Anonyme [1649], LE GRAND POËTE BVRLESQVE DE L’ESCOLE D’ASNIERE. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1512. Cote locale : C_8_30.
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LE GRAND
POËTE
BVRLESQVE
DE L’ESCOLE
D’ASNIERE.

EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS,
Chez SEBASTIEN MARTIN, ruë S. Iean de Latran,
prés le College Royal.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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LE GRAND POETE BVRLESQVE
de l’Escole d’Asniere.

 


Voicy ce grand Poëte Burlesque,
Qui ne fit iamais rien de bien,
Comme ce Peintre ne fit rien
Que d’enjoliuer des Moresques :
L’on dit, qu’il est aussi nouueau,
Que fut Adam son premier pere,
Et qu’il fut conceu de sa mere
Dedans le fonds d’vn tonneau.
Il nasquit dans vne grange,
Parmy les rats & les souris,
C’est pour cela qu’auec du ris,
Il fait cuire les poulles & les mange.
Dés son bas âge on s’apperceut,
Qu’il auoit dessein de l’estude,
Et que possé d’inquietude,
Bon-gré, mal-gré, son pere, il eut,
De vieux Rabins, de vieux Grimoires,
Desquels il apprenoit à boire.
Des liures qui parlent du vin,
Des manuscrits du sieur Boiuin,
Des traittez du sieur de la Serre,
Des bons vins qui croissent à Nanterre,
De Pandoreille, de sainct Cloud,
D’Argentüeil, de Torfou ;

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D’Andresi, de Vaux, de Ponthoise
Des vins qui sentent la framboise :
Des vins d’Aï, & de Chaalons,
De tous les Vignobles Gascons :
De Condrieux, de Bar-sur-seine,
Et de toutes les autres plaines,
Où la diuinité de Bacchus
Se fait adorer des yurognes
Qui ont des yeux, & rouges trognes
Peintes de la couleur du jus.
On le mist au bourg d’Asniere
Chez vn Curé, fort ignorant,
Qui de Latin n’en sçauoit guere,
Mais entendoit bien l’Alcoran.
Il prit si grand soin de l’instruire,
Afin de le rendre sçauant.
Qu’en dix ans il apprit à luire,
Et si on ne sçait pas comment.
Ce vieux Curé d’vne coquille,
Luy faisoit faire vn bon repas,
Et le diuertissant aux quilles,
Ne luy parloit que du trespas.
Ses meubles estoient quelques burettes ;
Quelque chaudron quelques allumettes,
Vn vieux bonnet, vn vieux chapeau,
Qui luy seruoit de couuerceau,
Quand il failloit faire la lesciue,
Où qu’en cas de necessité
Il fallut chasser aux griues
Pour esquiuer mendicité.
Vn iour qu’ils alloient à la chasse
Vn grand lievre se presenta
Et de boire du vin les tenta
Qu’il portoit dans vne tasse.
Il l’auoit pris dans vn Vignoble

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Qui va de sainct Oën à Meudon
A deux lieux proche de Grenoble
Sur le clocher de Gaillardon.
Ils le prierent auec instance,
Qu’il voulut venir au logis,
Qu’on luy donneroit la pitance,
Composée doignons & de lis.
Le lievre aussi rusé que fin,
Iugea fort bien dedans leur mine,
Du pauure estat de leur cuisine,
Où iamais on ne voit de pain.
Alors, ce dit-il, en luy-mesme,
Ie vois dés là que ie suis pris,
Et que dans mon malheur extrême
Il me faut vouër à sainct Prix.
Ainsi se doutant de l’affaire,
Il monte à cheual promptement,
Et d’vn coup d’espron seulement,
Sauta tout droit iusques à la Fere.
Où tout joyeux d’estre eschappé,
Il se mist du lict à la table,
Et son roussin dedans l’estable,
En attendant l’heure du soupé.
L’escolier qui voit que son maistre
N’est ny docte, ny chasseur,
Proteste qu’il voudroit bien estre
A la maison d’vn cheuaucheur.
Où la femme demandant à rire,
Et cherchant à passer le temps,
Luy fera des lettres escrire,
Ou les poulets, pour de l’argent :
Il vient demeurer à Paris
Bien empesché de sa personne,
Où Ieanneton d’abord luy donne
Vne chambre dans son logis.

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Ce fut le iour de la fortune,
De nostre Poëte incommodé,
Car, la plus belle l’importune,
Et veut qu’il soit accommodé.
Il luy fait des vers en Burlesques,
Il luy d’escrit mille grotesques,
Il la nomme diuinité ;
Il ne publie que ses loüanges,
Il ne l’appelle que son Ange,
Et vn miracle de beauté.
La belle qui se pique de gloire
A pour luy de l’inclination,
Et croit emporter la victoire
En tesmoignant sa passion.
Elle luy descouure sa pensée,
Ses amours, & ses sentimens,
Et croit qu’elle en sera bercée,
Le lendemain des Innocens.
Ainsi nostre Poëte s’auance
En faisant reculer Thoinon
Et Thoinon par sa nonchalance,
Tombe en arrierre sur le talon.
Ieanneton donc, & le Poëte,
Mettent tous deux dedans la boëte,
Tous deux amassent des moyens
Des richesses, de grands biens,
Mais, le grand peur que la fortune
Qui balance leurs conditions,
N’en enuoye vn dessus Neptune
Et l’autre aux petites Maisons.

 

FIN.

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