LE MANIFESTE DE LA NOBLESE
de Normandie par lequel elle declare
reconnoitre son Altesse Royalle pour
Lieutenant General pour le Roy & se
joint aux Princes Et aux Parlements
Pour mettre en execution les declarations
& Arrest donnez contre le Cardinal
Mazarin.

Parmi les desordres de l’Estat la Diuine
bonté nous ayant conserué son Altesse
Royalle pour restablir le bon-heur & la
gloire de la France, & sa dite A. R. aiant voulu
accepter la charge de Lieutenant General dãs
toute l’estandue de ce Royaume & nous l’ayant
signifié par sa lettre Circulaire nous auons voulut
tesmoigner auec le respect & la soumission
qui sont deux à la naissance, au merite & la dinité
d’vn si grand Prince, que nous le reconnoissons

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en cette qualité de Lieutenant General
& en nous jettant à ses pieds nous protestons
estre resolus & tous prests pour receuoir
l’honneur de ses commandemens.

 

Les Priuileges, Franchises & libertez dont
nous jouïssons par dessus les autres subjects du
Royaume nous portent tous en General & en
particulier à seconder auec d’autant plus de zele
& de courage ses glorieux desseins, d’executer
de point en point la Declaration du Roy, & les
Arrests de ses Parlements donnez contre le
C. Mazarin que nostre sang & nos vies sont
deuouées au public par nostre naissance & par
nostre profession.

Outre cette obligation generale qui nous est
commune auec toute le corps de la Noblesse,
nous en auons encore vne tres perriculiere qui
nous attaché tellement aux interests du Gouuerneur
de nostre Prouince le Magnanime
Duc de Longue ville, que nous deuons estre
des premiers à combatre soubs sa valeureuse
conduite l’ennemy de l’Estat, le perturbateur
du repos public & le detenteur de la personne
sacrée de nostre Monarque.

C’est vne verité connuë que les Ennemis des
Princes doiuent estre considerez comme les
Ennemis de l’Estat, personne ne peust les persecuter

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qui ne s’en prenne contre le Roy &
quand il s’agit des interest des Princes & de
ceux d’vn Estranger hors mis d’estre priué de
sens commun, on preferera les premiers à ceux
des autres ayant consideré que le C. Mazarin a
vsurpé la mesme authorité & s’est restably dans
son Ministere apres auoir esté declaré Criminel
par le Roy mesme & condamné de l’aduis des
Princes par tous les Parlements, nous auons
rendu graces à Dieu protecteur de cette Monarchie
d’auoir inspiré son A. R. d’accepter la
Lieutenance Generale qui luy a esté offerte
par le plus Auguste Senat de la terre. La Iustice
de ses armes nous oblige de joindre les nostres
& d’vn commun consentement exposer ce
que nous auons de forces pour les faire prosperer
à sa gloire.

 

La Guerre qu’on a declaré au C. Mazarin est
pieuse, & puis qu’il s’agist de la posession de
nostre Souuerain Monarque laquelle nostre
malheur commun nous fait disputer à cet
Estranger, il est certain que sa Majesté prendra
cette querelle comme tres aduantageuse pour
luy quand mesme elle auroit dessein de ne se
point declarer pour nous.

Aussi le Ciel s’est manifestement declaré

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pour le party le plus iuste. Et comme Dieu est
le protecteur des Roys & l’ennemy des Tyrans
aussi a il desja tesmoigné qu’il combartoit pour
les Princes, leur ayant donné nonobstant le
nombre des ennemis & l’aduantage des lieux,
des grandes & signalées Victoires.

 

Nous ne voulons point alleguer en ce Manifeste
d’autres raisons pour iustifier nos armes
que l’innocence de son A. R. la generosité des
Princes, la Iustice des Parlements & les vœux
de toute la France qui souspire apres l’esloignement
du C. Mazarin. Quand nous n’aurions
d’autres motifs pour aller combattre l’ennemy
de tous les bons François que pour suiure les
Ordres de son A. R qui veut comme vn autre
Persée deliurer Andromede du Monstre Marin,
c’est à dire briser les chaisnes de la pauure
France, laquelle est despuis tant d’années attachée
à des Rochers exposée à la rage d’vne infinité
de monstres de Partisans nourris de sang
& de carnage, cela seroit assez puissant pour
animer nos courages à seconder ce Heros dans
vne si belle entreprise. On a veu aurres sois
quand quelque Païs estoit infesté de quelque
Monstre, accourir de toutes parts les plus belliqueux
pour se signaler en le combattant, n’estant

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point de moyen plus asseuré pour acquerir
de l’honneur & meriter des Autels que d’exposer
sa vie pour les exterminer ou d’auoir
part à leur defaite.

 

Son A. R. a le premier attaqué le C. Mazarin
dans ses plus grandes forces Messieurs les Princes
de Condé, Duc de Beaufort, & le Parlement
l’ont poursuiuy & maintenant toute la
France va joindre ses armes pour se defaire de
ce Monstre. La Paix qui est si necessaire à cet
estat ne peust estre esperée tandis que nous aurons
au milieu de nous ce funeste flambleau de
la guerre.

Nous pouuons icy apporter l’interest & le
consentement de toute la France pour joindre
nos armes à celles des Princes, afin de terminer
cette Guerre qui doit faire vn continuel embrasement
de tout le Royaume.

Mais outre ces raisons nous pouuons adjouter
la necessité qui nous oblige de deffendre
nostre Prouince. C’est elle qui a plus souffert
de la Tyrannie des Ministres, c’est elle qu’on
a plus sollicitée de prendre le party Mazarin
& qui mesme se trouue contrainte de seruir de
retraite au Tyran Mazarin lequel a voulu establir
vn Nouueau Parlement dans vne de nos

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Villes. Mais nous protestons de prendre les
Armes pour executer les Commandements
de son A. R. pour retirer la personne du Roy
d’entre les mains du C. Mazarin pour executer
les Declarations & Arrests contre le C. Mazarin
& pour procurer la tranquillité à tout le
Royaume.

 

Ce Manifeste a esté apporté par Monsieur le
Baron de Chamboy, & prononcé deuant son A.
R. & Monsieur le Prince le 12. du courant & ensuitte
ce Baron a presenté de la part de Monsieur le
Duc de Longue-ville, à Monsieur le Prince son
beau-frere, vn Cheual gris Pommelé estimé cent
Pistoles.

FIN.