Anonyme [1651], LE GLORIEVX RETOVR A PARIS DES PRINCES DE CONDÉ, de Conty & du Duc de Longueville: , françaisRéférence RIM : M0_1500. Cote locale : B_6_22.
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LE
GLORIEVX RETOVR
A PARIS DES PRINCES DE CONDÉ,
de Conty & du Duc de Longueville :

ET
Quelques remarques sur la Harangue de l’Ambassadeur d’Espagne
à l’Assamblée générale des Provinces-vnies.

LA grande expectation qu’a
laissée au parti Espagnol la harangue
faite par le sieur Brun
Ambassadeur du Roy Catholique,
à l’Assamblée des Estats
Généraux des Provinces-vnies
le 24 du passé, ne permettoit
pas d’elle-mesme que cette action ne vous fust
communiquée, du moins par extrait à cause de sa
prolixité, qui occuperoit tout nostre espace: mais
taxant, comme il fait, la France & moy en particulier,
ie me sens par là doublement obligé à y faire
quelques remarques, puis que le mespris du
blasme de sa nation & de soy mesme a toujours
esté pris en mauvaise part: joint que cet Autheur,
non moins considérable par sa doctrine & son
éloquence que par l’importance de son employ,
merite d’estre distingué du fatras des autres Escrivains
indignes de respõse, voire vn plus fort Antagoniste
que je ne suis la seule nécessité de macharge
servãt d’excuse à la grãdeur de mon entreprise.

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Il dit qu’ayant appris l’ouverture de cette célébre
Assamblée, composée de tant de rares & insignes
personnages qui estalent sur ce vaste théatre
en original & avec vénération la grandeur de leur
florissãte République, il s’y est rendu pour y salüer
Leur Seigneuries, leur dõner la bien-venüe & leur
souhaiter d’vn mesme temps, avec l’heureux cours
de ce nouvel an, vn favorable succez de leurs travaux
sur cette solennelle convocation, en sorte
que du moins il concoure par ses vœux aux salutaires
résolutions qui s’y prendront pour le bien
& repos de cet Estat : qui est considére du Roy son
Maistre depuis leur pacification, comme amy,
voisin & cõjoint avec lui par l’interest mutüel de
l’vne & de l’autre nation, & par les liens du commerce,
dont il a depuis peu renouvellé les conditions
& seurtez avec leurs Députez, ainsi qu’il est
exprimé en termes fort clairs & précis au cõmancement
du Traité, qui assigne cette cause pour la
principale & finale de toutes les conventions Ce
qu’ils ont pû connoistre par la Lettre de Sadite
Majesté du 18 Aoust dernier, & la cordiale amitié
& sincére intelligence qu’elle veut religieusemẽt
garder avec Leurs Seigneuries : Ce qu’il viẽt seulemẽt
pour confirmer en présence de tous les Membres
de chacune Province qui représentent dignement
ou forment parfaitemẽt le Corps entier de
tout leur Estat: Qu’il prend Dieu à tesmoin & pour
Iuge de la purete des intentions du Roy son Maistre,
en ce qui touche l’exacte & ponctüelle observation
de ce qu’il a promis & dont il est convenu avec

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elles: ce qu’elles n’auront pas peine à se
persuader, quelque artifice que l’on apporte de
divers endroits pour leur donner des impressions
contraires à vne vérité si solide & si eclatante, lors
qu’elles considéreront le comportement de son
Maistre, tant en leur endroit depuis la paix faite
qu’envers les autres avec qui l’Espagne a traité :
ne se trouvant dans les histoires aucun exemple
de la rupture de Traitez faits par le Roy son Maistre,
ny par les Roys ses prédécesseurs.

 

Cependant, il se plaint qu’au préjudice de leur
franchise & bonne foy l’on destourne tant par les
écrits qu’autrement, à de mauvaise & faux aspects
la montre de soy tres-agréable de leur conduite,
imputant à dissimulation tout ce qui part du plus
intime mouvement de leur cœur: & qui pis est, on
r’appelle la mémoire des quérelles passées, ramenant
en jeu le funeste objet de toutes les anciennes
calamitez, dont le nom aussi bien que l’effet a deu
estre enseveli dans le tombeau de la guerre & estouffé
dans l’allegresse de la paix: autrement, le
nom d’amnistie, si bien marqué au frontispice du
Temple qu’eux ont dressé de communes mains à
l’honneur de cette grande Déesse demeureroit invtile:
& ce seroit la prophaner au lieu de la revérer,
l’extirper au lieu de la cultiver & la deschirer
au lieu de la caresser ce qui s’accorderoit mal avec
le nom de Chrestien & auec vne reconciliation
volontaire & authorisée d’vn jurement solennel,
y allant de leur commune réputation pour montrer
qu’ils n’ont rien fait à demy ni superficiellement,

