Anonyme [1652], LE GENIE FRANÇOIS SVR LES MALHEVRS DES AFFAIRES DE LA COVR. TOVCHANT L’ARRIVÉE DV DVC DE Lorraine au Palais d’Orleans. , françaisRéférence RIM : M0_1495. Cote locale : B_8_65.
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LE
GENIE FRANÇOIS
SVR
LES MALHEVRS
DES AFFAIRES DE LA COVR.

TOVCHANT L’ARRIVÉE DV DVC DE
Lorraine au Palais d’Orleans.

A PARIS.

M. DC. LII.

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LE GENIE FRANCOIS SVR LES
malheurs des affaires de la Cour, Touchant l’arriuée du Duc
de Lorraine au Palais d’Orleans.

COMME toutes choses se maintiennent par
amour ; elles se destruisent aussi par les dissentions &
la hayne : ce commandement que nostre Religion a receu,
& à quoy la soy & nos soubmissions sont estroitement
obligeés d’aymer nos ennemis, nous fait absolument connoistre
qu’il ne nous est pas permis d’exagerer les fautes de
nos ennemis, puis que la charité en doit cacher la foiblesse
& celuy qui est limité dans ses œuures par impuissance,
doit suppleer ce deffaut par vne genereuse inclination au
bien de son prochain & par l’estime qu’il en peur faire,
l’Empereur Titus croyoit auoir perdu le iour auquel il n’auoit
fait du bien à personne, mais celuy que nous employons
à tourmenter & à nuire, doit estre l’horreur de nostre
memoire, s’il n’est l’argument de nos repentances, la
presence eternelle conduisant toutes ses creatures à la fin
pourquoy elles sont nées, il en fait adorer les secrets sans
nous ingerer d’en alterer les ordres, les Poëtes enseignant
que le Soleil se leuoit de la mer & s’y couchoit, nous ont
voulu signifier que nostre vie commence & finit par l’amertume,
& que nos peines sont l’apanage de la nature
qui ne doiuent souhaiter d’alegement que par la seule bonté
de son Autheur ; & les condecendances à ses volontez
souueraines, de cette supréme puissance reflechissant nos

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pensées sur ceux qui nous representent son authorité, nous
auoüerons que les Roys sont les moteurs du monde, chacun
en sa domination, mais qu’ils reçoiuent leur mouuement
de Dieu, duquel tout mouuement procede, & malheur
à celuy refractaire qui est la iuste puissance, puis qu’elle
est ordonnée d’en haut, estudions nos deuoirs dans vn examẽ
judicieux, & à la confusion des peruers, nous trouuerõs
que tout ce qui est creé nous anonce vnion, charité &
obeyssance, à commencer depuis le raisonnable à l’inraisonnable,
le sensitif à l’insensible : n’est-il pas vray que le
Ciel donne la lumiere à l’air, l’air, la rosée à la terre, & cette
feconde mere distribuë aux viuans la vie, le plaisir & l’agréement,
mais il faut auoüer aussi que c’est dans ses liberalitez,
que le brutal trouue de quoy se rendre criminel,
plustost que reconnoissant, ainsi de ces excelentes causes
il s’ensuit des effets tres-funestes, par ce que la liberté de
flater nos passions & la fausse apparence de leur douceur
nous engagent dans vn penchant ruyneux & déplorable.
4. choses sont necessaires au monde au rapport de Ciceron,
la connoissance de la verité à la quelle nous incite la nature
qui haït l’erreur & l’ignorance, la conseruation de la societé
des hommes, d’où procede la justice commune, la troisiéme
cette force d’esprit à toutes sortes d’injures, & la derniere
cét ornement de la vie, qu’on appelle temperance,
laquelle estant accompagnée de la pudeur & de la modestie,
sçait ordonner auec tant d’adresse & de bien-seance
toutes les actions des hommes, que c’est d’ordinaire par
son moyen que l’on découure les honnestes gens, j’appelle
icy auec humilité & respect l’ambitieux & le superbe, &

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& auec les exemples de ceux qui ont esté confondus, ie les
conjure de songer à eux & à nous, de voir vn Lucifer auec
ses adherans, vn Caïn & ses punitions, auec cette asseurance
que Dieu de misericorde & d’amour oubliera tout dés
qu’on perdra la volonté & l’habitude du peché, la discorde
est ennemie de Dieu, & le Paradis deuiendroit vn Enfer
si la paix & la tranquilité en estoient banies, c’est donc la
paix & la tranquilité qui glorifient les bien-heureux, comme
le tulmute & la sedition exterminent les Monarchies,
arrachent les alimens de nos mains, embrasent nos maisons,
& s’opposent à nostre salut, il est vray, qu’il est en nous
de tourner en bien tous ces déreglemens, nos ames ayant
cette faculté de rester fermes au plus fort de l’orage, & de
brauer les tourmens au plus haut poinct de leur cruauté,
mesme les plus grands hommes ont plus apprehendé les
prosperitez que le debris, comme nous lisons de Philippes
de Macedoine, qui ayant receu à mesme iour les nouuelles
de la victoire de ses chariots aux ieux Olimpiques. De la
defaite de ses ennemis par son Lieutenant Parmenion, &
de la naissance de son fils Alexandre, pria les Dieux de luy
enuoyer quelque legere aduersité, de crainte que son jugement
ne se perdit dans la foule de tant de prosperitez, Dieu
menaçoit autresfois les prophanateurs de son culte de
ne point troubler la iouyssance de leurs delices, & de les
abandonner à leurs propres sentimens, nous voicy dans le
temps que sa justice veut esprouuer nos fidelitez, il nous
foüete auec ses verges paternelles, remercions sa sagesse, &
disons luy amoureusement que sa volonté soit faite en la
terre comme au Ciel, prions sa Toute-puissance de veiller

