Anonyme [[s. d.]], LE FLAMBEAV D’ESTAT, AVEC LEQVEL TOVS LES PEVPLES DE FRANCE peuuent voir comme ils sont obligez de s’vnir pour l’execution de l’Arrest du 29. Decembre 1651. & de l’Arrest du 23. Iuillet 1652. donnez en Parlement contre Mazarin, toutes les Chambres assemblées. OV L’ON VERRA, I. Que les Arrests d’vn si Auguste Parlement que celuy de Paris doiuent estre inuiolables; principalement quand ils sont donnez pour deliurer l’Estat de la prodigieuse tyrannie où il est. II. Qu’il y va de la gloire de Dieu, de l’honneur du Roy, du salut de la Couronne, du repos public, & du bien vniuersel de tous les peuples de France. III. Qu’il n’est point de François qui ne soit veritablement obligé de respondre vn iour deuant Dieu, de toutes les voleries, meurtres, violences incendies & sacrileges que Mazarin & ses complices font & feront de toutes parts, si on ne les en empesche pas, le pouuant faire. IV. Qu’il n’y a rien de si facile que d’en venir à bout par vn soûleuement general, puis que tous les autres moyens nous ont manqué. V. Et qu’il n’est point de peuple qui n’ait droit de se faire iustice soy-mesmes, quand on refuse de la luy faire. , françaisRéférence RIM : M0_1397. Cote locale : B_11_17.
SubSect précédent(e)

LE FLAMBEAV D’ESTAT
auec lequel tous les peuples de France,
peuuent voir comme ils sont obligez de s’vnir
pour l’execution de l’Arrest du 29.
Decembre 1651. & de l’Arrest du 23.
Iuillet 1652. donnez en Parlement contre
Mazarin, toutes les Chambres assemblées.

LA Iustice est vne certaine habitude de la
volonté, en faueur de laquelle Dieu deliuroit
tous ses peuples de l’oppression où
ils estoient, à cause des Iuges qu’il auoit luy
mesme constituez ; & en faueur de laquelle nos
Illustres Senateurs doiuent rendre à chacun ce
qui luy appartient, par des voyes licites, honnestes,
& tres-raisonnables, suiuant les decrets
de son adorable Sapience. Mais pour la refrener
auec S. Thomas, dans les bornes d’vne plus
estroite definition, nous dirons qu’elle est vne
ferme constante, & perpetuelle volonté, de
rendre legitimement à chacun ce qui luy appartient,
ou parles loix naturelles, ou par les loix
humaines.

Definition
de la Iustice.

1. Iug 2.

Sap. 6.

Autre definition.

-- 4 --

C’est vne vertu si belle, si noble, si excellente
& si glorieuse, quil n’est pas vne vertu Morale,
quelque illustre quelle puisse estre, qui ne
luy doiue ceder le dessus, soit ou parce qu’elle
a son siege dans la volonté, sans aucune dependance
de pas vne de toutes les autres : soit
ou parce, comme le dit fort bien Aristote qu’elle
contient en soy toutes les autres vertus, d’où
vient qu’en l’Escriture sainte tous ceux qui font
profession de toutes les autres vertus Morales
& surnaturelles, sont appellez iustes : soit ou
parce que la prudence que quelques Philosophes
des siecles passez, mettent à la teste de
toutes les autres vertus, aussi bien que quelques
vns du siecle present, ne sçauroit estre
qu’vne maniere de iustice, puis que pour arriuer
au but qu’elle se propose à trauers les ombres
de l’aduenir, il faut necessairement qu’elle
s’occupe à balancer les moyens d’y arriuer par
les voyes les plus conuenables, soit ou parce
que cette magnifique distributiue, ne regarde
que l’aduantage & le bien d’autruy, sans reflechir
aucunement sur son interest particulier :
ou finalement, soit parce que cette vtilité publique,
qu’elle a tousiours preferée à son vtilité
particuliere, la rend plus voisine du Ciel que
toutes les autres vertus ne sçauroient estre.

Son excellence.

Pseaume 32

-- 5 --

Nous disons dans la de finition que nous venons
de luy donner, que la iustice est vne certaine
habitude de la volonté, en vertu de laquelle
on doit rendre à chacun ce qui luy appartient,
par des voyes licites, honnestes, & tres-raisonnables ;
parce qu’il y peut auoir des loix &
des coustumes tres-esloignées de la iustice naturelle,
qui est de faire à quelque particulier ce
que nous ne voudrions pas qu’on nous fit à nous
mesmes ; comme par exemple de ruiner, en ruinant
tout Paris, l’innocent aussi bien que le coupable,
qui est vne certaine rigueur qu’on doit
appeller vne Souueraine iniustice : car parmy ce
nombre infiny de peuples qui habitent cette
grande ville, il y en peut auoir plus de la moitié
qui n’ont iamais eu seulement vne mauuaise
pensée pour qui que ce puisse estre, & qui n’ont
iamais vescu auec vn peu de pain, arrose d’vn torrent
de larmes, que de la seule vertu qui procede
de la parole éternelle.

Et si encore cette iustice qu’il faut exercer sur
les coupables, doit estre adoucie par la clemence,
qui est vne vertu Royale, en faueur de laquelle
les Souuerains doiuent estre ingenieurs
à trouuer des causes de pardonner à des subjets
qui n’ont failly, qu’en pensant bien faire ; car
quand bien le coupable ne seroit pas digne de
viure, le Prince ne laisse pas d’estre digne de luy

-- 6 --

faire misericorde. En effet, il est fort mal-seant
d’exercer sa vengeance sur des obiets indignes
de sa colere. La foudre ne tombe iamais sur les
choses basses, & il vaut bien mieux corriger les
vices par des remedes fort lenitifs, que de les retrancher
par des seueritez trop cruelles, pourueu
que cette clemence ne soit pas plus dangereuse
que la cruauté, comme celle qu’on exerceroit en
la personne de Mazarin, si on luy pardonnoit
ses crimes ; veu que c’est estre bien plus cruel de
ne pas punir vn tyran si funeste à l’Estat, que de
souffrir qu’il exerce ses tyrannies sur toute sorte
de personnes. C’est pour cela, preferablement
à toute autre chose, que les Arrests d’vn si auguste
Parlement que celuy de Paris, doiuent estre
inuiolables, quand ce ne seroit que pour deliurer
nostre pauure France de tant de calamitez
publiques dont elle est affligée.

 

Vos Arrests ne se peuuent annuller, sans choquer
la Iustice, sans renuerser les loix, & sans
destruire entierement ce qu’il y a de plus saint &
de plus venerable dans la societe humaine. Principalement
quand ils sont donnez en plein Parlement
toutes les Chambres assemblées, pour
deliurer la personne du Roy des mains de ses
ennemis, l’Estat de l’inuasion de ses tyrans, &
tous les François d’vne prodigieuse misere. Et
principalement encore quand ils sont donnez

-- 7 --

pour deliurer le Prince & le peuple de la domination
d’vn insolent Estranger, d’vn faux traistre,
d’vn prodigieux ignorant, d’vn funeste voleur,
& d’vne abominable sangsuë publique, sans
auoir égard à sa condition d’Ecclesiastique.

 

Ces augustes Senateurs ou ces venerables
Areopagites du Parlement de Paris, ont bien
donné des Arrest contre des personnes plus sacrées
que luy & d’vne race bien plus illustre que
la sienne, sans enfraindre en ce faisant pour cela,
les immunitez ou les exemptions Ecclesiastiques,
ny les priuileges des gens d’Eglise, puis
qu’ils n’ont pas moins d’authorité sur la vie &
sur les mauuaises actions d’vn Ecclesiastique vicieux
que sur la vie & les mauuaises actions du
reste des hommes. Il n’y a iamais eu de pechez
qui soient venus à la connoissance des Iuges, qui
n’ayent esté punis par la sentence de ces mesmes
Iuges, selon le merite du crime, sans auoir égard
à la condition de la personne qui venoit de le
faire. Et voicy comme ie le prouue encore apres
le decret d’vne Sagesse infinie, à qui toutes les
Sagesses des hommes se doiuent soumettre.