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non plus en matiere de paix qu’en matiére
de guerre: & que comme celle-cy a esté forte &
ferme, celle-la le doit estre pareillement: le remede
se trouvant proportionné au mal & la fin correspondante
a son principe: puis qu’il n’y peut avoir
aucune guerre hõneste qui n’ait la paix pour
but & pour fin: sur lequel point il s’arreste, puis
qu’il fait non seulement vne partie mais le tout de
son discours: Sadite Majesté ne lui ayãt enchargé
aucune autre chose quãd il est venu en ces Provinces-la
& ne lui recommandant rien davange par
toutes ses rescriptions que d’appliquer ses soins au
maintien & conservation de la paix: outre l’importance
du sujet en soy qui ne peut iamais estre assez
inculqué ni trop profondement gravé dans l’esprit
& au cœur de ceux à qui l’affaire touche.

 

Qu’il se trouve d’ailleurs excité à s’étendre sur cette
matiére par la favorable rencontre d’vne audiance
si nombreuse & si qualifiée, pour rembarrer
comme en camp ouvert les ataques journalieres
qui se donnent à ce chef-d’œuvre qu’ils ont heureusement
& conioinctement acheuè, par des discours
publics ou particuliers, qui tendent tous à
montrer que la subsistance de cet Estat est la continuation
de la guerre: langage bien different de
celui que de grands Ministres de France ont autrefois
tenu par deçà au nom du Roy maieur, agissant
de son mouvement, des plus intelligent de
leurs interests & desireux des avantages de Leurs
Seigneuries: Lequel mauvais langage renonce au
sens commun, efface le caractere d’humanité &

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establir vne opinion dénaturée, qui n’admet aucuns
limites à l’effusion du sang des Chrestiẽs qu’il
tient continuellement acharnez les vns conte les
autres comme des tygres furieux, des peuples de
mesme nation, humeur & habitude, messez de sang
& d’alliance, sous mesmes climats & foulans vne
mesme terre: Ce qui ne sera pas approuvé de ceux
qui considéreront combien agréable a esté le changement
de la tempeste à la bonace, du danger à la
seurté, de l’inquiétude au repos, & de la persécution
à la charité, ne doutant point que leurs Seigneuries
ne remarquent bien l’intérest que les autheurs de
semblables opinions ont au manïment des armes,
ou que leur passion emporte aux choses qui touchent
son Maistre.

 

Encor que tout ce qui a esté dit cy-dessus ne
ressemble qu’à ces Palais & architectures de Théatre
dont les toiles peintes enchantent les yeux des
spectateurs & leur font trouver ces apparances plus
merveilleuses que les véritables, si est-ce qu’en
considérant de plus prés cet ouvrage on y trouvera
que son Autheur se contredit plusieurs fois, ayant
dés le commancemẽt déclaré qu’il venoit seulemẽt
pour confirmer à cette assamblée des Estats généraux
la bonne volonté de son Maistre & leur donner
la bien venuë à ce nouvel an : & peu apres s’estant
plaint de ce que des escrits du dedans & du
dehors r’apelloyent la mémoire des malheurs &
calamitez passées, il asseure encor que ce point fait
le tout de son discours: qui s’est ensuite diversifié

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d’vne infinité de plaintes contre les escrits publiez,
l’inobservãce de la Chambre mi-partie, celle du réglement
des limites, à quoy il dit se raporter beaucoup
d’autres différans, & contre les Estats mesmes
qu’il dit n’avoir point respondu aux dix-neuf
griefs qu’il leur a dé ivrez il y a 9 mois: ce qui le
convainc de n’avoir donc pas eu seulement à salüer
l’Assamblée & traiter du seul point de la bonne volonté
de son Maistre envers elle comme il avoit
promis dés le commancement, puis qu’il en estale
tant d’autres.

