Anonyme [1652], LE GENEREVX TOVT-BEAV DV BRAVE COLA DE L’HOSTEL DE CHEVREVSE : IMPOSANT SILENCE AVX FAISEVRS DE LIBELLES. CONTRE MONSIEVR LE DVC DE LORRAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1484. Cote locale : B_8_61.
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LE GENEREVX
TOVT-BEAV
DV
BRAVE COLA
DE
L’HOSTEL DE CHEVREVSE :
IMPOSANT SILENCE
AVX FAISEVRS DE LIBELLES.
CONTRE
MONSIEVR LE DVC DE LORRAINE.

A PARIS,
Chez IEAN BAPTISTE BOVCHE-D’OR
à la Croix de Hierusalem.

M. DC. LII.

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Cét Apologue est tiré du Thresor des Belles Choses,
& des bons Mots, que l’Imprimeur donnera au
Public, aussi-tost qu’il aura obtenu Priuilege du Roy.

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LE départ de S. A. de Lorraine, ayant
extremément surpris le plus grand nombre,
c’est à dire, le Commun, & les
moins iudicieux ; ces Esprits mercenaires qui
font profit du tumulte, & qui debitent leurs
folies plus auantageusement dans la confusion,
s’empresserent estrangement à faire voler leurs
plumes venales, & les Colporteurs en foule à
faire grand éclat & grand bruit contre sa reputation.

Ces Libelles toucherent sensiblement vn de
cesbõs Cerueaux qui ne s’interessent pas aueuglément
dans les opinions du vulgaire, & qui
ne iugent des affaires qu’aprés en auoir pris vne
parfaite connoissance. Ce qui l’obligea de faire
ce reproche à vn Gentil homme Lorrain qu’il
rencontra par hazard dans le temps que ces
Crieurs de Gazettes publioient plus de mensonges
que d’iniures contre son Souuerain.
He quoy ! luy dit-il, les Lorrains sont-ils deuenus
si foibles, ou si lâches, ou si bestes ; qu’ayans
cent bonnes choses à dire à la gloire de leur Prince,

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& à la confusion de ceux qui font écrire contre
luy, il ne s’en trouue pas vn qui ferme la bouche
à la Calomnie, en faisant voir tout a la fou les
méprises malicieuses qu’elle produit, & les illustres
veritez qu’elle déguise ? Monsieur, répondit tres-obligeamment
le Gentilhomme, vous estés trop
genereux de prendre de si bonne sorte le party de
la Vertu abandonnée contre le crime suiuy. Mais
de grace, ayez la bonté de croire que les Lorrains
ne sont deuenus, ni foibles, voyans leur Prince
à la teste d’vne belle & bonne Armée ; ni lâches,
parce qu’il n’en fut iamais d’autres que les Renegats ;
ni bestes, puis qu’ils ont beaucoup de raison
de se taire, aprés ceux qui ont parlé. Comment
cela ? repliqua ce iuste Estimateur des choses.
Monsieur, poursuiuit le Gentil homme,
vous sçaurez qu’a l’Hostel de Chevreuse il y a vis
Corbeau que l’on appelle COLA, du nom de
celuy qui l’a éleué, & qui l’apporta de la part
de mon Maistre à cette grande Princesse qui a merité
le nom de Prodige d’esprit & de vertu. Cét
animal, comme vn debiteur de mensonges mal digerez
crioit à pleine teste dans la ruë S. Thomas,
La Trahison du Duc Charles, & le reste, courut
auec vne ardeur extraordinaire à la porte de l’Hostel,

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& paya toutes les paroles de ce Vendeur de
fumée d’vn TOVT-BEAV, autant de fois
repeté & prononcé fort grauement. Et par vn marriage
de fortune dont il seroit mal-aisé d’apprendre
le secret vn Fol de la race de Hanzau se
trouuant là fut l’Echo du braue COLA, &
l’interprete de son mysterieux Tout-beau.

 

TOVT-BEAV, commença-t’il à dire en
tournant les yeux d’vne maniere iudicieuse,
& qui sembloit chercher en diuers en droits des
raisons pour appuyer son sentiment.

Tout-beau, N’auoit-il pas droit de s’en aller ?

Tout-beau, Qui l’obligeoit à ne s’en aller
pas ?

Tout-beau, N’estoit-il pas venu pour ouurir
les voyes d’vne Paix generale ?

