Anonyme [1652 [?]], LE MANIFESTE DE MONSEIGNEVR LE DVC DE GVISE. Touchant les particularitez de son emprisonnement, & les raisons de sa ionction auec Monsieur le Prince. , françaisRéférence RIM : M0_2369. Cote locale : B_8_39.
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LE
MANIFESTE
DE MONSEIGNEVR
LE DVC
DE
GVISE.

Touchant les particularitez de son emprisonnement,
& les raisons de sa ionction
auec Monsieur le Prince.

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LE
MANIFESTE
DE
M. LE DVC
DE
GVISE.

Pour instruire le public du suiet de sa ionction auec
Monsieur le Prince.

TOVTE l’Europe, qui sçauoit la promptitude
auec laquelle i’auois reçeu les ordres de sa
Majesté Regẽte, pour voler au secours des Napolitains ;
ne doutoit point que leur Couronne ne fut en
estat d’acheuer au plutost la Tiare des Roys de
France & de Nauarre ; & que le ioug d’Espagne
n’eut enfin lassé la patience de ces Peuples, pour les
obliger de tanter le restablissement de leur liberté
sous la puissance de ceux, qui les auoient autrefois
gouuernés auec tant de douceur. En effet les grandes
dispositions du retour des Napolitains sous l’authorité
des Lys, fondoit si probablement le soupçon
de la decadence du pouuoir d’Espagne dans ce
beau Royaume vsurpé par sa tyrannie, qu’on n’estoit

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plus en impatience, que d’y voir terminer son
empire, pat vne main basse generalle de tous ceux
qui s’efforçoient encor de l’y maintenir, & de voir
donner enfin le coup de grace à cette fierté naturelle,
qu’ils ne laissoient pas de faire encor éclater
auec autant de faste, que si les dernieres conclusions
de leur estat, n’eussent point monstré qu’il estoit
reduit aux abois.

 

Cette agonie d’Espagne pratiquée par la politique
du Cardinal de Richelieu, aussi bien que les
Schismes de Portugal & de Catalogne, n’eut pas
manqué de reussir à vn dernier desastre, si le Mazarin,
qui n’a iamais regardé nos aduantages qu’auec
desespoir, se rencontrant iniustement pourueu
de la charge de premier Ministre d’Estat, ne se
fut resolu, de r’asseurer cette Couronne sur la teste
de son Prince naturel, par vne trahison d’autant
plus horrible, que plus il estoit obligé, pour recompenser
la faueur de France ; de la reconnoistre
du moins par la fidelité de ses seruices.

Quoy qu’il en soit, il ne se seruit de ces belles
aparences de nostre agrandissement, que pour en
faire les derniers escueils de la fortune de ceux qui
luy pesoient sur les bras, & pour y faire perir auec la
iustice de nos esperances, la plus belle eslite des
grands que sa ialousie luy faisoit regarder, comme
les eternels obstacles de son ambition, sans autre
dessein cepẽdant que de laisser égorger tout à loisir
ces pauures Peuples, pendant qu’ils ne seroient
occupés qu’à nous tendre les bras, pour nous appeller
à leur secours, & à nous soumettre leurs testes,
pour receuoir l’honneur de nostre ioug.