Il n’est point de crime public qui ne doiue
estre puny d’vne peine publique, pour estre puny
dans toutes les formes qu’vne veritable satisfaction
le peut requerir d’vne veritable iustice,
& la punition publique qui se doit faire d’vn

-- 8 --

crime public, commis contre la Societé ciuile,
contre le repos de l’Estat, & contre le bien vniuersel
de toute la Republique, ne sçauroit appartenir
qu’aux Iuges Seculiers, Ciuils, Criminels,
ou Politiques, veu que l’Eglise n’a aucun
droict de glaiue, de par Iesus-Christ, & qu’elle
est seulement instituée pour vne fin surnaturelle
& toute spirituelle, n’estant que pour iuger des
moyens necessaires à la beatitude, par vne sainte
persuasion, & par les armes spirituelles de l Eglise,
& non pas par aucune imposition de peines
temporelles.

 

Luc 9. 12
S. Ber l. 5. de
consid. c. 5.

Louys XI. fit bien decclarer le Cardinal de
sainte Suzane criminel de leze Maiesté, pour
auoir voulu trahir son Prince ?

Comines
Æmile. 82.
ronius.

Gontran Roy d’Orleans fit bien faire le procez
à Salonie Archeuesque d’Embrun, & à Sagitaire
Euesque de Gap pour vn mesme crime.

Turon. l. 5.
cap. 20.

Les Papes n’ont pas esté exempts de la iurisdiction
des Seculiers, selon Procope, selon Baronius,
& selon Platine.

Theod. Plati
Æmile.

Les Apostres encore moins, puis qu’ils ont
tous souffert le martyre.

Act 24. & 25

Et Iesus-Christ mesme, qui est le Souuerain
Prestre des Prestres, & le Souuerain Iuge de
tous les Magistrats & de tous les Monarques de
la terre, ne s’en est pas voulu exempter luy mesme,
puis qu’il declare qu’estant né Iuif & subjet

-- 9 --

de l’Empereur, il faut qu’il reconnoisse sa iustice.

 

Ioan. 19.
Luc. 23

Et Mazarin pour auoir esté fait Cardinal en
dépit du Pape en seroit exempt, comme si sa dignité
le mettoit au dessus du Pontife Romain, &
du Seigneur absolu, Fondateur, & Chef essentiel
de l’Eglise, Iesus-Christ, par lequel, & pour
lequel cette diuine Espouse subsiste & subsistera
iusques à la fin des siecles.

Tous ses Euangelistes disent qu’il est innocent,
que l’Arrest qui a esté donne contre luy est
tumultuaire, qu’il n’y a eu ny plaintes, ny informations,
ny témoins contre luy, que ses luges
estoient ses parties, & que pas vne des formalitez
ordinaires n’y a pas esté obseruée.

Et moy ie respondray à ces corbeaux croaçans,
ou à ces prosneurs de fausses nouuelles,
sans mettre en question qu’il est Estranger, &
par consequent exclus du Ministere qu’vn homme
qui a volé tous les thresors de l’Estat qui a
enleué le Roy, bloqué Paris, & fait emprisonner
les Princes : qui a cause la perte d’vn million d’ames :
qui a mis tous les peuples de l’Europe à la
besace, en presence de Dieu, du Ciel, & de la
terre, des hommes & des Anges : & qui a rompu
le traité de la paix generalle qui fut fait à Munster
par le Comte d’Auaux, à la barbe de tous les
Plenipotentiaires de France, d’Espagne, de Suede,

-- 10 --

des [1 mot ill.], des Mediateurs
de l’vn & l’autre party, des Deputez de
l’Empiré, de Dannemark, & de la Seigneurie de
[1 mot ill.], ne peut pas estre innocent, & que l’Arrest
qui a esté donné contre luy ne sçauroit estre
sans plaintes, sans informations, ny sans témoins,
puis que tout estre creé l’accuse, & qu’il ne
sçauroit auoir esté fait par ce moyen là, sans
que toutes les formalitez y soient obseruées.

 

C’est pourquoy ie trouue, puis que cela est
ainsi, que Messieurs du Parlement sont bien
fondez en leur procedure, & mieux fondez encore
de poursuiure l’execution de leur Arrest ;
puis que c’est pour deliurer l’Estat d’vne si prodigieuse
tyrannie que la sienne. Et s’ils ne sont
pas assez puissans pour cela, ie trouue qu’ils doiuent
en conscience faire sousleuer tous les peuples
de France pour en venir à bout, afin de rendre
iustice, & aux vns & autres. Cela n’est pas
de si petite consequence, qu’il n’y aille de la gloire
de Dieu, de l’honneur du Roy, du repos public,
du salut de tous les François, de la felicité
des Princes du Sang, & de la perte d’vn si auguste
Parlement que le nostre.

Et pour ne pas exposer l’vn & l’autre à la tyrannie
d’vn monstre si prodigieux & si abominable,
il vaut bien mieux se ioindre tous ensemble, sous
la conduite d’vn venerable Hercule François,

-- 11 --

pour auec le fer & le feu combatre cét hydre à
sept testes, quine se sert impudemment de l’authorité
du Roy que pour nous perdre. Et certes
il est bien plus glorieux de mourir les armes à la
main, en taschant d’exterminer ce tyran de nos
biens, de nos libertez, & de nos vies, que de souffrir
que nous soyons perpetuellement à ses eternelles
concussions, & à ses abominables furies.
Dieu en récompense nous donnera mille faueurs
& mille benedictions. La paix generale se
pourra faire apres cela, sans qu’elle nous couste
tant qu’elle nous coustera s’il la fait : le culte de
Dieu nous sera en plus grande veneration qu’il
n’est pas : le commerce se restablira par tout en
faueur du bien public : la campagne foisonnera
en toute sorte de biens : & cette action de iustice
& de generosité, attirera sur nous vn nombre infiny
de benedictions publiques.

 

Plus nous differons, & plus nous faisons le
contraire. Qui est-ce qui peut dire, si nous ne
chassons pas ce tyran de l’Estat, qu’il n’y ait pas
tost ou tard des villes affligées, des peuples ruinez,
des testes à bas, & des voleurs en regne
Nostre timidité nourrit toutes leurs esperances,
& nostre seule resolution les peut destruire pendant
que nous differons, leurs mauuaises intentions
se fortifient. S’ils prennent la liberté de
nous tyranniser, nous pouuons bien prendre la

-- 12 --

liberté de nous remettre en franchise. Quoy
nous verrõs-nous tousiours dans vne continuelle
oppression, sans estre touchez de nos propres
miseres ? serons-nous si lasches que de souffrir
vn éternel esclauage ? ferons nous en faueur de
Mazarin, ce que les Romains firent autrefois en
faueur de Marc Antoine ? les Arrests d’vn si auguste
Parlement que le nostre, doiuent ils estre
moins inuiolables que ceux d’vn Senat si chenu
que celuy de Rome ? Nostre legereté sçauroit-elle
estre moins blasmable que celle de ces fils
aimez de la guerre ? Quelle apparence y auroit-il
donc d’annuller des decrets qui ont esté donnez
contre luy auec tant de iustice ? Quelle honte
& quelle ignominie ne nous seroit-ce pas, de
receuoir les loix de celuy que nous auons declaré
ennemy du repos public, & de celuy de qui
nous auons mis la teste à prix, pour le perdre ?
A pres cela peut on estre indulgent à ses crimes,
sans nous mettre la corde au col, ou du moins
sans nous exposer à la rage d’vn ennemy irreconciliable ?
Il faut donc de necessité se porter
vnanimement à l’execution d’vn Arrest si solemnellement
& si équitablement donné, ou faire
vne ferme resolution de s’humilier a sa prodigieuse
tyrannie, ce qui ne se sçauroit faire sans
consenti à nostre perte.