Tout beau, Sa Marche ne fut-elle pas celle
d’vn Mediateur, & non pas celle d’vn Ennemi ?

Tout-beau, N’a-t’il pas fait leur le siege
d’Estampes pour balancer la force entre les deux
Partis, & les rendre plus traitables ?

Tout-beau, Encore qu’il fut venu à paris sur la
foy de S. A. R. s’est-il declaré ? et n’est-il pas
éclairci de moment en moment des intentions

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de la Reine, & de celles de Monsieur le Prince ?

 

Tout-beau, Deuoit-il fortifier l’vn contre l’autre
pour faire auorter toutes les esperances de
l’Europe Chrestienne, & ruiner les interests de
ses Alliez, de ses proches, & de sa Maison ?

Tout-beau, Où sont les Villes, les Deniers, &
les Hommes, qu’on luy auoit fait esperer, pour
le remboursement de ses frais, & la seureté de sa
Retraite ?

Tout-beau, Où est la Ionction du Parlement,
& de l’Hostel de Ville, qu’on luy auoit asseuré
estre faite secretement, & se deuoir publier à
son arriuée ?

Tout-beau, S’il eût combattu, sa perte n’étoit-elle
pas inévitable ? Car s’il eût eu du desadvantage,
les Communes auroient infailliblement
acheué sa ruine ; & s’il eût vaincu, l’Histoire
du passé ne luy a-t’elle pas appris que le
Roy & les Princes pouuoient s’accorder ensemble,
& tout au plus, le payer d’vn Compliment ?

Tout-beau, Ne valloit-il pas mieux aprés
tout s’attacher au Tronc, qu’aux Branches ?

Tout-beau, N’a-t’il pas averty les vns & les
autres de son départ ?

Tout-beau, Tout-beau, Tout-beau. Qui ne

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traitoit pas à sa mode, à la reserue de S. A. R. ?
Et que ne faisoit pas Gautier Guarguille à la
Cour ? Il vouloit sans doute parler de Gogourt,
& de Gouruille.

 

Et il alloit dire des choses plus secretes ; si les
Officiers de la Maison ne luy eussent fermé la
bouche de viue force ; car il n’écoutoit nullement,
ny leurs prieres, ny leurs menaces. Et encore
ne peurent-ils l’empêcher de pousser vn
dernier Tout-beau, qu’il adressoit à Messieurs
de Paris.

Tout-beau Paris, dit-il, la bouche à demy-fermée,
Ne t’a-t’il pas obligé, en éloignant
soixante mille bouches, dont la plus austere
moderation ne pouuoit estre qu’vn excés préjudiciable
à ton grand Corps, qui a plus d’vn
million & cinq cens mille ventres à contenter ?

Et bien Monsieur, reprit le Gentilhomme,
y auroit-il iustice à vouloir encherir sur cette
eloquence ; & n’estoit-il pas raisonnable qu’vne
beste & vn fol répondissent à des gens qui auoient
écrit sans raison & sans iugement ? Il est vray,
dit alors ce graue Senateur auec vn soûrire
agreable & maiestueux ; Mais qui estoit ce
fameux Hanzau dont vous venez de parler ?

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Monsieur, répondit le Gentilhomme, sans
vous faire l’Histoire de sa Maison, ie vous diray ;
que ce fut vn sage fol, lequel encore qu’il eût le cerueau
tres-foible, eut neantmoins la force de conuaincre
le Diable, & de le faire taire absolument.
Car comme on exorcisoit vne possedée de Nancy
en presence des Princes ; cét bomme entrant dans
la Sale où estoit l’Assemblée, & le Demon disant si
haut qu’il l’entendit, que l’on auoit tort d’introduire
encore ce Fol parmy tant d’autres. Tais-toy, malheureux,
repliqua-t’il, ie ne suis point si fol que
toy ; Tu as perdu ta part du Paradis, & ie tâche
de conseruer la mienne.

Paroles qui surprirent tellement cét Esprit
superbe que de trois iours on ne le put faire parler,
quelque effort que l’on y apportât.

Le Gentilhomme acheuoit son recit, lors
qu’vn grand bruit s’épandant de l’arriuée des
Troupes d’Estampes à la Porte du Faux-bourg
S. Iacques ; il eut lieu de se separer ciuilement
de cét Illustre, pour aller voir ses amis qui
estoient de la brigade de Clainchamps.

FIN.

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