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Ce mauuais Ministre eut bien volu esblouyr les
yeux du Prince de Condé des belles apparences de
cette illustre conqueste, dont il ne manqueroit pas
de luy exagerer pompeusement tous les aduantages,
en luy faisant entendre, que la gloire l’inuitoit de
couronner le reste de ses victoires par le triomphe
d’vn Royaume entier, & qu’il se mettroit en estat de
ne trouuer point de Capitaine qui peut marcher de
pair auec luy, s’il auoit le bon-heur de reprendre les
conquestes de Pepin & de Charlemagne ; pour lesquelles
il luy faisoit faussement esperer qu’il ne manqueroit
pas de luy procurer toute sorte de secours,
auec asseurance mesme que si sa fortune luy en disoit
dans cette entreprise, il ne permettroit iamais, que la
Couronne en fut transporté à d’autre teste qu’à celle
du vainqueur. La trahison que ce perfide luy ioüa
puis apres dans la Catalogne ne fit voir que trop éuidemment,
que ses promesses estoint bien esloignées
de ses intentions, & qu’il n’auoit de plus forte passion
que de se défaire au plustost de celuy dont l’authorité
deuoit brider la sienne dans le maniment des affaires
d’Estat. Aussi ne remporta t’il point d’autre fruit de
la proposition qu’il luy en auança que celuy de se voir
rebuté auec desdain, & de se voir obligé à confesser
par la response qu’il fit à la proposition de la conqueste
de la franche Conté, qu’en effet il n’auoit
voulu s’engager à cette belle entreprise qu’à dessein
de l’y faire perir.

Mon absence luy donne plus de prise pour faire
triompher la haine, qu’il fomentoit secrettement
contre moy, & le seiour que ie faisois pour lors dans
la Ville de Rome, la fauorisa d’autant plus heureusement,

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que plus il auoit raison d’esperer, que la
proximité du lieu me deuoit leuer toute sorte de méfiance ;
& qu’on n’auoit en partie ietté le choix sur
ma personne pour m’enuoyer au secours de Naples,
que parce qu’estant porté sur les lieux, & possedant
outre cela l’affection de plusieurs des Potentats
d’Italie, il sembloit à propos qu’on deuoit me
donner cét employ preferablement à tout autre. Ie
me donnay fort facillement à l’apparence de ses raison
sons, ausquelles ie me soubmis aueuglement parce
qu’elles estoit appuyées de l’authorité de sa Majesté
Regente : outre que les belles dispositions des Napolitains,
iointes à l’attente du secours qu’on me faisoit
esperer de la Cour, me firent conclure à l’obeïssance,
sans me donner le loisir de faire toutes les reflections
du danger qu’il y auoit à l’executer.

 

Quel en fut le succez : toute l’Europe n’en fut que
trop instruite à la honte des Lys & au desauantage de
la sincerité des parolles Royalles, puis que m’estant
transporté auec tant de cœur & comme ie l’ay du depuis
ressenty, auec beaucoup plus d’imprudence, à
l’execution de leurs volontez, ie me vis à faute de
secours, abandonné à la discretion de mes ennemis,
sans que leur bonté Royalle se soit iamais interessée
à procurer mon eslargissement, quelque obligée
neantmoins que sa iustice y fut par sa necessité de restablir
vn Prince, qui n’estoit tombé dans l’esclauage
que pour en auoir voulu affranchir par ses ordres,
ceux qui ne respiroient que l’honneur de porter
le ioug de sa Majesté.

A Dieu ne plaise neantmoins que i’impute cette
iniustice à la conduite de mes Souuerains, l’experience

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ne me monstre que trop que ce mauuais Ministre
qui en auoit surpris la simplicité par ses artifices
sçauoit deguiser si adroitement le bon ou le mauuais
estat des affaires qu’il le faisoit enuisager par
leurs Maiestez au gré de ses caprices ; & la haine generale
qu’il a fait éclater pendant ma detention, contre
touttes les maisons des Princes, de Condé, de Vandosme,
d’Angoulesme, d’Orleans, de Lorraine, &
de Sauoye, desarme tous mes ressentimens, pour me
contanter de dire que ce fauory, qui meditoit le dessein
d’establir sa tirannie sur les testes des peuples,
vouloit premierement enleuer les testes de ceux,
que leur iustice & leur naissance deuoient obliger de
ne souffrir pas les iniustes progrez de son ambition.

