Anonyme [1649], LE LYS FLEVRISSANT CVLTIVE PAR LA PAIX. , français, latinRéférence RIM : M0_2337. Cote locale : A_5_22.
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LE LYS
FLEVRISSANT
CVLTIVE
PAR LA
PAIX.

A PARIS,
Chez la Vefue IEAN REMY, ruë sainct Iacques,
à l’Image S. Remy, prés le College du Plessis.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LE LYS FLEVRISSANT
cultiué par la Paix.

LES Naturalistes ont remarqué qu’il
se trouue de secrettes antipathies entre
les Plantes ; qu’on ne peut oster à
la Vigne l’auersion qu’elle a pour le
Chous, & qu’il est impossible de reconcilier
l’Oliue, qui est pour ainsi dire,
d’vne humeur si douce auec les Concombres.
Mais pour moy, ie pense que les fleurs de Lys croissent
auec plaisir à l’ombre des Oliuiers, & que c’est là
qu’ils conseruent la viue fraicheur de leur teint, &
que leur odeur s’en rend plus agreable. Ie veux dire
que c’est par la Paix, pour qui nous auons fait tant de
vœux que nostre Empire doit reprendre & sa premiere
vigueur, & son premier éclat. Auoüons que si la
France sçauoit reconnoistre ses forces, & si elle sçauoit
combien elle est redoutable à ses voisins, elle
pourroit estendre tous les iours ses bornes, & ioindre
de nouuelles conquestes aux anciennes. Souuenons-nous,
que nous sommes les premiers d’entre tous les
peuples qui ont mis en deroute les legions Romaines ;
qui ont rauagé le Capitole ; qui ont apris aux autres
nations à secoüer le ioug de la domination Romaine,

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& qui ont donné de la peur à leurs Aigles. Ie
pourrois dire auec le Prince des Orateurs, que par vn
secret de la Prouidence l’Italie auoit esté entourée de
hautes montagnes, comme d’autant de remparts
pour en deffendre l’entrée aux François, & il adiouste
que ce peuple n’eust pû souffrir que Rome eust esté la
maistresse de l’Vniuers. Comme il est vray de dire que
les Grecs emportoient le prix de l’eloquence, & de
tous les beaux arts sur l’Italie, il n’est pas moins vray
de dire que les Gaulois auoient l’auantage sur eux au
faict de la guerre. Toutefois comme c’est vn eloge
qui leur est donné par les anciens Annalistes, ie ne
m’arresteray pas plus long-temps en cette matiere,
en laquelle ie pourrois estre suspect. Il faut que tout
le monde confeffe auecque moy, que la France qui
pourroit par vne estroite vnion de ses forces subiuguer
toute la terre, & renuerser les mosquées, se laisse
vaincre au dedans par des tumultes, & des reuoltes.
Mais éloignons à present les images lugubres de nos
maux passez ; chassons ce qui pourroit troubler nos
festes ; que le son des trompettes soit vn signe de joye,
& non de combat, en vn mot ne parlons plus que de
toy ô chere Paix, si long-temps, & si feruemment demandée
& maintenant obtenuë. Enfin la colere de
de Dieu est flechie, nos prieres ont detourné ses foudres,
& le cours des torrens qui sembloient deuoir
faire vn deluge vniuersel par toute la France. C’est
ainsi qu’on vid autrefois l’Arne sortir de sa couche
pour noyer vne grande partie de la superbe ville de

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Florence. Et certes ie pourrois dire en cette rencontre
aux Citoyens de Paris, ce que dit aux Florentins
en cette conioncture, vn bon Anacorette, que
Dieu auoit tiré du tresor de sa toute puissance des
vents pluuieux pour detruire leur vanitez, & la scandaleuse
prostitution des femmes, de qui toutes les
actions estoient comme autant de bouches qui parloient
de leurs honteuses deprauations. Ce mesme
Souuerain s’est seruy de peuples estrangers, & barbares
comme d’autant de fleaux pour se vanger. ô
Paix que ton retour est agreable vous le sçauez peuples
de la campagne.

 

Chez qui Mars en fureur a fait tant de rauages.
Vous le sçauez ô mes Citoyens par le peu de commerce
que vous auez fait durant ces mouuemens derniers :
vous le sçauez doctes par le peu de commerce
que vous auez eu dans vn temps de meurtres, de vols,
& de sacrileges, auec les belles Muses que vous auez
accoustumé de caresser durant la paix. Enfin cette
belle Nymphe retourne icy parée de ses plus beaux
atours ; Acourez peuples pour la receuoir ; benissez
ceux qui vous la ramenent ; Rendez graces à Dieu, &
à vostre Roy ; chantez des cantiques en l’honneur de
tous ces braues Heros qui vous ont secourus ; Loüez
hautement ces Atletes, & ces graues Senateurs que
leur probité doit rendre venerables, & à qui on peut
donner auec iustice le titre de Peres de la Patrie. Oüy
peuples benissez tous ces illustres, & vous sçauans
n’employez plus desormais vos plumes que pour leur

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tracer des panegiriques ; vous peintres, & vous Sculpteurs
occupez vos couleurs, & vos cizeaux, vostre
toille & vostre cuiure pour ces Princes genereux.
Vous Poëtes de qui la plume a lancé mille traicts satiriques
en ces conionctures funestes changez vos
calomnies en eloges, inuoquez toutes vos Muses
pour chanter en l’honneur de ces vaillans Cesards.
Quant à moy, ie ne me lasseray iamais de temoigner
par ma prose, & par mes vers l’estime que ie fais d’eux,
& leur ayant consacré toutes mes affections, ie veux
ioindre tous les iours de nouuelles marques de mon
zele, à celles que i’ay des-ja publiées. Eleuez des arcs
de triomphe à vostre Prince, & croyez que son regne
ne sera pas moins heureux que celuy de Numa Pompilius
chez qui le Temple de la guerre fut fermé durant
l’espace de plus de quarante-deux années. Paris
ton vaisseau ne sera plus batu par la tempeste, & l’on
peut dire que l’orage l’a ietté auiourd’huy dedans le
port. France il est temps de poser les armes, & si tu
les reprens que ce ne soit plus que contre les ennemis
de dehors. Apprend par les maux que tu as soufferts
durant le tumulte, qu’il n’y a rien de plus pernicieux
en vne Cité que la diuision, & que le plus meschant
citoyen est celuy qui desire la guerre ciuile. C’est
ce que l’amour que i’ay pour toy m’oblige de te dire :
ie le crie donc encore vn coup à haute voix, ô ma
chere Patrie, afin que toutes tes Prouinces l’entendent,
tend les bras, & ne souffre plus qu’elle s’absente
de chez toy, puis cét esloignement seroit le plus

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grãd de tes malheurs. Frãce rend mille actions de grace
à tes Anges Tutelaires, & souuiens toy que tu n’as
point de Heros dont la valeur ne soit égalle à celle des
anciens triomphateurs. Les Hydres (s’il s’en trouue)
seront étoufées par les bras de tes Hercules, & tu
peux reposer en paix à l’ombre de leurs Palmes.

 

Cumvictor arma posuit, & victũ, decet
Deponere odia.

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