ainsi plustost le bonheur de
ta retraite à ta prudence mesme, qu’à la violence d’vne extrême
necessité. Mais i’ay tort de te faire cette Exhortation, sçachant

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que tu n’as rien d’humain que la figure : & que l’Enfer n’a point
de si cruel Demõ que toy. C’est ce qui me persuade que puis que
le vent de midy t’a porté de la Sicile dans les terres de la Frãce,
cõme il a coustume d’y ietter les Sauterelles, & le venin qui produit
icy les chenilles, & les autres plus veneneux animaux : On te
peut prendre pour ce Demõ meridional, dõt parle vn des pseaumes
qu’on chante à Cõplie ; D’autres disent que n’ayant qu’vne
partie des signes de l’Antechrist, tu fais remarquer en toy tous
ceux de ce Dragon, qui suiuant l’interpretation que l’autheur de
l’Alcoran a faite de ces paroles d’vne autre pseaume, Draco quem
fecit Deus ad illudendum, vient s’ébattre chaque iour quelques
heures deuant Dieu pour luy faire passer le temps, parce que de
même tes singeries en diuertissant nostre ieune Monarque, offusquent
les lumieres de son esprit par les illusions des mauuais conseils
que tu luy donnes : mais presque tous demeurent d’accord
qu’il faut que tu sois vne copie de Lucifer, puis que comme la
mesme sainte Escriture porte, que tombant aprés sa reuolte, il
entraisna de sa queuë auec luy la 3. partie des Estoilles, on
sçait que par le moyen de la tienne qui nous fait veoir de pareils
prodiges, tu n’as pas moins attiré de nos grands Seigneurs à ton
party, & qui sont en danger de faire vn sault pareil quand le Roy
plainemẽt informé de tés desseins sçaura que tu ne les as formez
auec eux que pour la ruine de son Estat. Ce sera lors que nous
aurons suiet de railler sur ton desordre, & de dire ces belles
paroles en parlant de toy ; Quomodo cecidisti, Lucifer ! qui
mane oriebaris ? qui vulnerabas gentes ? qui dicebas in corde tuo,
ascendam super astra, & ero similis altissimo. Ie ne m’estonne
point aussi de voir que tu resistes si fort à la puissance de nos
Exorcismes, ayant appris de l’Euangile, qu’il est vne espece de Demons
muets, qui ne peuuent estre chassez des corps que par le Ieusne,
& par l’Oraison. Toutefois i’aurois tort de te croire de cét ordre,
sçachant que l’vn ny l’autre pratiqué rigoureusement pour
ton suiet, n’a pû nous procurer encore ta sortie hors de la France,
ny faire cesser la possession de nostre Reyne, ny l’obsession
de nostre Roy. En effet, si l’on auoit pû te chasser par le Ieusne,
laissant à part les austeritez d’vne infinité de bons Religieux, qui

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pour ce suiet ont fait plusieurs Caresmes en vne Année ; Celuy
de tant de malheureux Villageois, & d’autres chetiues personnes
dans Paris, qui pour l’amour de toy l’obseruent par necessité
plus rigoureusement que les anciens Iuifs, reduits à faire ieusner
cõme eux, iusques aux animaux, t’auroit forcé de r’entrer dans les
brûlantes cauernes de ton Montgibel, qui t’a vomy pour nostre
malheur, ou si la priere auoit eu des forces efficaces pour cét
effet, les Prieres de Quarante heures faites par toute la France
auec tant de zele, & tant de Messes dites à cette intention,
tant de Processions Generales, & de vœux faits au Ciel, pour
le mesme suiet par vne infinité de personnes pieuses & deuotes,
auroient, sans doute desia mis la France au comble de
ses felicitez par ce moyen. Quoy donc, Mazarin, croirons-nous
que tu sois vn de ces quatre Anges de l’Apocalypse, ausquels
il est donné d’enhaut de nuire à la mer, à la terre, aux arbres,
aux plantes, & generalement à tout ce qu’il y a de viuant & d’inanimé
dans la Nature. C’est ce que ie ne puis non plus presumer,
parce que les seruiteurs de Dieu ne portent point encore
sur le front les marques de leur future predestination, comme
il se doit remarquer sous le regne de ces quatre Anges malins ;
Si ce n’est qu’on peut passer icy pour predestinés ceux qui se
declarent amis de la Iustice, en se declarants ennemis de Mazarin.
Quoy qu’il en soit, il est certain que Mazarin n’est pas vn
Demon de la moindre espece, puis qu’il est vn de ceux qui sont
employés à troubler le repos des grands Estats, au lieu que
beaucoup d’autres n’ont la commission que de faire enfler les riuieres,
exciter des broüillards en l’air, ou seulement faire tomber
de la gresle sur le persil, ce qui ne tend pas de mesme à la
détruction de tout vn païs. C’est pour cela que le voyant opposé
directement au bon S. Michel-Ange-Tutelaire de la France,
ie veux adresser mes prieres à ce grand Saint, afin que son secours
inuincible, au defaut de celuy des hommes, nous déliure bien-tost
de la persecution de ce Tyran, en luy disant auec vne deuote
soûmission,

 

 


Heureux Archange saint Michel
Feal amy de l’Eternel,

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Qui tiens sans fer ny hallebarde
Nostre France en ta sauuegarde
Voyant qu’auiourd’huy Mazarin
Plus affamé qu’vn Loup Marin
Nous pille, saccage & deuore,
Et nous traitte de Turc à More,
Nous les bons & sages François
Rangés sous les diuines Loix.
Enfin qu’il fait le Diable à quatre
Tousiours en estat de combattre,
Et que ce maudit Cardinal.
Est vn parfait Original
D’impieté toute notoire :
Escoute ce fulminatoire,
Et le iugeant ton ennemy
Le mal-traite en Diable & demy,
Luy tenant le pié sur la gorge
Comme vne autre braue S. George,
Tant que nous sortions de peril,
Et qu’il expire
Ainsi soit-il.

 

FIN.

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