 

Cependant ie ne l’aissois pas de crier assés haut
dans ma prison, pour m’efforcer de faire retentir
mes plaintes, aux oreilles de sa Maiesté, dont ie faisois
constamment solliciter la iustice par l’entremise
de ceux qui estoient interessés à mon eslargissement ;
Mais les Obstacles de cet insolent Ministre ;
(qui pour adiouster l’outrage à l’iniustice disoit en
se riant que ie serois bien aize de voir & de seiourner
dans l’Espagne) faisoient auorter routes leurs plus
belles intentions : & tirer ma deliurance en vne si
prodigieuse longueur, que ie n’y voyois plus desperanee
iusqu’à la conclusion d’vne paix generalle ;
a moins que le Ciel s’interessant à me faire rendre iustice
par la faueur de quelque coup extraordinaire,
ne rompit luy mesme les fers, qui captiuoient iniustement
ma liberté depuis tant d’années.

L’assouuissement de mes desirs a de beaucoup
precedé mes esperances, parce que les conionctures

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du temps ne me permetoient point d’en conceuoir de
si aduantageuses, si les reuolutions de l’Estat n’eussent
point fait changer de face aux affaires pour me
les faire paroistre dans vne plus agreable posture. Et
le dessein secret de la Cour pour le restablissement
du C. Mazarin ayant obligé M. le Prince de s’interesser
genereusement pour la tranquillité des peuples
en s’opposant au retour de leur tyran, le Ciel par
vn secret de sa prouidence, comme voulant me
faire satisfaction de tant d’iniustices passées m’a fait
enfin voir vne resource pour mon eslargissement,
faire satisfaction de tant d’iniustices passées m’a fait
enfin voir vne resource pour mon eslargissement,
par la faueur de ce mesme Prince, lequel esleuant la
generosité de ses idées, iusqu’au dessein de brizer les
fers sous lesquels il voyoit gemir ma liberté, a interessé
tout son credit dans la Cour d’Espagne, pour
en obtenir ma deliurance.

 

Ce coup de generosité ne luy ayant pas moins
reussi au gré de ses desirs que de mes attentes m’engage
si sensiblement à prendre tous ses interests pour
les porter contre l’iniustice de l’Estat, que i’espere
qu’on ne trouuera pas mauuais, qu’auec les troupes
que la Cour d’Espagne m’a données pour cette intention,
ie contribuë de tout mon pouuoir pour la
deffaite de ce monstre, que tous les veritables
François doiuent regarder comme le plus mortel
ennemy de leur liberté.

Ainsi dans le dessein que i’ay d’exposer les motifs
qui me font partager les mecontentemens de Monsieur
le Prince, ie pense premierement. qu’il ne
sera point de personne assez iniuste, pour ne iuger
pas auec moy, que mon eslargissement n’estant point
vn ouurage de la Cour, c’est à tort qu’elle espereroit

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que i’entrasse dans ses interest ; lesquels ie ne
sçaurois espouser sans trahir la fidelité que ie dois
à celuy qui s’est si genereusement entremis pour
l’eslargissement de ma liberté. Et cette raison est si
conuainquante, que lors mesme que ie paroistray
à la teste des trouppes d’Espagne pour affronter genereusement
celles de sa Maiesté, si toutefois les
trouppes de Mazarin doiuent estre honnorées de
ces titres, l’arrest par lequel on pourroit peut-estre
pretendre de me traicter en criminel d’Estat, seroit
aussi ridicule qu’inutille, puis que le Roy n’ayant
aucunement pourueu à ma deliurance, comme
il estoit de sa iustice, n’a par consequent non plus
de pouuoir sur moy, quelque libre que ie sois que
si i’estois encor dans les prisons de Madrid ; Et
par cette mesme raison, qui ne peut estre des-approuuée
d’aucun homme sage, ie pense que ie suis
obligé d’espouser aueuglement les interests de celuy
que ie reconnois comme le seul autheur de ma liberté.