 

Employons donc courageusement nostre

-- 13 --

sang & nostre vie pour la conseruation de nostre
liberté : sauuons nostre patrie de l’esclauage
où cette sangsuë publique la veut reduire : vangeons
l’innocent, & punissons le coulpable.
Estouffons le Tyran qui nous veut charger de
fers : redonnons à la France desolée sa premiere
splendeur : & rendons genereusement au Roy
l’authorité que ce miserable Ministre d’Estat luy
a vsurpée. Ne le faisant pas, il y va de la gloire de
Dieu, de l’honneur du Roy, du salut de l’Estat,
du repos public, & du bien vniuersel de tous les
peuples de France.

 

II. Il y va de la gloire de Dieu, de souffrir qu’vn
Ministre d’Estat soit cause qu’on demolisse ses
Autels : qu’on abatte ses temples : qu’on profane
les choses saintes & sacrées : qu’on abolisse le
culte que nous deuons a sa diuine Maiesté :
qu’on viole ses loix : qu’on efface l’image de cét
Estre increé, en effaçant ses creatures du nombre
des viuans ; & qu’on consacre à la fureur de ce
demon incarné, des hommes que cet adorable
Sauueur a pris plaisir de racheter auec la chose la
plus precieuse du monde.

Il y va de l’honneur du Roy, de souffrir qu’vn
hommeissu de la lie du peuple se soit emparé de
son authorité, & qu’il le tienne comme esclaue :
qu’il fasse le souuerain cependant que l’autre ne
fait que l’enfant, & qu’il se pare ses subjets de la

-- 14 --

veneration qu’ils luy doiuent : qu’il les contraigne
par sa prodigieuse tyrannie à blasphemer
contre le sang & contre le ministere : qu’il fasse
que sa Maiesté ne soit plus l’Arbitre de tous les
differens des autres Souuerains, & qu’elle ne soit
plus en estat de faire la loy à tous les Potentats de
l’Europe : qu’il faille maintenant que le Roy
s’humilie à receuoir les ordres de ses inferieurs à
telle condition qu’il leur plaira, s’il ne veut acheuer
de ruiner ses affaires ; & finalement qu’il
nous oblige par ce moyen la à seruir de risée à
toutes les autres nations de la terre.

 

Il y va du salut de l’Estat, de souffrir qu’vn
ignorant l’expose comme il fait à l’inuasion d’vn
nombre infiny de legions armées pour le destruire :
de l’abandonner au fer & au feu, aux
vols, aux meurtres, aux impietez, & aux sacrileges.

Il y va du repos public, de permettre que ce
perturbateur vniuersel fasse soûleuer le pere
contre le fils, le frere contre la sœur, l’oncle contre
le neueu, la femme contre le mary, & le seruiteur
contre son maistre. Que n’a-t’il pas fait
pour le troubler, sans luy donner vn petit moment
de relasche ? Et que ne fera t’il pas encore
pour cela, si l’on ne se soûleue pas pour le
perdre ?

Il y va du bien vniuersel, puis qu’il ne s’opiniastre

-- 15 --

à demeurer dans le Ministeriat, au preiudice
de tout ce que nous auions conquis sur les
ennemis, que pour acheuer de prendre ce qui
s’est pû sauuer de ses premieres voleries Iugez
par ce qu’il a fait au passé, le ce qu’il a encore
enuie de faire à l’aduenir, si nous sommes si lasches
que de le laisser viure. Ie dis viure, parce
que si l’on ne fait que le chasser, il reuiendra toûjours
tost ou tard pour continuer ses beaux desseins,
& pour se venger des iniures que nous luy
aurons faits.

 

Notez bien
cecy.

Le moyen de surseoir l’execution d’vn Arrest
donné contre vn homme qui comble toute l’Europe
d’vn nombre infiny de malheurs, & qui
fera tousiours la mesme chose si l’on ny met ordre
sans qu’il y aille de la gloire de Dieu de l’honneur
du Roy, du salut de la Couronne, du repos
public, & de bien vniuersel de tous les peuples
de France ?

Le moyen de laisser plus long temps toute la
France à la mercy d’vn perfide qui n’a ny Dieu,
ny foy, ny loy, qui permet à des abominables
legions de Diagoras & de Theodorus d’exercer
toutes les cruautez imaginables, sur les temples
viuants d’vne celeste virginité. & sur ce que la
pieté Chrestienné a mis au nombre des choses
les plus saintes & les plus sacrées ?

Le moyen de souffrir dauantage dans le gouvernement

-- 16 --

de l’Estat, vn abominable precurseur
de toutes les furies infernales qui par la vertu
de ses charmes de ses signes, de ses billets &
de ses sortileges, profanant les Sacremens, son
charactere & sa puissance, apres auoir ensorcelé
le Roy, la Reine, le Conseil, & toute la Cour,
ne songe qu’à renuerser le throsne sur le quel il
pretend monter par ses prodigieux enchantemens,
ou du moins qu’à le denuer de toute sa
plus pure substance, s’il ne le peut pas humilier
à des volontez capables d’attirer sur vn si
horrible scelerat que celuy là, toutes les maledictions
des hommes ?

 

Le moyen de voir continuellement dans le
Ministere vn esprit qui pour satis faire à sa desordonnée
ambition, empesche le Culte que
nous deuons rendre à Dieu, abolit la Religion
de l’Estat, destourne les Saints de leurs plus celestes
sanctifications, aneantit les plus pures inintentions
des Chrestiens, oppose mille obstacles
à l’vsage de prier, peruertit les Sacrifices de
la plus venerable piete, empesche les libertez
de la deuotion, bannit l’oraison de l’Estat Chrestien,
& preferant ses impietez & ses sacrileges
au commun salut de tous les mortels, ne consacre
toutes les passions qu’à la gloire de celuy
qui le doit punir eternellement de ses crimes ?

Le moyen de permettre que ce prodigieux

-- 17 --

Tyran face murmurer à tout propos vn nombre
infiny de personnes contre Dieu, contre,
ses Anges : contre la Vierge, contre les Saints :
contre les Roys, contre les Princes contre le
Ciel & contre la terre : & qu’il les empesche de
solemniser non plus les Festes & les Dimanches,
que les iours ouuriers, à cause de la necessité où
il les a reduites par ses gens de guerre, sans qu’il
y aille de la gloire de nostre Createur, de l honneur
du Roy, du salut de la Couronne, du repos
public, & du bien vniuersel de tous les peuples
de France ?

 

Le moyen de frustrer les Roys & les Princes :
les Peres & les Souuerains : les Maistres & les
Superieurs, les Ecclesiastiques & les Magistrats,
de l’honneur & du respect que le menu peuple
leur doit comme Mazarin les en fait frustrer par
les desordres qu’il a mis, non seulement dans les
Estats : mais encore dans toutes les familles de
France, sans qu’il y aille, &c.

Le moyen d’estre cause que toute la surface
de la terre soit couuerte de mille diuerses sortes
d’assassins, quine considerent non plus l’innocent
que le criminel, & qui de sang-froid
font des attentats & des homicides sans aucun
respect, ny du lieu ny de la condition de la personne.

Le moyen qu’on puisse donner la liberté au

-- 18 --

luxurieux, d’assouurir ses brutales passions, sur
la chaseteté, sur la virginité, sur le vœu, & sur le
mariage, dans les lieux sacrez aussi bien que
dans les lieux prophanes : & de commettre cent
mil autres impudicitez, qui font fremir d’horreur
le Ciel & la terre, sans aucun respect ny de
Dieu ny des hommes.

 

Le moyen qu’on puisse estre indulgent à tant
d’extorsions à tant de voleries, & à tant de peculats
qui se font iournellement de toutes parts,
sur toute sorte de personnes, sans estre en quelque
façon cause de tous ces crimes, & sans s’en
rendre vn iour comptable deuant le tribunal de
son adorable Iustice.