 

Il se plaint notamment d’vne Lettre que le sieur
Boréel leur Ambassadeur aupres du Roy Tres-Chrestien
leur avoit escrite le 30. Novembre dernier, &
qui a esté qubliée au desavantage des droites intentions
dudit Roy d’Espagne, tant en ce qui regarde
la paix qu’il a faite avec elles que celle qui lui reste
à faire avec la France: se purgeant par serment de
ce qu’on lui attribuë avoir dit au sujet de la mort du
Prince d’Orenge, priant au contraire Leurs Seigneuries
de la part de S. M. Catholique d’avoir en particuliere
recommandãtion la personne & les biens
du Prince d’Orenge d’aprésent, tant comme son allié
par le mariage de son défunt Pere avec la Princesse
sa femme, que pource que ce jeune Prince est
le recüeil & l’abrégé d’vne longue suite de tres-illustres
devanciers, dont aucuns ont bien serui leur
Estat, & les autres précedens, les Roys & Princes
Souverains de cet Ambassadeur. Estrange souplesse
Espagnole de loüer ces Seigneurs des maux qu’ils
ont faits à l’Espagne.

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Ce qui nous doit moins estonner de la proposition hardie,
qu’il ne se trouvera aucun exemple de rupture des
Traictez faits par le Roy d’Espagne ni ses predecesseurs,
Nos histoires & les leurs mesmes estans si pleines des invasions
& surprises faites sur nous par eux en pleine
paix, que ce seroit abuser le tapis d’en r’apporter icy
des exemples.

Mais comment s’accordera à ce qu’il dit qu’il n’y a
aucune guerre honneste qui n’ait la paix pour but, que
ceux qui demandent la guerre effacent le caractére
de l’humanité, avec ce qu’il impute à blasme à la
mémoire du feu Prince d’Orenge les dernieres paroles
que ce Prince lui dit avant son voyage de Gueldres,
qu’il estoit permis aux Estats de s’interposer entre la
France & l’Espagne, pour les induire, à la paix, sans que
cette entremise fust vneruptune du Traité fait entre l’Es.
& lesdits, Estats, dequoy il se vante d’avoir empesché ce
Prince: Car si c’est comme il dit, lors qu’il parle des
Espagnols & des Estats, renoncer au sens commun, &
comme des tygres furieux effacer le caractére d’humanité
que de vouloir establir vne opinion si dénaturée
que de n’admettre aucuns limites à l’éfusion du sang
humain, & tenir continuellement a charnez les vns contre
les autres des peuples de mesme nation, & s’il les
conjure par le nom Chrestien & l’exemple des Apostres
qui nous incitent à la paix, comment se pourra-il sauver
empeschant de procurer cette paix entre les François &
Espagnols, qui ne sont d’humeur guéres plus opposée
l’vne a l’autre que les Espagnols aux Flamans, & quand
ils le seroyent ils sont tous Chrestiens? Mais, dit-il, la
condition que ce défunt Prince y apposoint n’estoit pas
raisonnable, voulant accorder aux François vne médiation
armée & qui pust contraindre celuy qui seroit refractaire,
& refusant de se tenir a l’avis d’vn Médiateur,
sous peine de convertir ses armes contre lui: Car ce seroit,

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dit nostre Autheur, vne méditation armée, menaçante &
partiale, & autant que de vouloir ioindre le feu à l’eau,
le iour à la nuit, n’y ayant rien de si contraire à l’entremise
que la menace, qui seroit, ce dit-il, indirectement
s’impliquer dans les quérelles de la France: les arbitres
prudens comme sont les Estats, sçachans bien dir leur
avis sans se rendre, parties, sinon contre ceux qui le
mériteroyent en les offensant. Ce qui est tellement
esloigné de la raison, que celui là ne fit jamais d’accord
que l’on ne craint point d’offenser, mesmes entre les particuliers,
comme il se void dans les arbitrages sans peine,
à laquelle au contraire se sousmettent volontiers ceux
qui veulent sortir d’aiffaires.

 

Les mesmes conséquences qu’il tire de l’agréable changement
d’vne tempeste à la bonace, du danger a la seurté,
de l’inquiétude au repors, setrovant toutes patei la po
pagne avec la France, qu’en celle dont elle peut iouir
avec les Estats: d’où s’ensuit qu’elle a donc grand tort de
s’opposer à ceux qui la lui peuvent moyenner, & plus
encor de la reietter.

