Anonyme [1649], LE FILS DE L’IMPVDIQVE; ET LE PERFIDE VOLVPTVEVX. , françaisRéférence RIM : M0_1394. Cote locale : A_3_60.
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LE FILS
DE
L’IMPVDIQVE ;
ET
LE PERFIDE
VOLVPTVEVX.

A PARIS,
Chez DENYS LANGLOIS, au mont S. Hilaire,
à l’enseigne du Pelican.

M. DC. XLIX.

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LE FILS DE L’IMPVDIQVE ;
ET
LE PERFIDE VOLVPTVEVX.

LA Sicile que l’on sçait estre suiette au Roy
d’Espagne, lieu d’abomination, la sentine,
& le receptacle des mauuaises qualitez des autres
Nations, le repaire & la retraitte de tous
les voleurs de l’Vniuers, l’azile & le refuge de tous les scelerats,
le cloaque d’infamie, la terre maudite de Dieu, & des
gens de bien, a iusques icy esté supportable, & le seroit encore,
si elle retenoit enclos dans son sein le Monstre, ou plûtost
le Vipere, qu’elle a produict.

Quand tous les François voudroient par la force de
leur vertu ordinaire, estouffer leurs iustes indignations
contre ce perfide Mazarin : Cette Prouince, quoy que
remplie d’impieté, ne pourroit se retenir de lancer sur sa
maudite production, les foudres de sa vengeance, & sans
doute l’auroit-elle desia fait, si ce traitre à son Roy, & à sa
Patrie, ne s’estoit refugié dans ce Royaume, lequel dés son
premier abord a esté tellement infecté de son venin, qu’il a
commencé à perdre sa splendeur, & enfin par succession
de temps l’a reduict dans vne si grande extremité, que de
memoire d’homme il ne s’est iamais rien veu de semblable.

Toute la Nature témoigne des regrets si sensibles, d’auoir
donné iour à vn si malheureux homme, & il semble à
la voir qu’elle vueille prendre les armes pour le détruire ;

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chose si certaine, qu’il ne seroit pas beaucoup difficile de reconnoistre
la verité de cecy, & remarquer par les tempestes
& orages qu’elle a excitées, qu’elle prend part à l’affliction
de la France, & qu’elle concourt auec elle au chastiment de
ce Voleur, dont l’origine & la vie sont égallemẽt méchante ;
& il y a grande apparence que si Dieu par vn excez de
sa misericorde ne le touche, que sa fin sera semblable.

 

Cét inique a pris naissance dans vn petit village de la
Sicile ; quelques-vns pour colorer la verité, & ne le pas faire
passer pour ce qu’il est, asseurent, mais sans aucun fondement,
que son pere estoit marchãd, & que n’ayant pas reüssi
dans son trafic, il fut obligé de faire banqueroute. D’autres
mieux instruits disent, que son pere, qui auoit pris naissance
d’vn Iuif, se rendit Chrestien, & que dans le commencement
de sa conuersiõ, il fit en sorte de se captiuer la bienueillance
du peuple, afin d’oster la mauuaise opinion qu’on
auoit qu’il iudaïsoit. D’asseurer qu’il fut marchand, c’est
ce que l’on ne peut pour deux raisons : La premiere qu’il
estoit fort pauure, & partant incapable, du moins, d’exercer
vn trafic honorable : La seconde, qui est la plus probable,
& qu’il fut fait Curé de son village, en laquelle charge il
vécut assez long-temps auec vn infame, qu’il gardoit soubs
pretexte que c’estoit sa seruante, de laquelle il eut deux enfans,
dont l’vn estoit fol & idiot, & l’autre remply de malice
& d’astuce, que l’on appella Iulles Mazarin.