Le moyen d’en durer qu’on empesche le commerce
à tous les peuples de l’Europe, par vne
continuation de guerres Ciuiles & Estrangeres ?
qu’on ionche toute la surface de la terre de
morts : qu’on plonge toute l’Europe dans vn
deluge de sang & de flame : qu’on nous accable
de peste & de famine : qu’on nous sacrifie à la
rage & à la felonnie des seditieux & des vindicatifs :
qu’on nous brusle & qu’on nous viole ?
qu’on etouffe les peres dans leurs licts, & les enfans
dans le ventre de leurs meres : qu’on triomphe
de nos dépoüilles & de nos libertez : qu’on
rende & qu’on laisse reprendre à l’estranger,
tout ce qui nous couste tant d’argent & tant

-- 19 --

d’hommes ? qu’on pille & qu’on ruine l’Estat ?
qu’on persecute les Princes, le Parlement, &
le peuple ? qu’on empesche la paix pour nous
tyranniser auec plus de seuerité ? qu’on nous
face gemir sous vn nombre infini d’oppressions ?
qu’on veille perdre Paris & ces habitans ? qu’on
pille tous nos tresors & qu’on nous massacre ?
qu’on enleue le Roy & qu’on vsurpe son authorité ?
& finalement qu’on pretende faire du domaine
de sa Maiesté, comme vn tyran fairoit
d’vne terre qu’il auroit conquise ? c’est ce qu’on
ne sçauroit veritablement faire, sans qu’il y aille
de la gloire de Dieu, de l honneur du Roy, du
salut de l’Estat, du repos public, & du bien vniuersel
de tous les peuples de France.

 

III. C’est pourquoy, il n’est point de veritable
François, qui ne soit obligé en conscience
de respondre vn iour deuant Dieu, de toutes
les voleries, de tous meurtres, de tous les violemens,
de toutes les incendies, & de tous les sacrileges
que Mazarin & ses gens font & feront
de toutes parts, s’ils ne les en empeschent pas,
le pouuant faire, ainsi que ie le verifieray dans
suitte de ce petit discours, auec des raisons tres
pertinentes.

Ie n’ay donc premierement pour cela, qu’à
prouuer que nous pouuons aisement empescher
que Mazarin & tous ses partisans ne facent

-- 20 --

par les maux qu’ils font à la France & à tous es
François, & secondement que tous les François
sont obligez en conscience de les en empescher
s’ils n’en veulent pas respondre vn iour deuant
Dieu comme de leurs propres crimes, & voicy
comme ie commence.

 

Qui sont ceux de grace, qui peuuent douter
auec raison que si tous les François s’estoient
bien vnis ensemble, & qu’ils eussent pris les armes
pour chasser Mazarin & tous ses partisans
de l’Estat, ou pour se faire Iustice eux mesmes,
qu’ils ne fussent pas assez puissant pour cela, &
qu’ils n’en vinsent pas bien à bout sans beaucoup
de peine ? Qui sont ceux qui se pourroient
opposer à l’effort d’vn nombre infiny de personnes
armées pour la deffense de leur patrie ?
Qu’est il dans le monde qui peut resister à des
forces si grandes & si incomprehensibles ? La
nature creée à t’elle quelque chose qui peut
faire teste à tant de legions sousleuées pour
maintenir puissamment l’équité de leur cause ?
Se peut il rien voir de si stable & de si permanent,
qui ne croulast pas sous la presenteur de
leurs armes ? Le Ciel & la Terre ont ils iamais
veu des puissances égales à celles de cent mille
millions de combatans, choisis parmy la plus
belliqueuse nation de la nature ? dites moy apres
cela ie vous prie, que seroit-ce des troupes que

-- 21 --

Mazarin pourroit auoir en comparaison de tout
vn monde capable de faire la loy à tous les autres
peuples de l’vniuers, & capable de conquerir
toute la terre habitable ?

 

Pourquoy est-ce que Saint Paul recommandoit
auec tant d’ardeur l’vnion à tous les Chrestiens ?
& pourquoy est-ce que Iesus-Christ
prioit son Pere auec tant de zele, afin de faire
en sorte que tous les fidelles ensemble ne fussent
qu’vn en sa personne, si ce n’est pour vaincre
auec plus de facilité, l’ennemy commun de
Dieu & des hommes ?

Eph. 4.
Hier. 17.
Gal. 3.

Si les forces du Prince ne consistent qu’en la
parfaite vnion de ses sujets, comme ledit fort
bien Chelidonius Tigurinus en son institution
des Princes, ie soustiens par la mesme raison, &
auec autant de verité qu’il le sçauroit faire, que
les forces de ces mesmes sujets que ie tiens estre
par ce moyen là inuulnerables, ne sçauroient
subsister qu’en la parfaite vnion de laquelle ils
se doiuent seruir, pour chasser Mazarin de l’Estat,
ou pour exterminer toute la race Mazarinique.
Et certes il n’y arien dans le monde qui
les puisse rendre si forts & si redoutables que
cette merueilleuse source de toutes les felicitez
publiques, lors qu’ils taschent de la conuertir
en vne nature tout à fait hipostatique, & d’vne
durée inuiolable. C’est par son moyen que

-- 22 --

nous deuons tout oser & tout entreprendre, &
c’est par son moyen que nous pouuons venir à
bout de tous nos affaires.

 

Chap. 22.

Apres cela nous n’auons plus rien à craindre
& quand toute l’Europe s’armeroit pour sa deffense,
il faut qu’il perisse, ou du moins qu’il succombe
sous l’effort de nos armes, & eut-il autant
de legions pour luy que nous aurons pour
nous des contrées & des Prouinces. Et certes
pourueu que nous conspirions tous à vne mesme
fin, auec autant de zelle que l’importance
de l’affaire le requiert, il est impossible que nous
ne surmontions fort facilement ces tyrans de
l’Estat, dans bien peu de iours, auec vne facilité
merueilleuse.

La Republique de Rome, se seroit elle iamais
trouuée dans cette prodigieuse grandeur
defortune où elle s’est veuë, sans cette admirable
vnion, en vertu de laquelle les Romains appuyoient
auec tant d’ardeur l’interest public, &
la cause commune de l’Estat, contre les tyrans
du bien & de la liberté de sa patrie. Il n’y auoit
point de Citoyen dans toute cette premiere
Ville du monde, depuis le plus grand iusques
au plus petit, quine se sacrifiast pour maintenir
ses droicts, & pour se tirer de l’esclauage de ses
funestes Antropophages. Que ne firent pas ces
redoutables Conquerans, & cet Illustre Senat

-- 23 --

qui s’estoit rendu l’arbitre de tous les affaires de
l’Vniuers, contre Tarquin le Superbe, lors qu’il
faisoit mourir les vns, & bannir ou emprisonner
les autres, auec des tyrannies insuportables ? Et
puis qu’on ne sçauroit trouuer dans toute la nation
Françoise, ny vn Cassius, ny vn Brutus pour
la deliurer des parricides & des attentats d’vn si
formidable Tyran que le nostre, tachõs de nous
vnir d’vn lien indissoluble, & tirant nos forces de
nostre propre foiblesse, faisons voir que nous
pouuons genereusement empescher, ainsi que
ie viens de le dire, tous les vols, tous les meurtres,
tous les violemens, toutes les incendies, &
tous les Sacrileges que Mazarin & ses complices
font de toutes pars, pour n’en estre pas vn iour
responsables deuant Dieu, comme de nostre
propre cause. Et puis que cela est tout constant
que nous le pouuons, selon que ie l’ay déja assez
bien monstré ; voyons maintenant si nous le deuons
faire.

 

Plut.
Tite.
Flotus.
l. 2. ch. 7,

Plutarque
eu sa vie.