C’est au sieur Boréel à défendre sa Lette, & on lui feroit
tort de prévenir sa capacité en vne matiére de son fait :
Mais cet Autheur a mauvaise mémoire de vouloir douter
de la sincérité Françoise aux souhaits qu’elle fait pour
la prospérité des Estats ses anciens Alliez qu’elle a puissamment
soustenus par tant d’années ayant à peine fini
sa période par laquelle il ne peut souffrir qu’on sonn de
dissimulation, les protestations nouvelles d’vne nation
qui les a poursuivis pres d’vn siecle à feu & à sang, & qui
ne leur a iamais donné de relasche que par l’entremise
armée de Henry le Grand: dans les sentimens duquel le
Conseil de nostre jeune Monarque se trouvant, a quel
propos nous reproche t’il ce peu qui lui reste de minorité?
montrant bien au reste qu’il manque d’autres raisons, puis
qu’il les contraint d’en chercher chez nos Pirates. Vn Roy
d’Espagne en ce temps là moribond & non la facilité des
Espagnols fut cause de la paix de Vervins: Et tant s’en faut

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provisions ceux qui nient qu’on puisse traiter seurement
avec l’Espagne, que cet Autheur se plaint que
nous les y provoquons tous les jours, tendans depuis
vn si long-temps, pour vser de ses mots, invtilement
les bras de vers le port: Dequoy, pour parler à sa mode,
nous ne demeurons pas seulement d’accord, mais nous
en demanderions volontiers vn acte de notorieté par
tout le monde, afin de conuaincre par là leur chicane;
qu’on eust pû appuyer en vn autre siecle de ce
qu’il dit qu’ils se sont rendus les premiers au lieu conuenu
pour la paix en vn temps où il n’y auoit encor
rien à faire: Ils y deuoient adiouster qu’ils en sont sortis
les premiers & non les derniers comme ils s’en
vantent.

 

Les feintes n’agueres passées à Cambray & continüées
par la Lette de l’Archiduc Leopold à S. A. R.
n’ont serui qu’à y descouurir dauantage leur mauuaise
intention à la Paix: & quand cet Orateur dit qu’ils
en auoyent eu la volonté, la France luy respond que
pour le faire croire il faudroit l’auoir encor, puis
qu’il dit peu auparauant, ce sont encor aujourd’hy
les mesmes hommes: & comme l’on disoit à celuy
qui se vantoit d’auoir fait vn si grand saut à Rhodes,
Voilà Rodes’ fais nous y le salut, pour te faire croire.

Quant à ce qu’il trouue estrange que la guerre auec
l’Espagne soit plus-vtile aux Estats que leur Paix, il
ne faut qu’en consulter les Naturalistes, qui leur diront
que les choses se maintiennent par celles qui
les ont produites, & y ioindre que la naissance & le
berbeau des Estats a esté la guerre.

Pour la fin, ie ne m’estonne pas si cet Ambassadeur
penétre si hardiment dans le desseins qu’a la France
de ne desirer l’interposition des Estats, que pour tirer
de nouuelles contributions de ses peuples, comme
si leur entremise estoit de l’argent contant. Car il
doit auoir des lumieres bien particulieres du Cabinet,
puis qu’il dit que ie suis pensionnaire du Cardinal
Mazarin, qui est vne nouuelle si secrete qu’y ayant interest

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ie n’en ay iamais rien sceu. Mais ayant esté depoüillé
depuis son Gouuernemẽt de tous les bienfaits
que i’auois receus du Roy defunt, c’est vn signe certain
que ie ne suis pas son referendaire comme il dit ;
mes relations ne s’estans pas plus addressées à luy qu’à
toute la terre. Non que ie tinsse à blasme de receuoir,
comme font plusieurs autres ici & ailleurs, quelque
recompense des seruices que ie tasche de tendre à
mon Roy, par l’organe de ses Ministres, mais eu ne
m’en ayans pas trouué digne, si d’autres m’on cre
meriter quelque chose de mon Maistre & du public
depuis vingt ans, mes mains vuides au lieu d’en diminüer
le prix feront possible vn iour dire de moy,
que la recompense ne m’a point fait agir dans mon
petit employ ny son defaut l’abandonner: e seul fruit
qui m’en reste estant le faux bruit que ces penibles
occupations m’ont acquis dans la pluspar des esprits,
d’vne richesse qu’ils ont mesurée à leur aulne, qui m’a
vray-semblablement diuerti les canaux des liberalitez
de la Cour: Digression à la quelle m’a obligé l’enuie
que m’a voulu procurer cet Ambassadeur par des
pensions imaginaires.

 

Le glorieux retour à Paris des Princes de Condé, de
Conty & du Duc de Longueuille.

L’Onziéme de ce mois, le sieur de Gillier Maistre
d’Hostel du Roy, porta l’ordre de Sa Majesté
au sieur de Saignon qui commande au Chasteau de
V[illisible]ennes, pour mettre en liberté, comme il fit à
l’instant, le sieur Perrault President en la Chambre
des Comptes de cette ville & Intendant de la maison
du Prince de Condé, arresté prisonnier le mesme
jour que ce Prince : au suiet de laquelle liberté, cette
Chambre auoit fait quelque iours auparauant des
remontrances à leurs Maiestez, par la bouche de son
premier President.