Dés son bas âge il donna des marques de ce qu’il seroit
vn iour, & ceux qui le connoissent asseurent qu’il a esté né
soubs vne planette si mauuaise, qu’il n’y a point d’homme
dans le monde, pour méchant qu’il puisse estre, sur lequel
les astres ayent enuoyé de si maudites influences ; iusques-là
mesme qu’ils ont creu que cette terre ingrate & infertile en

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gens de bien auoit fait vn effort sur soy pour se purger, &
qu’ayant ramassé toutes ses mauuaises qualitez & humeurs,
elle en auoit fait vn pressis, ou vn abregé en la personne
dudit Iulles Mazarin, lequel ayant acquis vn peu d’âge,
n’ayant qu’vn tres-méchant habit, deroba tout ce qu’il
peut à son pere, & s’enfuit sans rien dire. Aprés estre arriué à
Rome aux dépens de monsieur le Curé : tout gueux & miserable,
il commença à étaler sa marchandise, & se seruir
de ses finesses pleines de malices ; & pour gaigner le cœur
de quelques personnes brutales, il n’eût point de honte de
se produire & d’exercer le plus infame & lâche commerce,
que pour ne pas offenser les oreilles des gens de bien, il est
plus à propos de taire, que de dire. Il fut quelque temps laquais,
& depuis estant valet de chambre, il se fit passer pour
gentilhomme ; ce fut en ce temps qu’il donna lieu à ses pilleries,
lesquelles depuis il n’a iamais sçeu borner. S’estant
ainsi accommodé aux dépens d’autruy, & par l’exercice ordinaire
de son infamie, il s’acquit l’affection d’vn eminent
personnage, de l’authorité duquel estãt appuyé, il n’y a vice
dans lequel il ne se soit plongé, sans crainte de l’ire de
Dieu, & de la punition qu’il meritoit.

 

Ayant reconnu que l’Italie n’estoit pas suffisante, non
plus que l’Espagne, pour fournir à ses voleries, il se resolut
de quelque façon que ce peut-estre, de trouuer les moyens
de venir en France, qu’il sçauoit estre tres-riche & abondante
en toutes choses, à quoy en effect il a reüssi, mais par
des voyes si pernicieuses, & pleines de perfidie, qu’elles font
connoistre d’elles mesmes la lâcheté & la malice de leur autheur,
ayant sur leur frontispice la plus insigne trahison qui
ait iamais esté commise. Tout le monde sçait qu’ayant
esté enuoyé à Cazal, au lieu d’auoir agy fidelement en

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personne d’honneur, il vendit lâchement son Roy, son
Maistre, & sa Patrie ; ce qui luy dõna entrée auprés de Monsieur
le Cardinal de Richelieu, à la memoire duquel la Frãce
est redeuable ; lequel quoy que tres-grand Genie, cõmit
pourtant en ce rencontre vne lourde faute cõtre la maxime
generale, qui veut que l’on se serue de la trahison, mais non
iamais du traitre, permettant que ce loup affamé, & cupide
des richesses, mit le pied dãs la France, où estant il eut assez
d’adresse par le moyẽ de ses fourberies ordinaires qu’il couuroit
malicieusement l’apparence de pieté, de se conseruer
auprés de luy, à tel point que ledit sieur Cardinal de Richelieu
a procuré par ses soins & poursuittes, que cét homme
de neant ait esté éleué à la principauté Ecclesiastique ; Ce
qu’il ne peut obtenir sans grande difficulté, attendu que ce
peruers estoit connu dans l’Italie, mais particulierement à
Rome, pour le plus lâche & poltron de tous les hommes, &
que sa vie y auoit seruy d’vne planche à toutes sortes de vices,
& que la pluspart de la ieunesse n’auoit esté corrompuë
que par sa maudite pratique. Neantmoins le Pape defunct,
qui aimoit grandement la France, ne peût refuser les prieres
du feu Cardinal de Richelieu, pour deux raisons ; la premiere,
pour donner des marques de son amitié à ce Royaume,
car en cela il est certain qu’il se faisoit vne grande violence
à sa consideration ; la seconde, qu’il creût que peut estre ce
malheureux changeroit de vie, quand il se verroit éleué dãs
vne si haute dignité : Mais helas ! tout le contraire est arriué,
car ayant oublié ce qu’il estoit par le Iustre de sa pourpre,
il a creu qu’impunément il luy estoit permis de commettre
toutes sortes d’excez & de sacrileges, mesme iusques
à vendre des Benefices.