Pour appuyer d’abord ma proposition, &
pour la rendre absoluë en la mettant à couuert
de toutes les repliques que nos aduersaires luy
sçauroient faire ; ie soustiens que tous ceux qui
peuuent empescher, à quel prix que ce soit,
que Mazarin & ses complices, ne facent iamais
plus rien de ce qu’ils ont fait, & qu’ils font encore
tous les iours contre la gloire de Dieu, contre

-- 24 --

le salut de l’Estat, & contre le bien public,
sont obligez en conscience de les en empescher
à quelque pr x que ce soit, comme nous venons
de dire ; puis que cette gloire de Dieu, ce
salut de l’Estat, & ce bien public, doiuent estre
preferez à tout ce que le Ciel & la terre sçauroiẽt
iamais auoir de plus considerable : Or tous les
peuples de France en perdant Mazarin & tous
ses complices par vn souleuement general, peuuent
empescher qu’ils ne fasent iamais plus rien
de ce qu’ils ont fait, & de ce qu’ils font encore
tous les iours contre la gloire de Dieu, contre le
salut de l’Estat, & contre le bien public. Donc
tous les peuples de Frances se doiuent souleuer
pour le perdre. La Charité Chrestienne le veut,
& l’inuiolable decret de nostre adorable Legislateur
nous y conuie.

 

Mart. 22.

I’ay déja monstré que nous le pouuions en nous
vnissant, & en prenãt les armes contr’eux pour les
chasser de l’Estat, ou pour les punir selon la grandeur
de leurs crimes, & maintenãt ie fais voir que
nous le deuõs puis qu’il y va de la gloire de Dieu,
du salut de l’Estat, & du bien public : & qu’il n’est
point de François qui ne soit obligé de respondre
vn iour deuant Dieu de tous les vols, meurtres,
violemens, incendies & sacrileges qu’ils
font & qu’ils feront, s’ils ne les en empeschent ;
Ce qui nous oblige tres estroitement à preferer

-- 25 --

l’honneur du Createur, & le [1 mot ill.] de ses creatures,
à toute la secte Mazarinique.

 

Nous ne sommes pas seulement obligez de
maintenir la gloire de Dieu contre ces ennemis
du repos public : mais encore de nous exposer à
la mort, pour les deliurer d’vne vie si iniurieuse
à toute la nature spirituelle. Et certes, cette
obligation que nous luy auons est si grande,
qu’il nous est impossible ny de l’effacer ny de la
corrompre. Dieu a pris plaisir luy mesme de
l’escrire de sa propre main sur l’éternité de son
incomprehensible durée. Ne sçauons-nous pas
bien qu’il nous a tirez du neant : qu’il nous a formez
à son image & semblance, & qu’il s’est sacrifie
pour le salut de ses creatures. Voyez apres
cela si nous sommes obligez de maintenir son
honneur contre des tyrans, que son seul interest
particulier veut que nous exterminions, ou par
le fer ou par la flamme ? Et voyez apres cela si sa
volonté ne doit pas estre la regle de toutes les
autres volontez des hommes ? De grace, qui fera
les choses selon sa sainte volonté, sçauroit-il
mal faire ? N’est-ce pas là cette premiere volonté
à laquelle nous deuons tous conformer les
nostres ? Ne sçauez-vous pas que la volonté de
Dieu est immuable ? qu’il la faut connoistre &
la faire : & que celuy qui la connoist & ne la fait
pas en sera puny au double : & la faisant que

-- 26 --

ne meriterons-nous pas d’auoir sceu si dignement
cooperer aux volontez de cét adorable
Prototype de toute la vie Chrestienne ?

 

Prou. 19.
Rom. 12.
Lue. 12.

Apres cela ne luy pourrons nous pas dire
auec S. Augustin, Seigneur nous auons fait ce
que vous auez voulu, faites donc s’il vous plaist
vne partie de ce que nous desirons pour remettre
cette pauure Monarchie en son premier lustre :
Et s’il y a du merite en faisant vne action
d’vne vertu si Chrestienne que celle là, comme il
n’en faut pas douter, il faut croire fermement,
en tournant le reuers de la medaille,
qu’il y a du demerite en ne la faisant pas, & dire
par consequent qu’il n’y a point de François
qui ne soit veritablement obligé de répondre
vn iour deuant Dieu de tous les vols, de tous
les meurtres, de tous les violemens, de toutes
les incendies, & de tous les sacrileges que Mazarin
& ses complices font de toutes parts, s’ils
ne les empeschent pas ainsi qu’ils le peuuent
faire, selon que nous venons de le prouuer par
des raisons où il n’y a point de contredits à faire.

S Augustin
en ses Conf.

Et quand la gloire de Dieu ne nous obligeroit
pas si estroitement qu’elle nous oblige à
nous deffaire de toutes ces sangsuës publiques,
n’est ce pas vn effet de la vertu la plus heroïque
de toutes celles des hommes, que de s’exposer
aux perils de la mort, pour donner la vie

-- 27 --

à toute sa patrie ? Ne seroit-ce pas là imiter ces
Camilles & ces Alcibiades, qui combattirent
tant de fois pour la liberté des Atheniens, &
pour la liberté des peuples de Rome ? Ou plustost
ne seroit-ce pas s’esleuer autant par dessus
ces illustres liberateurs, en deliurant nostre patrie
de la prodigieuse tyrannie où elle est, qu’ils
se sont esleuez au dessus du commun des hommes :
Quand nous ne remporterions de la victoire
que nous en deuons esperer, que la gloire
d’auoir vaincu les ennemis de cette Courone, &
d’auoir de liuré le Roy, l’Estat, & nous mesmes,
d’vne tyrannie qui n’en eut iamais de pareille, ne
serions-nous pas aussi glorieux & aussi triomphans
que Marcus Manlius, à qui les Romains
mirent six fois la Couronne sur la teste, pour les
auoir deliurez autant de fois d’vn prodigieux
esclauage ? Quoy, parmy ce nombre infiny d’Achilles
François, ne s’y trouuera-t’il pas vn ou
deux coniurez de la liberté publique ? & cinquante
mille escus de recompense ne sont-ils
pas suffisans d’obliger vn homme de basse condition,
à se mettre au rang des illustres ? N’y a-t’il
plus en faueur de cette pauure Monarchie,
ny de Celius, ny de Mumius, ny de Dentatus
dans toute la terre habitable ? Et n’y a-t’il pas vn
Marcus Curtius dans tout l’Vniuers qui se veulle
franchement & librement sacrifier pour cette

-- 28 --

miserable patrie ? Cette vertu à qui toutes les [1 mot ill.]
[3 mots ills.] de marche-pied, & qui esleue
l’homme au dessus de l’homme, ne trouuera-t’elle
pas vn cœur François pour son logement,
ny vne passion qui la veulle receuoir auec la
mesme ardeur qu’elle doit estre receuë ? Vn
Payen, vn Cheualier Romain, vn Marcus, tel
que nous venons de le dire, fera-t’il honte à la
plus genereuse nation de la terre, en se sacrifiant
pour le salut de ses Citoyens, sans estre asseuré
de l’éuenement de ce pour quoy il le faisoit, ny
de l’éternelle récompense qu’il en deuroit esperer,
que par l’Oracle d’vne Diuinité que la seule
fantaisie de ses idolatres auoit mise au nombre
des estres ?

 

Plu ar. Tit.
Pline l. 3.
ch. 6.

Plin l. 7. 6.
28. Plut. en
la vic de
Cam.

Plut. Tite.

Plut Plin l.
7. c. 28.