Le 15. Monseigneur le Duc d’Orleans vint voir
leur Maiestez, qui luy donnerent des tesmoignages
de leur affection.

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Leursdites Maiestez ayans esté bien informées de
innocence des Princes de Condé & de Conty &
du Duc de Longueville, enuoyerent leurs ordres au
sieur de Bar qui les auoit en garde, de les mettre en
liberté : ce qu’ayant fait le 13. de ce mois, ces Princes
partirent le mesme iour du Havre de Grace, allerent
à Grosmenil, le lendemain à Rouen où ils furent receus
auec de grands tesmoignages d’allegresse, le
quinziéme arriuerent â Escouy & le 16. en cette ville.

Comme lors que ie receus l’ordre expres de vous
faire sçauoir la detention de ces Princes ie vous en
tesmoignay mon regret, ie ne puis vous traire auiourd’huy
ma ioye de leur deliurance. Il leur a bien esté
glorieux que nostre Parlementait ordonné par plusieurs
de ses Arrests que Leurs Maiestez seroient tres-humblement
suppliées, comme elles l’ont esté de leur
part, de faire expedier tous les ordres necessaires pour
leur elargissement, & depuis remerciées de leurs fauorables
responses: mais la gayeté & reioüissance publique
auec laquelle ils ont esté receus redouble grandment
cette gloire, & reng nos esprits autant rauis que
nos cœurs épanoüis d’aise de voir cet inopiné changement
& que ce qui eust esté pris pour vn songe. Il y a
peu de iours, soit auiourd’hui vne histoire.

Cette délivrance arriua le 13. de ce mois au Havre
de Grace : d’où ces Princes s’estans ici acheminez arriuerent
le 16. ensuiuant à la mesme heure, à sçauoir
sur les 4. à 5 heures du soir, 13. mois moins deux iours
apres qu’ils en avoyent esté emmenez.

Monseigneur le Duc d’Orleans, qui estoit allé le
iour precedant voir Sa Maiesté au Palais Cardinal :
continuant les soins dont Son Altesse Royalle auoit
procuré cet eslargissement tant desiré, les estant allé
rencontrer en la plaine de Saint Denys, ils mirent
tous pied à terre, & s’estans fort estroittement embrassez
par plusieurs fois. Sadite Altesse Royalle voulut
honorer cette entree de sa presence, & les ayant
fait monter en son carrosse, où estoient aussi le Duc

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de Beaufort & l’Archeuesque de Corinthe Coadiuteur
de cet Archeuesché. S. A. R. & ces Princes allerent
descendre au Palais Cardinal: ou ils saluerent
Leurs Maiestez, accompagnées de Monsieur, Frere
vnique du Roy, de Madame la Duchesse d’Orleans,
de Mademoiselle, de tous les Princes, Princesses &
Grands du Royaume, qui se trouuoient en cette ville,
du Garde des Seaux de France, des Ministres &
Secretaires d’Estat & de toute la Cour, & les Princes
deliurez ayans fait leurs complimens au Roy & à la
Reyne, qui leur tesmoignérent la ioye qu’elles receuoyent
de les voir: S. A, R. les mena de la souper chez
elle.

 

Tout ce Palais Cardinal, comme la rue S. Honoré
& les autres par où ils ont passé, faisoient retentir
l’air d’acclamations en l’honneur du Roy & pour la
prosperité de ces princes pouuans à peine suffire à la
foule du peuple, & à la caualerie qui estoit allée au
deuant d’eux & au grand cortege des carosses qui les
suiuoient.

De sorte qu’on pouuoit lors mieux dire de la ville
de Paris qu’autrefois de Rome, qu’elle sembloit estre
sortie hors d’elle-mesme pour aller au deuant du Pere
de l’eloquence retournant de son exil, que ces
princes ne nous auoyent esté cachez sinon pour paroistre
dauantage, & que leur absence n’auoit serui
qu’â les faire plus aymer & desirer de tout le monde:
la soirée & vne grande partie de la nuit s’estant passees
en bonne chere, feux de ioye & agreables entretiees
de la constance de ces Princes, chacun concluant
qu’il appartient à vne mesme force d’affronter
courageusement les ennemis rangez en bataille &
supporter constamment, comme ils ont fait l’horreur
& l’ennuy d’vne prison.

A Paris, du Bureau d’Adresse, aux Gallerie du Louure, deuãt
la rue S. Thomas, le 17. Feurier, 1651, Avec Priuilege.

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