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à la conseruation de ce grand Roy, que tant de prieres ont
obtenu, de luy donner des legions d’Anges pour veiller à sa
conduite, puis que c’est le fils aisné de son Eglise, le premier
Roy d’vne Reine tousiours prosternée au pied de ses
Autels, pieuse, sage & tres-accomplie, vn enfant d’oraison
& vn Prince de grace & de clemence, & c’est en faueur de
leurs Majestez que Dieu nous commande de craindre &
obeyr à ceux qui nous regissent, puis que nous n’ignorons
pas que de ces deferẽces legitimes & necessaires ne dépendent
l’ordre & le repos de nos iours, la paix augmente les
Estats & les Arts & les Sciences sont en leur éclat pendant
la serenité des temps & la benediction des regnes, mais il
faut esperer en Dieu, & se soumettre à son adorable sagesse
sans altercatiõ ny desespoir, qui fit que les Romains subjuguerent
tout le monde, que la bonté de leur conduite &
l’vnion de leurs cœurs & simpathies genereuses, mais ce
que les ennemis n’auoit sçeu faire à leur prejudice les
dissentions & les discordes l’acheuerent, les Assyriens,
les Medes. les Caldeens, & les Grecs sans profiter des
exemples voisins & visibles, ont succombé par mesmes
principes & accidens, & encore qui a déchiré l’Empire
que la desunion & la discorde, qui a fait les chismes
que l’altercation & la contrarieté, qui a remis la terre
Sainte entre les mains des infideles que la discorde,
qui subiuga Xerces, duquel l’armée couuroit la mer de
nauires & la terre des soldats que la discorde, & qui donne à la France tant de miseres & d’oppressions que la discorde
& les animositez domestiques. Princes magnanimes,
Altesses reuerées, genereux sang des Rois, vnisez

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vos armes redoutables pour la querele de vos proches,
remetez sur le trosne de la grand Bretagne, ce Prince
que Dieu nous enuoye pour terminer vos differens, &
joindre en faueur toutes les forces qui nous enuironnent
à les punir les bourreaux, & laissez respirer le solitaire dans
son hermitage & sa celule, vos campagnes affreuses, vos
villes depeuplées & vos marchands ruinez, vous accusent
de cruautez, & les Monasteres desolez, les Veufues,
les Orphelins & les Peres dans l’amertume de leur douleur,
semblent nous menacer du feu du Ciel & de celuy
de vos canons, si vous ne cessez en terre des guerres si
dangereuses, quelle honte aux Cesars François, de voir vn
fils de Roy, Roy de vertu, de valeur & de naissance rester
saniustice à la veuë de leurs armes inuincibles, la posterité
reprochera elle pas cette insensibilité à vos courages martiaux,
tous les Roys sont attaquez en la personne de ce
Prince oppressé ; Et Dieu, exigé de vos dignes mouuemens
des resolutions de vengeance contre des criminels
qui separent sans cesse de leur iniquité, faisons paix à nos
douleurs, terminons leur durée & vehemence, & liurons
la guerre aux ennemis du sang de S. Louis, accourons au
secours de cette grande Reine, qui n’vse pas auec moins de
prudence & de vertu des croix enuoyées à sa pieté, qu’elle
s’est renduë reccommandable par ces actions heroïques
& genereuses du temps que sa Majesté en estoit dans le
pouuoir & l’habitude, il faut esperer que Dieu fera son
œuure, & apres auoir desabusé nos astres François, ils remetront
le dechassé en son patrimoine, & feront regner
la iustice où elle a esté si outragée, cette brillante Reine

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des vertus, qui est l’apuy du Ciel & du monde, c’est celle
qu finira nos maux & reformera le depraué de nos mœurs
afin que nous meritions la douceur de son empire & celle
de sa consolation, le souuerain bien de cette vie, c’est d’estre
iuste & équitable, & ne permettre pas que les foibles
soit foulez, & c’est vn droit de nature de traitter nostre
prochain, cõme nous souhaiteriõs qu’il nous traitat, S. Mathieu
nous l’ordonne ainsi, & le Prophete Ieremie nous
dit de mesme, gardez & retirez d’oppression ceux que
vous voyez estre opprimez, S. Augustin nous apprend que
la vertu de iustice doit estre desirée auec ardeur, possedée
auec soin & solicitude & reuerée auec honneur & respect,
que son vtilité est si grande parmy les hommes que pour
les aduantages qu’elle donne, les Anciens Payens luy auoit
edifié des Temples, où il l’adoroit comme Deesse, & S.
Augustin sur ce sujet, dit que nous n’en deuons pas faire
vne Deesse imaginaire, mais vne vertu tres-chere, qui soit
l’ame & l’essence de toutes les autres, S. Lerosme nous exorte
de l’aimer & dit que cõme quelque fois il est plus criminel
deuant Dieu d’aimer vn vice que de le cõmettre, aussi est-ce
vn plus grand peché de haïr la Iustice que de ne la pas rendre
c’est la Iustice qui conserue toutes choses icy bas, &
qui nous couronnera là haut, si nous l’auons exercé auec
amour & simplicité, c’est ce qui donne le remord & sinderese
au pecheur, & qui fait trembler le criminel deuant son
Iuge, ne pouuant souffrir l’équité, comme contraire à ces
malefices, c’est donc par ces raisons que nous deuons ajuster
nos pensées, & consulter nos actions, afin qu’elles ne
jugent pas d’vn iugement redoutable, le pouuoir que nous
auons d’agir glorieusement pour nous & à l’honneur de ce
grand Dieu, autheur & terme de l’eternité & de la gloire.

 

FIN.

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