Les François n’ont-ils plus ny bec ny ongles,
ny bouche, ny éperons, ny cœur ny courage,
ny fidelité pour Dieu, ny amour pour leur patrie,
de souffrir ce qu’ils souffrent au desauantage
du Roy, à la perte de l’Estat, & à la ruine de tous
les peuples de France ? Verront-ils incessamment
succeder à des Caligules, à des Nerons,
à des Vitelles, à des Domitians, & à des Heliogabales
ramassez & sans aueu, iusques à la plus
pure substance de tant de miserables souffrans,
sans estre Chrestiennement touchez de la prodigieuse
misere de leurs freres ? Tant de bonnes
ames, tant de pauures innocens, tant de venerables

-- 29 --

Religieux, tant de grands saints, & tant
de Sacrés membres de Iesus-Christ, sur lesquels,
& sur lesquelles la rage de ces furies infernales
décochent continuellement le venin de leurs
abominables traits ne demanderont ils pas vn
iour vengeance à Dieu du nombre infiny des
tyrannies que l’on exerce sur eux auec tant d’iniustice ?
Et ceux qui souffrent cela le pouuant
empescher, ne seront-ils pas responsables deuant
le Tribunal de cét adorable vengeur de tous les
maux qu’ils nous auront faits, s’ils ne les empeschent
pas, ainsi qu’ils y sont obligez selon
Dieu, en exterminant iusques au dernier de ces
Antropophages, puis qu’il n’y a rien de si facile
que d’en venir à bout, par vn souslement general,
veu que tous les autres moyens nous sont iniustement
desniez par les puissances de l’Europe.

 

IV. Il n’est point de maladie qui se veille rendre
incurable, à laquelle il ne faille appliquer des
reme des tres violents, principalement quand
il y va du salut de toute vne Monarchie. Et ce
que ie dis n’est pas sans exemple, puis que toutes
les Histoires Saintes, curieuses, & prophanes
en sont toutes remplies. Les Siciliens, pour
se deliurer de l’estrange tyrannie de Denys & de
Hierosme, ne sceurent iamais mieux faire que
d’apliquer le fer à l’vn, & le poison à l’autre, les
Goths se seruirent du feu pour chasser Burdenel

-- 30 --

de leur patrie. Priscus fut poignardé par ses gens
pour auoir fait le souuerain. Et le cruel Aman
fut pendu, pour auoir voulu tyranniser les Israëlites.
Mais sans aller chercher des exemples
chez autruy, & dans les siecles qui ne sont plus,
que ne fismes-nous pas au Marquis d’Ancre,
lors qu’il se voulut emparer, ainsi que Mazarin
fait presentement, d’vne authorité qui n’appartenoit
qu’au Sang Royal, par la trop grande indulgence
d’vne Reyne qui se confioit vn peu
plus qu’il ne faloit pas, en la personne d’vn Ministre
aussi perfide & non moins Italien que le
nostre. Et si ce grand coup redonna la liberté
au Roy, le salut à l’Estat, & vne generale felicité
à tous les peuples de France, que ne deuons nous
pas faire maintenant pour deliurer sa Maiesté de
l’esclauage où elle est, pour retirer l’Authorité
Royale des mains de son vsurpateur & pour sauuer
tout le Royaume de l’oppression d’vn tas de
sangsuës publiques ?

 

Plutarque
en ses Mor.
Tite. l. 24.

Vaseus
Streb. l. 5.
Flor. l. 1.
chap. 5.
Ester ch. 2.
De Serres.

Si pour vostre salut ie vous proposois de faire
l’impossible, vous auriez raison de boucher l’oreille
à mes discours, & de vous resoudre à la patience.
Mais de grace, y à t’il rien de si facile
que d’empescher tous les desordres qui se font
dans l’Estat, en se saisissant de tous les Mazarins,
par vn sousleuement general, & de se faire iustice
soy-mesmes ; puis qu’à cause de la puissance

-- 31 --

Royale, que Mazarin a si tyranniquement vsurpée,
tous les autres moyens nous sont déniez, &
que vous y estes necessairement contraints, par
l’extreme necessité de vous deliurer de vostre
prodigieuse seruitude.

 

Me demandez vous si ce sousleuement est iuste ?
c’est me demander si la conseruation de la
gloire de Dieu, du culte diuin, de l’Eglise, de
l’honneur du Roy, du bien de l’Estat & de la felicité
publique sont des choses iustes.

Me demandez vous si ce sousleuement est iuste ?
c’est me demander s’il est iuste d’abandonner
l’interest du Createur & le salut de toutes ses
creatures, à la persecution d’vn abominable Ministre.

Me demandez vous si ce soûleuement est iuste ?
C’est me demander si vous estes iustement
oppressez, si Mazarin regne auec iniustice ; s’il
faut laisser les affaires en l’estat où elles sont ; si
vous auez droict de defendre vostre pain, vostre
liberté & vostre vie ; si Dieu vous a fait naistre
pour souffrir d’vn Tyran ; s’il peut equitablemẽt
disposer de vos biẽs & de vos personnes
si vous auez merité le mal qu’il vous fait ; si vous
n’estes pas les plus criminels de tous les hommes ;
si le Ciel n’a pas conjuré vostre perte ; si
vous n’estes pas obligez de souffrir le sort que

-- 32 --

Mazarin vous a procuré ; & finalement s’il y a
de la Iustice [1 mot ill.] tirer d’vne oppression qui vous
fait creuer sous la pesanteur de sa charge.

 

Ne sçauez vous pas bien qu’il n’y a rien au
monde de plus iuste que ce qui est appuyé des
loix diuines, des loix humaines, des loix naturelles,
& des loix fondamentales de l’Estat. Les
loix diuines veulent que tout homme qui n’aime
pas Dieu de tout son cœur & de toute son
ame, son prochain comme soy mesme, soit puny
comme vn idolâtre, & comme vn homicide.
Les loix hum aines veulent que tout homme qui
va contre le Decrer du Prince, de l’Estat, ou des
Superieurs, soit puny selon la grandeur de son
crime. Les loix naturelles veulent que celuy
qui fait à son prochain ce qu’il ne voudroit pas
qu’on luy fit à luy mesme, serue d’exemple au
reste des hommes. Et les loix fondamentales de
l’Estat, veulent qu’on maintienne l’Eglise de
Dieu dans ses droicts ; qu’on protege les sujets
enuers tous & contre tous ; qu’on fasse obseruer
la Iustice ; que la loy Salique donnée contre les
femmes & contre les estrangers soit inuiolablement
gardée ; & que le droict des gens, qui regarde
les Ambassades, la Principauté, le domaine,
& les choses publiques, communes & sacrées,
ne soit non plus leze que la Maiesté du
Prince.

Exod. 21. &
22.
Deut. 5.
1. Iean. 2.
Presid. de
Thou.
Gomes.
Monstrelet.
Belleforest.
Aubigny. Du Chesue
Mariana.
Pasquier.
Pradin.
Duplessis.
Serres, &c.
1. Iean 2.
1. Tun 1.

-- 33 --

Voyez apres cela de grace, s’il y a plus de iustice
à maintenir ce qui est équitablement appuyé
des loix diuines, des loix humaines, des
loix naturelles, & des loix fondamentalles de
de l’Estat, (qui sont des loix qu’on ne sçauroit
transgresser sans estre digne de mort) qu’à maintenir
vne trouppe de tyrans, dans la tyrannie
qu’ils exercent contre tous les peuples de
France ?

Le salut des subjets est la premiere, la principale,
& la plus importante loy de toutes les loix
du monde. Hors de ce principe tout est en desordre :
Et ceux qui n’imitent pas Iesus-Christ en
cela sont dignes d’vne reprobation éternelle.

Il y a fort peu de personnes qui ne sçachent
bien qu’il s’est liuré à la mort pour nous donner
la vie : & cela suffit pour prouuer ce que ie viens
de dire. Il n’est point de volonté contraire à la
liberte publique, qui ne soit odieuse, & à Dieu
& aux hommes. Et tout ce qui va directement
contre cette liberté, se peut mettre au nombre
des veritables tyrannies.

Peuples de Paris, prenons hardiment les armes
contre cette secte Mazarin que : car si nous
le faisons auec le mesme esprit que nous le deuons
faire, nous trouuerons que tout le reste de
la France en fera de mesme. Il n’y a pas vne
Prouince, ny petite, ny grande, quine s’attache

-- 34 --

puissamment à vos interests, puis que vos interests
sont les leurs, & que les leurs son les vostres.
Et certes, sans cette commune vnion il
n’y a point de salut pour elles, enfin tel sera vostre
sort, tel doit estre leur destinée.

