Anonyme [1652], LE GRAND COMBAT DV PARLEMENT, ET DV CONSEIL DV ROY, Proposez par le Cardinal de Retz, à son Altesse Royale, sur le retour du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1506. Cote locale : B_10_15.
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LE GRAND COMBAT DV PARLEMENT,
& du Conseil du Roy, proposez par le Cardinal
de Retz à son Altesse Royalle, sur le retour du
Cardinal Mazarin.

LA grandeur des Estats ne s’estant iamais maintenuë
que par la Iustice, a cause de la proportion
qu’elle donne à chaque chose selon son rang
& sa dignité qui est le seul point du Gouuernement.
Le Parlement de Paris a aussi esté estably parles trois
Estats du Royaume, pour trouuer ce temperamment
à nostre Monarchie, qui sans cela neust pas peu conseruer
iusques à present son esclat & sa splendeur.
Mais comme dans vn grand corps le sang qui est le
principe de la vie ne se répand pas également par
tout, il a fallu aussi par la suitte des temps multiplier
ce remede, & faire d’autres Parlements en plusieurs
endroits du Royaume affin que toutes les parties se
trouuans fortifiées de cette authorité legitime, elle
seruit de Remparts à l’authorité Royalle & à la manutention
de l’Estat. Les Roys eux mesme, n’ont
pas mieux creu assurer leurs Conquestes qu’en y

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establissant ces grandes Compagnies, comme les
Ostages de leurs affections, & les Sacrees Depositaires
de leur repos, & de leur salut. Tant que cet ordre
a duré, & qu’il a esté inuiolable l’on n’a iamais
veu que d’heureux succez, c’estoit autant de lumieres
qui se reflechissoient sur la Maiesté Royalle comme
les Rayons sur le corps du Soleil, & qui la faisoient
paroistre auec plus d’esclat : mais depuis qu’on
s’est dispencé de cette belle Police, & que par vne
illusion dans la Politique, l’on a voulu faire tout
passer de puissance absoluë, c’est pour lors que les
Rois se sont ruinés eux mesme, parce qu’ils ont osté
ce temperamment, & cette chaisne qui les vnissoit
auec leurs Peuples, & qui conseruoit l’amour des vns
& la soumission des autres. Ce desordre public n’a
point dautre principe que l’ambition des Ministres
& des Fauoris, ausquels nos Princes ayant abandonné
la conduitte de leurs Estats, & toute leur auctorité,
ils ont tres mal vsé d’vn pouuoir qui ne leur
appartenoit pas.

 

C’est vne chose estrange, que parmy le mal heur
public, il se trouue encore des ennemis si coniurez,
contre la tranquillité des hommes, que leur plus grandeioye
soit la douleur des particuliers, des monstres
qui voyant souspirer la France, voudroient voir mourir
les Parlement & les Generaux qui les secondent,

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sous l’autorité de Son Altesse Royalle la nature nous
force de faire de nous mesmes, tout ce que nous pouuons
pour nostre salut : en ces derniers temps, il est
arriué à cét Estat, vne maladie bien violente, &
bien dangereuse, dont les Medecins ne connoissent
pas la douleur, ou du moin ne veulent pas la guerir.
Il y a long temps qu’ils entendent la clameur du pauure
peuple oppressé, il y a long temps qu’ils ont veu
cét Estat à la mercy de son infortune : Car puis que
c’est le Parlement qui fait le genereux dessein d’vne si
grande & si necessaire Cure, cét Illustre Parlement :
ce Senat representant le Monarque, & les Suiets de ce
Royaume, ayant l’autorité de l’vn dans les mains, &
pratiquant l’obeïssance des autres, on ne peut pas
douter qu’il ne soit l’Estat tout entier, puis qu’il n’vse
pas moint de l’autorité du Prince. Vn nouueau Cardinal
de Retz, venu tout en vne nuict, n’a pas sitostarriué,
qu’il a voulu briguer par ses ruses ordinaires, dans
le Conseil de Son Altesse, que le Cardinal Mazarin
se retiroit à Pignerol, & que la Reine se retiroit du
Conseil, pour sonder l’esprit de ce Prince, par vne
complaisance in digne & ridicule de flaterie du Cardinal
Mazarin. Le Parlement n’a pas esté exempt de
ses flateries ordinaires, puis qu’il a voulu abbatre leur
courage. Mais il n’a pas rencontré dans ces tuteurs
de nos Roys, des Iudas qui vendent leur Maistre.

 

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Ces raisons proposez au Parlement firent iuger
que c’estoit à eux seuls d’entreprendre vne vengeance
publique, & non pas à l’attendre d’vne resolution
particuliere : le Parlement fut donc sage & courageux
au delà de ce que on peut dire, sa iuste resolution
fut toute merueillieuse, qu’il fit voir en ce fameux rencontre
qui le doit rendre admirable à tout l’Vniuers,
cette prudence auec laquelle il découurit les laches
pensées de ce Cardinal, il n’a pas trouué en l’Escriture
Sainte, au chapitre douziéme de la premiere
Epistre aux Corinthiens, ou il est démontré que Dieu
qui anime l’Eglise par son S. Esprit, il le distribuë non
seulement au chef, mais encore aux moindres membres :
le Parlement découurant les propositions extrauagantes,
fut resolu de luy dire qu’il estoit hors
de saison, & que c’estoit son Chappeau qui le faisoit
parler il veut par son addresse inuiter ce proscrit
de Mazarin qui s’est esleué iusque au trosne, qui
a remply le Royaume de plusieurs armées pour r’entrer
dans la fortune, que par sa tirannie l’on auoit
banny, qui du depuis a tousiours premedité vne vengeance,
contre le Parlement, & les peuples donnant
Conseil au Roy & à la Reine, qu’il faut tout perdre
pour se rendre absolu, quand il deuroit demeurer
seul dans le Royaume, pour maintenir son authorité ;
Le Cardinal Mazarin voyant la resolution que les

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Princes, & les Parlements n’auoient point retardé leur
glorieux dessein, & que cette Compagnie auoit resolu
de guarentir le peuple de tant d’oppressions, se
seroit fait declarer Generalissime des armées du Roy.

 

Ce n’est pas d’auiourd’huy que le Parlement a maintenu
le seruice du Prince, & la grandeur de l’Estat :
l’on sçait combien de fois il a soustenu la Couronne,
chancelante sans en tirer d’autre aduantage que la
gloire de l’auoir fait, & que dans cette occasion mesme
il n’y a que l’interest public qui l’a engagé, il
seroit inutile de rechercher des exemples de cette verité
dans les siecle passé, il ne faut que faire vn petit
retour sur nous mesmes pour descouurir le Couronnement
de la tirannie, & comme l’on a rauagé tout
le Royaume, & fait changer de nom, & de titre aux
François, tant ialoux de leur liberté.

FIN.

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