Anonyme [1649], LE FRANÇOIS AFFECTIONNÉ à sa patrie. , françaisRéférence RIM : M0_1409. Cote locale : C_4_20.
LE FRANCOIS AFFECTIONNÉ A sa patrie.
Agreables diuinitez, Qui commandez sur les citez Et qui leur seruez de Genie Si vous aimez vn peu la France & son Estat, Guidez celle qui la manie Et luy faites choisir vn autre Potentat.
Pensez-vous qu’il est à rebours Durant ce miserable cours A la France d’estre soumise Au pouuoir d’vn meschant qui luy semble fatal, Et pillant iusqu’à sa chemise Pour dérober son bien ne luy fait que du mal.
I’atteste la terre & les cieux Que bien souuent la larme aux yeux De regrette dequoy ma liberté perduë N’a plus de Princes ny de Roy, Et dequoy la France est si gauë De le faire regner sur son peuple & sur soy.
Mais François, sçauez vous comment
Ouurez vos tours & vos rempars Pour receuoir de toutes parts Et regaler chez vous les Princes & la Reyne, Mais fermez-les bien vistement Quand ce monstre qui les entraine Voudra porter ses pas en vostre apartement.
Ayant chez nous nostre ennemy Nous sommes vaincus à demy, Pour donc vous maintenir mettez-vous en deffence, Pointez si bien vostre canon, Que ce rouge mauuais y perde sa puissance, Et se retire vueille ou non.
Quand il se verra refusé Son esprit est bien plus rusé Que de plus esperer de vous faire dommage, Sçauez vous ce qui en viendra, Si vous faites paroistre vn si braue courage, C’est qu’à la fin il s’en ira.
Fust il desia bien loin d’icy Ie n’aurois plus tant de soucy Et viurois ce me semble auec que moins de peine, Au moins me verroisie ce bien, Que vous vous seriez meus pour assouuir la haine
Pardonnez à ma passion Si i’en parle auec action, Car estant bon François que sçauroisie mieux faire, Que de parler pour mon pays, Et de le consoler en vn si grand affaire Où sont les peuples esbahys.
Depuis desia plus de dix mois Que nous viuons dans ces abois Sous l’apprehension d’vne pire fortune, Tout le bien qu’on nous a promis C’est que nostre disgrace estant toute commune Nous mourrons trestous bons amis.
Aussi nostre esprit est si ioint Que pas vn ne recule point De faire son possible à d’estourner la guerre, Ou bien s’il la faut soustenir On n’en verroit pas vn qui ne courre grand erre Pour tascher à se maintenir.
Mais las ! à quoy tant de fureur, Qui nous oblige à cette erreur, Que ne reiettons-nous la terreur & les armes, La Paix vaut mieux que le Dieu Mars, Et l’oliue qui suit la rigueur des allarmes, A de plus aimables regards.
Confiderez combien de maux, Combien de penibles trauaux
Mais quel profit en auons-nous Que de la perte & que des coups, Combien d’inimitiez s’y sont elles formees, Qui peut estre n’auront iamais Le credit de se voir à la fin terminées Mesme apres auoir eu la paix.
Alors que le despit des Roys S’aigrit contre nous vne fois Et qu’ils veulent en suite exercer leur colere, Où trouuons-nous vn seul endroit, Pour nous mettre à couuert d’vn si mauuais affaire, Puis qu’vn suiet n’a iamais droit.
Les Roys atteignent de bien loin, Rien ne peut eschaper leur poin, Quand vous seriez tombez au centre de la terre, S’ils ont dessein de se vanger Ils vous feront chercher pour vous faire la guerre Au climat le plus estranger.
S’y fie qui s’y veut fier, Vn peuple quand il veut plier Doit quitter tout respect & suiure la contrainte, De murmurer entre les dents N’est pas assez bastant pour tesmoigner sa crainte,
Combien au milieu des debas Auons-nous murmuré tout bas Sans oser descouurir le dessein qui nous meine, Mais enfin l’esclat fut si grand Que l’on vid esclatter tout d’vn coup nostre pein De mesme qu’vn feu qui se prend.
Nous auions tousiours vn regret Qu’on nous faisoit vn mauuais trait, Et que pour vn seul hõme on cherchoit nostre perte. Mazarin, nous deuons beaucoup A ta mauuaise humeur, car estant descouuerte Elle nous fit faire vn beau coup.
Tu serois encore auiourd’huy Comme tu l’es de nostre ennuy Le volleur de nos biens & l’horreur de nos vies, Et tu t’accorderois encor Auec ces Partisans qui comme des harpies Pilloient nostre argent & nostre or.
Est-il pas temps de t’en aller ? N’es-tu pas saoul de nous voller ? Prens nos corps si tu veux, & faisant ta curée Repais-en ton ventre gourmand, Puis saoul de nous ronger va faire ton entrée Chez l’Anglois ou chez le Flamand.
Ces peuples seroient malheureux S’ils tauoient arresté chez eux,
Mais à quoy vouloir te prescher, L’on ne te sçauroit empescher De suiure le malheur qui menace ta vie, La France te verra mourir, Et c’est le vray moyen d’accomplir son enuie De te voir quelque iour perir.
FIN. |
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