 

Courage mes chers amis vous n’auez plus
rien à craindre, suffit, Dieu, & Messieurs les
Princes, se sont declarez pour vous contre toute
sorte de tyrannies. Qu’attendez-vous donc dauantage
à faire ce que vous deuez, puis qu’ils
ont fait ce qu’ils sembloient estre obligez de
faire ? L’vn vous donnera mille fõis plus de forces
qu’il ne vous en faudra, & les autres éclairez
de son sainct Esprit, vous seruiront d’vne merueilleuse
conduite.

Mais apres m’auoir demandé si ce sousleuement
est iuste, me demanderez-vous encore de
plus s’il est fort facile ? En respondant à cette lasche
question, ie vous diray qu’il est tellement
facile que cette facilité ne dépend que de vostre
pure & bonne volonté, & que si vous le desirez,
il n’y a rien au monde de si facile. La volonté est
vne faculté de l’ame raisonnable, en vertu de laquelle
l’homme se porte à faire ce qu’il desire,
selon l’opinion du Prince de la secte peripatetique.
Il est vray que cette volonté a vn tel ascendant
sur nous, qu’il nous est tout à fait impossible
de resister en aucune façon à ce qu’elle desire.

-- 35 --

C’est pourquoy la parolle de Dieu, ne s’addresse
iamais qu’à la volonté des hommes, sçachant
bien qu’elle peut tout sur nous, iusques à
nous vouloir assez souuent contraindre à faire
des choses impossibles. Enfin voulez-vous exterminer
toute la race Mazarinique, vous n’auez
qu à prendre vne bonne & ferme resolution
de le vouloir, puis que les moyens d’en venir à
bout, ne consistent qu’en cette ferme resolution
de le vouloir faire ?

 

Et certes, veu que cela ne dépend que de vostre
bonne volonté, & que cette bonne volonté
iointe auec le pouuoir que vous en auez, selon
que ie viens de vous le monstrer dans ma troisiéme
proposition, vous est si aisée, ie m’estonne
extremement de voir que vous soyez si lasches
à l’execution de vostre propre salut : mais d’vn
salut que vous témoignez desirer auec des passions
incroyables ?

Mais comment pourrez-vous accomplir cette
sainte volonté ? par vn sousleuement general
de tous les peuples de France. Et certes ie
ne croy pas qu’il y ait iamais rien de si aisé, ny
iamais rien de si facile. Paris ne sera pas plustost
soûleué que toutes les autres Villes de France,
à l’imitation, voudront faire la mesme chose. Il
n’y va pas moins de leur salut que du vostre, &

-- 36 --

leurs propres interests les attachent si fort à cela,
qu’elles se verront necessairement contraintes
de se ioindre auec vous, pour la defense de la
cause cõmune Le corps de l’Estat est comme le
corps de l’homme, quand la teste va, il faut que
toutes les autres parties la suiuent. Et cela se faisant
dans la grande facilité qu’il y a de le faire,
puis que la chose ne consiste qu’en la volonté, ie
vous laisse à penser où en sera Mazarin, & tous
ses complices ? Ie vous laisse à penser si vn souleuement
general est capable d’en venir à bout ?
Et ie vous laisse à penser apres de qu’il nous a
fait, si nous deuons marchander à le faire ?

 

V. Voyons maintenant si nous auons droit
de nous faire iustice nous mesmes, puis qu’on
refuse de nous la faire.

Il n’y a personne au monde qui ne sçache fort
bien, ou du moins qui ne doiue parfaitement
bien sçauoir, que la Iustice est vne des plus nobles
& des plus excellentes vertus comme nous
auons desia dit : qu’elle est vne ferme, constante,
& perpetuelle volonté de rendre à chacun ce
qui luy est legitimement deu, selon l’Angelique
Docteur sainct Thomas : & qu’il y doit
auoir vn ordre inuiolable en l’vsage & en la pratique
de toutes les dignitez des hommes, ainsi
que sainct Paul nous l’apprend fort bien dans

-- 37 --

l’Epistre qu’il ecriuit à ceux de Corinthe, afin
d’éuiter la confusion qui se pourroit trouuer en
l’administration des charges.

 

Aristote en
ses moral.

Question
Theolog.

1. Cor. 14.

Mais quand ceux qui se trouuent placez sur
le thrône de cette adorable Fille de Themis, ne
veulent pas rendre à chacun ce qui luy appartient,
& qu’ils veulent faire la sourde oreille au
deu de leurs charges, ou par malice, ou par impuissance :
ou bien quand il se trouue des hommes,
qui appuyez de la prodigieuse fortune où
ils se sont éleuez par vne illustre tyrannie, font
vanité de perdre l’Estat, de ruiner le public, de
renuerser l’ordre des Loix, & d’absorber ou d’abolir
toute l’authorité & toutes les fonctions de
la Iustice, afin de se mettre à couuert par ce
moyen-là de la punition de leurs crimes ; le
soustiens absolument enuers tous & contre tous,
qu’il est permis, & mesme qu’il est du deuoir de
ces peuples oppressez, (comme ayant droict par
la loy naturelle, de repousser la violence par la
violence) de se faire iustice soy mesme, puis
qu’on refuse de la leur faire, veu que c’est vne
action non seulement approuuée de Dieu, mais
encore ordonnée par sa prouidence infinie en
la personne de Roboam, qui pour auoir creu le
conseil des meschans, & surchargé ses peuples
de trop de subsides, fut chassé du Royaume d’Israël,
par ces mesmes peuples là.

Quid. l. 1. de
ses Metam.

3. Roys 12.

-- 38 --

La Iustice estant done vne des plus vtiles &
des plus necessaires vertus de toute la nature raisonnable,
se doit exercer en tout temps, en tous
lieux, & par toutes sortes de personnes, de quelque
qualité & de quelque condition qu’elles
soient, quand la necessité des affaires le requiert,
& quand les moyens d’agir à l’ordinaire leurs
sont déniez par vne tyrannie toute extraordinaire.
Dieu est ennemy mortel des meschans, &
sa diuine Bonté ne veut pas qu’on les laisse viure
parmy le reste des hommes ; parce que toutes
leurs actions luy sont tres abominables. Cela
seroit bien estrange que l’vsage des vertus, que
le Verbe eternel nous commande de mettre
continuellement en pratique dans tous les sacrez
cahiers de l’Escriture saincte, & sans lesquelles
nous ne sçaurions iamais pretendre à la
beatitude eternelle ; ne nous fut pas permis,
principalement, comme nous venons de dire,
lors que la necessité de nos affaires le requiert,
& qu’il nous est impossible de pouuoir faire nostre
salut, tant que l’execution de nostre deliurance
nous sera déniée. Quand vous serez
combattus de quelque malheur insupportable,
il faut tout autant qu’il vous sera possible, tascher
de le surmonter par vne vertu qui luy soit
absolument contraire, si vous voulez vaincre
l’ennemy qui vous persecute : Contraria contrariis

-- 39 --

curantur, dit le Prince des Philosophes en son
Traitté de la Medecine Scholastique. Et certes
si les Israëlites ne se fussent pas fait iustice eux-mesmes,
& qu’ils l’eussent attenduë de Roboam
de son conseil, ou finalement de ses Iuges ; ces
peuples n’auroient ils pas esté continuellement
dans vne estrange tyrannie ? Si les Romains ne
se fussent pas défaits de Elius Sejanus, auroient
ils iamais peu s’affranchir de l’esclauage où ce
monstre les auoit reduits, pendant qu’il ne songeoit
qu’à s’éleuer sur le debris de l’Empire ? Et
la France auroit-elle iamais esté remise dans sa
premiere liberté, si elle n’eust pas pris le soin de
se faire iustice soy mesme contre le Marquis
d’Ancre ? Vn tres-sçauant Politique de nostre
temps, dans son traité De iure Magistratus in subditos,
chap. 9. ne conclut-il pas, apres l’auoir
parfaitement bien prouué, que les sujets ne
sçauroient faire aucune iniure au Roy, & qu’ils
ne sçauroient estre accusez d’aucune espece de
rebellion durant qu’ils ne font que s’opposer
hautement aux choses qui vont à la ruine du
Prince & du peuple. Dieu veut qu’ils facent ce
qui leur semble bon & ce qui leur semble raisonnable
pour leur salut, & s’ils ne le font pas,
il veut qu’ils demeurent enseuelis sous la prodigieuse
tyrannie qui les accable.