 

Le Roy tres-Chrestien Louys XIII. estant mort, & l’eminentissime

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Cardinal de Richelieu, il estima qu’il n’y deuoit
auoir personne qui ne fléchist soubs sa loy tyrannique,
pour laquelle establir il se couurit de la peau de brebis, afin
de gaigner l’affectiõ de la Reyne, & des Princes ; ce qui luy
succeda si bien, qu’en peu de temps il s’acquit vn tel empire
& authorité, qu’il ne se trouuoit personne mesme d’entre
les principaux du Royaume, qui eust osé entreprendre de
s’opposer à ce torrent d’iniquité : C’est pour lors qu’ayant
leué le masque, il fit connoistre à vn chacun, que cette peau
de brebis, dõt il estoit reuêtu, ne couuroit autre chose qu’vn
lyon enragé, lequel se seruant de Ministres à sa poste, a eu
l’effronterie de s’attaquer au Sang Royal, exposant les vns
à des dangers manifestes, & emprisonnant les autres sur des
faux pretextes, pour auoir lieu de piller à droit & à gauche,
& ainsi venir à bout de ses execrables desseins, desquels il a
eu vn tel succez, qu’il a reduit la France dans vn estat si miserable
par ses maximes Siciliennes, qu’au lieu de triompher
dans ses Victoires, elle est obligée de gemir sous ses propres
ruines qui l’accablent par la violence de cét Ennemy qu’elle
a au dedans de soy. Mais il y a de l’apparence qu’elle se
purgera de ce venin, non seulemẽt en la personne de ce perfide,
mais encore de celle de tous ses Suppôts, lesquels ont
creu, aussi bien que luy, qu’ils auoient permission de voler,
piller, & ruiner, sans que personne leur osât demander vne
reddition de compte : en quoy ils se sont abusez, car Dieu
qui est Iuste, a voulu que ceux qui representent sa Majesté
diuine sur la terre se seruissent du pouuoir qu’il leur a dõné,
pour empêcher que l’Authorité Royale ne fût dauantage
foulée aux pieds par ces ministres de Satan, & les obliger de
reuenir à eux, & à la raison. Mais tant s’en faut que ces
Dieux sur la terre ayent operé à la conuersion de ce malheureux,

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au contraire, il a changé la medecine en poison,
& par ses factions tres-dangereuses, a mis toutes choses dãs
vne combustion & desordre si grand, que pour y apporter
remede, cét Auguste Senat, dont il a tant de fois éprouué la
misericorde, est obligé d’y proceder dans les voyes de la
plus rigoureuse Iustice, & d’y apporter le fer & le feu, attẽdu
qu’aux maux extrêmes il y faut des remedes extrêmes.

 

La France iugera quel doit estre ce personnage, si elle
fait reflexion sur le lieu de sa naissance, estant certain que
pour faire voir qu’vn hõme est méchant iusques dans l’excez,
il suffit de dire qu’il est Sicilien : Et en effet, qui a iamais
rien veu d’égal, il a trahy son pere, son Roy, sa Patrie,
& tous ceux qui luy ont fait du bien : Et enfin chose horrible
il a trahy la France à qui il doit tout ce qu’il est ; mesme
il a eu le front de tromper la Royne sous vne apparence de
vertu. Mais Dieu qui regarde tousiours ce Royaume d’vn
œil fauorable, n’a pas souffert que cét impie ait reüssi dans
ses malheureux desseins, & permettra sans doute que ce
theatre sur lequel il a sacrifié tant de victimes innocentes à
ses brutales passions, sera le lieu où il fera vne fin pleine
d’ignominie pour corrépondre à sa naissance, ce qui seruira
d’vn exemple eternel à la Posterité. Il n’y a point de personnes
veritablement Chrestiennes qui ne luy doiuent souhaitter
vne fin de cette sorte, parce que c’est l’vnique moyé
d’attirer sur luy la misericorde de Dieu, qui l’attend encore
à resipiscence, moyẽnant pourtant qu’il restituë à la France
tant de millions qu’il luy a enleuez, sans quoy il ne peut
obtenir pardon.

FIN.

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