Anonyme [1652], LE GIBET DE MAZARIN Dressé dans la Ville de Compiegne par le Commendement de Messieurs les Escheuins. AVEC LA LETTRE DE COMPLIMENT enuoyée audit Cardinal pour son esloignement de laditte Ville. , françaisRéférence RIM : M0_1497. Cote locale : B_12_32.
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LE GIBET
DE MAZARIN Dressé dans la Ville de Compiegne
par le Commendement
de Messieurs les Escheuins.

AVEC LA LETTRE DE COMPLIMENT
enuoyée audit Cardinal pour son esloignement de
laditte Ville.

A PARIS,
Chez NICOLAS MACÉ au Mont
saint Hilaire.

M. DC. LII.

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Le Gibet de Mazarin preparé
par le Commandement
de Messieurs les
Escheuins de la Ville de
Compiegne.

AVEC LA LETTRE DE COMPLIMENT
enuoyée audit Cardinal pour son esloignement
de laditte Ville.

MONSEIGNEVR,

Le soin que nous auons de vostre Eminence,
fait que nous mettons la main à la plume,
& vous addressons celle-cy, laquelle
vous seruira d’auis, pour vous dire en deux
mots la volonté que nous auons de vous receuoir,
c’est que ayant tenu le conseil de Ville,
nous auons treuué à propos qu’il n’estoit
pas besoin de vostre personne en ces quartiers,

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& que nous sçauons fort bien qu’il y a assez de
Prouinces ruinée sans venir acheuer la nostre,
& pour cét effet, tres-expresses nous vous
mandons de vous tenir ou vous estes, nous
vous en prions tres-humblement, & ayant
receu celle cy comme nous sçauons fort bien,
vous ne laissez pas de persister, & auancer
chemin, du costé de deça, nous vous disons
encore vne fois de vous tenir ou vous estes ;
car auiourd’huy le vingt-vniesme du mois
d’Aoust 1652. nous auons fait dresser vn eschaffaut
tout expres pour executer les Arrests
du Parlement de Paris, lesquels ont esté donnez
contre vostre Eminence, par plusieurs
fois, ie n’ay que faire de vous les exprimer, les
sçachans mieux que nous, & sans plus parler
ny vzer d’auantage de tels termes, comme
ceux-cy, l’on tient que vous estes immortel,
& que vous vous estes accomparé à vn chesne,
auquel luy coupant la teste il ne laisse pas de
ietter des petits reiettons, & des petites branches,
voulant dire que le chesne estoit vostre
Eminence, & apres que l’on vous auroit coupé
le col, que vous viuriez dautant plus ; &
demonstrant par ses petites branches, vos associez,
dis-je Mazarins, qui apres vostre mort

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vous feront reuiure, & qu’estant en la sepulture
que vous y seriez de retour plutost qu’en
quelque lieu du monde, & que seulement
i’apprehendois le lieu de vostre demeure. Le
hazard fut tel, entrant, sur les deux heures apres
midy, ie vis vne multitude de personnes,
qui couroient au son d’vne trompette pour se
rendre à la place publique, où ie tiray tout
aussi-tost, que ius fait eslection d’vn logis pour
sçauoir ce qui si passoit de nouueau, l’abord ne
me donnant que de la joye, par vne voix qui
dit, voicy le Cardinal Mazarin, que l’on ameine
dans vn Carosse Trompette sonnante pour
finir ses icy, est-il possible ce disent-ils, l’vn à
l’autre, Dieu soit loüé, la Paix est faitte, Messieurs
de Compiegne sont hors de peine, & ils
ont dressé vn Eschaffaut tout au milieu de la
place publique pour faire la mesme chose,
moy estant curieux i’ay pour suiuy plus auant
& ay esté iusques à Compiegne, ayant pris la
poste, les Habitans de laditte Ville crioient
au Mazarin, Messieurs se disoient-ils les vns les
autres, voicy vn de sa caballe, ie respondis excusez-moy,
ie ne suis pas tel comme vous dittes,
à Dieu ne plaise, ie fus contrains de leur
conter l’histoire, & ie leur dis que i’auois veu

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vn eschaffaut dressé, & que cét eschaffaut m’auoit
fait demander, qui estoit le miserable auque
l’on preparoit le suplice, i’entendis vne
voix, qui dist c’est Mazarin qui vient dans vn
Carosse Trompette sonnante pour finir ses
iours icy, & ce qui m’a fait venir icy, Messieurs,
c’est vne autre voix qui a dit que vous
auiez fait la mesme chose, c’est pourquoy ie
suis venu voir.

 

Monsieur si vous estiez deux de compagnie,
vous ne vous en retourneriez pas comme
vous seriez venus, vous estreneriez vous-mesme
cét eschaffaut que nous luy preparons mais
comme vous estes seul, il faut que vous luy
portez nouuelle de la verité, & luy dire que
c’est chose veritable, & que vous l’auez veu,
& que les portes luy sont ouuerte, tout expres
pour le receuoir, & que s’il peut entrer
dans cette Ville il nous fera plaisir, afin que
nous ayons l’honneur, qu’il meure vn Sicilien
dans Compiegne & qui soit Cardinal, ce ne sera
pas comme il y a quelque temps qu’il y auoit
deux amis lesquels sortirent tous deux de
cette Ville sous ombre d’vne promenade, &
s’écarterent si bien que du depuis on n’a peu
sçauoir des nouuelles de l’autre ce qui a fait

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coniecturer aux parans qu’vn ambusche traitresse
l’auoit mis au nombre des morts, &
qu’vn autre n’en pouuoit estre coupable que
l’vn de ses Cousins qui se nommoit Iules, ainsi
ce nomme ce miserable, (mais Iules Mazarin)
c’est luy qui vient faire le second, c’est luy
qui vient ioüer son personnage, & qui pour
tout potage y laissera sa teste. O Cieux que
vous estes iustes, que d’amener icy Mazarin,
pour le mettre au trespas, pouuiez vous plus
clairement nous faire entendre sa malice, &
nous faire voir au doid la bonté de vos Peuples
qui ont tousiours demandé sa mort, Rendons
graces à Dieu pour tant de bienfaits que
nous auons receus de luy, & du bienfait qu’il
a permis que l’on prenne ce perturbateur du
repos public luy qui a tant cause de mal, par ses
ruses & ses finesses.

 

FIN.

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