 

Exod 23.
Iob 21
Prou 15.

Sales eu sa
Vie deuote.

3 Roys 12.

Senec.
Tac.
T. Liue.
Iuuen.

De Serres.
Mercure
François.

Ps. 80.

La liberté de se faire iustice soy mesmes est

-- 40 --

si necessaire dans tous les Estats, & dans toutes
les conditions des hommes, qu’il n’est pas aucune
societé, & fut elles mesmes de voleurs, ou de
pyrates, qui peût subsister sans les graces de cette
diuine Astrée.

 

Les regles de cette iustice sont ou du droit
de nature, ou du droit des gens, ou du droit
ciuil. Les preceptes du droit de nature sont, ne
faire à personne que ce que nous voudrions
qu’on nous fit. I es preceptes du droit des gens
sont garder les droits des Ambassades, de la principauté
du domaine, des choses publiques communes,
& sacrées. Et les preceptes du droit ciuil,
sont ceux qui estant receus par les loix humaines,
ou par les coustumes, sont diuersement
obseruée par diuers peuples. Et neanmoins dans
toutes ces regles de iustice ie trouue que les peuples
ne sçauroient faillir de se faire iustice eux
mesmes quand on a refuse de la leur faire. Par
les preceptes de nature, il est permis à chacun
de reprendre librement & sans autre forme de
procez, son bien où il le trouue, qui est proprement
se faire iustice soy mesmes, par les preceptes
du droit des gens, on a encore droit de faire
la mesme chose. Les Lecedemoniens n’en faisoient
pas mille difficulté, & par les douze tables
du droit Romain quand deux creanciers trouuoient
que leur debiteur n’auoit pas dequoy

-- 41 --

payer, sans auoit recours à la iustice. Le pere
pouuoit vendre son fils, & le mary pouuoit tuer
sa femme si elle s’adonnoit au vin, ou si elle auoit
fait faire de fausses clefs pour ouurir ses coffres.
Par les loix Agraires les peuples, reprenoient
hardiment sur les riches, ce qu’ils croyoient que
ceux-cy auoiẽt peu prendre sur leurs Ancestres.
Et dans la iustice distributiue quand quelqu’vn
a receu vn souflet, il prend bien la peine d’en
rendre vn autre (& quelque fois plus, selon l’humeur
de la personne) à celuy qui luy a rendu ce
bon seruice ; il y a des choses où il n’est pas besoin
d’appeler la iustice à son secours, à cause de
la bassesse du suiet, & à cause que le ieu ne vaudroit
pas la chandelle. Et il y en a dautres ou il
seroit inutile de l’inuoquer en aucune façon, à
cause de l’impuissance où elle se trouue, comme
en elle (sans aller chercher des exemples bien
loin) de chasser Mazarin de l’Estat, ou de le
prendre pour le punir de ses crimes. Si les peuples
n’ont pas droit de se faire iustice eux mesmes,
le tyran qui les persecute à donc droit de
les tyranniser iusques à la fin des siecles. Ne seroit
ce pas estre plus tyran, que nostre abominable
tyran ne l’est pas, de vouloir soustenir
vne proposition qui ne sçauroit estre fondée
que sur vne tres horrible tyrannie. Si les peuples
n’ont pas droit de se faire iustice, il faut qu’ils

-- 42 --

souffrent eternelle ment d’estre pillez, bruslez,
massacrez : ils faut qu’ils souffrent eternellement
voir leurs temples demolis & leurs femmes violées
puis qu’il n’y a point d’autre puissance que
la leur en tout l’vniuers qui leur puisse faire iustice.
Si les Roys se font iustice par la violence des
armes, à plus forte raison que ne doiuent donc
pas faire vn nombre infiny de personnes tyranisées,
pour se deliurer de la prodigieuse tyrannie
d’vn Ministre.

 

Ie passe bien plus outre & ie dis que s’ils
ne le font pas, qu’ils sont responsables deuant
Dieu de tous les malheurs qui peuuent arriuer
à l’Estat, & de toutes les pertes qu’ils feront au
preiudice de ceux qui ont quelque droit au biẽ
qu’ils leur deuroient laisser en partant de ce
monde. Considerez donc de grace en quoy
consistent tous les malheurs de l’Estat, puis
qu’ils consistent la mort de tant de millions de
personnes. En la perte de tant d’ames qui meurent
dans les occasions ou dans les mauuaises
rẽcontres en tres mauuais estat. En tant de villes
& de villages bruslez, en tant de femmes & de
filles violées, en tant des peuples ruinez, en
tant de sacrileges commis & en tant d’Eglises
demolies, sans conter la perte que nous faisons
de tant de places & de tant de Prouinces que
les ennemis reprennent sur nous, pour ne nous

-- 43 --

vouloir pas faire promptement iustice nous
mesmes. Considerez encore apres cela les grandes
pertes que vous faites des biens que vos
predecesseurs vous ont laissez, & desquels vous
estes coupables deuant Dieu & deuant les hommes
comme n’en estant que les vsufruictiers,
ou les Economes, veu qu’ils ne deperissent que
par vostre negligence. Et ie croy qu’apres auoir
meurement consideré ce que ie viens de dire,
si vous n’estes pas aussi priuez de sentiment que
les Zoophires, que vous dessillerez les yeux à
l’équité de mon raisonnement, afin de voir vn
peu mieux que vous n’auez pas fait par le passé,
si vous auez droit de vous faire iustice vous mesmes,
en executant les Arrests d’vn si auguste Parlement
que celuy de Paris, fondez sur les Declarations
de sa Maiesté, & sur les loix de l’Estat,
puis qu’il y va de la gloire de Dieu, de l’honneur
du Roy, du repos public : puis qu’il n’y a
point d’homme en France qui ne soit obligé de
respondre de tous les malheurs qui s’y font s’ils
ne les empeschent pas : puis qu’il n’y a rien de si
facile que de les empescher par vn sousleuemẽt
vniuersel : & puis que ie leur fais voir qu’ils ont
droit de se faire iustice eux mesmes, puis qu’on
refuse de la leur faire.

 

FIN.

-- 44 --

SubSect précédent(e)


Anonyme [[s. d.]], LE FLAMBEAV D’ESTAT, AVEC LEQVEL TOVS LES PEVPLES DE FRANCE peuuent voir comme ils sont obligez de s’vnir pour l’execution de l’Arrest du 29. Decembre 1651. & de l’Arrest du 23. Iuillet 1652. donnez en Parlement contre Mazarin, toutes les Chambres assemblées. OV L’ON VERRA, I. Que les Arrests d’vn si Auguste Parlement que celuy de Paris doiuent estre inuiolables; principalement quand ils sont donnez pour deliurer l’Estat de la prodigieuse tyrannie où il est. II. Qu’il y va de la gloire de Dieu, de l’honneur du Roy, du salut de la Couronne, du repos public, & du bien vniuersel de tous les peuples de France. III. Qu’il n’est point de François qui ne soit veritablement obligé de respondre vn iour deuant Dieu, de toutes les voleries, meurtres, violences incendies & sacrileges que Mazarin & ses complices font & feront de toutes parts, si on ne les en empesche pas, le pouuant faire. IV. Qu’il n’y a rien de si facile que d’en venir à bout par vn soûleuement general, puis que tous les autres moyens nous ont manqué. V. Et qu’il n’est point de peuple qui n’ait droit de se faire iustice soy-mesmes, quand on refuse de la luy faire. , françaisRéférence RIM : M0_1397. Cote locale : B_11_17.