 

Cette raison qui me fait ietter dans le party de
Monsieur le Prince, sans danger d’estre condamné
par aucun homme sage, se trouue neantmoins appuyée
d’vne seconde qui me feroit encor declarer
pour le mesme auec autant de passion, quand bien
ie n’y serois point obligé par les motifs de ma reconnoissance.
Il est question de pouruoir à la tranquillité
publique, qui se voit auiourd’huy cruellement
menacée par son plus mortel ennemy, & que
beaucoup de Declarations Royalles verifiées dans
tous les Parlemens de la Monarchie, ont mesme

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fait passer pour son perturbateur. Il est question de
seconder en cela la generosité d’vn premier Prince
du Sang, lequel espurant ses intensions des attachemens
honteux de toute sorte d’interest particulier,
se iette hardiment au trauers de l’orage pour le destourner
de la teste des peuples, & pour en faire creuer
la tempeste sur celle de leurs ennemys. N’est il
pas vray que le sang heroique des anciens Guises
n’auroit point coulé dans mes veines, si ie m’oubliois
dans cette occasion, & que ces beaux mouuemens
qui faisoient entrer mes ancestres dans les querelles
des peuples oppressez, n’auroient point esté
transmis iusqu’à moy, si maintenant que la tyrannie
des fauoris est en estat de se voir plus fortement establie
que iamais, on me voyoit seulement fauoriser
ses iniustes progrez par vne indifference criminelle,
& si ie ne me portois pas à la contrequarrer auec autant
de passion que ceux qui sont instruits dans les
Annales de ma maison, peuuent en exiger de ma personne :

 

Encor est-ce vne raison qui me semble trop particuliere
pour iustifier à l’espreuue de toute response
vn armement d’Estat. Lors que ie diray que la
passion de vanger les interests communs de toute
l’Europe, me ietteroit toute seule dans le glorieux armement
de Monsieur le Prince, qui n’a pour tout dessein
dans la ruine de Mazarin, que celuy de disposer
les affaires à vne paix generalle ; le motif ne seroit
il pas dautant plus glorieux, que plus il s’estendroit
pour embrasser generallement le repos de
tous les Estats de la Chrestienté. Or ie proteste que

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ce noble mouuement predomine hautement parmy
tous ceux de mon esprit ; mais principallement depuis
qu’estant allé prendre congé de sa Majesté Catholique
dans l’Escurial, ie me suis veu exhorté mesme
par la bouche d’vn Roy d’Espagne, d’aller contribuer
genereusement à la vengeãce des interests de toute l’Europe,
par la perte du Cardinal Mazarin, lequel ne deuant
pas estre moins qu’il a esté cy-deuant le seul obstacle de la
paix generalle que tous les Plenipotentiaires auoient concluë
dans Munster, doit par consequent vnanimement estre
choqué par tous les genereux ; que pour luy, il me protestoit
à foy de Monarque quoy qu’à present cunemy de la
France, que ses intentions en fournissant ses trouppes, n’estoient
autres, que de contribuer à la perte de ce malheureux
perturbateur public, apres laquelle, quelque occasion
qu’il eut de se preualoir de nos desordres, il estoit tout prest
designer vne paix, telle qu’elle auoit esté cy-deuant concluë.
Ces parolles Royalles suiuies des acclamations generalles
de toutes les villes d’Espagne, qui me souhaittoient
en passant vne heureuse victoire sur cét ennemy
de la paix, m’ont tellement appris à me desinteresser
dans le dessein de le pousser à bout, que ie
ne suis plus en estat d’entendre à aucun accommodement,
à moins qu’on n’y propose pour le premier
article que le Cardinal Mazarin & tous ses adherans
seront à iamais chassez du gouuernement de cette
Monarchie.

 

Qui pourra s’estonner maintenant de la passion
auec laquelle ie pretends espouser les interests de
Monsieur le Prince, puis qu’il n’en a point d’autres

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que ceux des peuples. Mais qui ne s’estonneroit pas
si ie m’engageois à quelque autre party, pendant que
ie voy que tous les Princes de l’Estat sont dans le sien,
& qu’il n’y a que certains broüillons qui grossissent
celuy du Mazarin, sur l’asseurance qu’ils ont que
son rehaussement sera celuy de leurs fortunes particulieres ;
& qu’il ne pourroit décheoir de ses pretentions,
sans leur en faire partager les incommoditez
par l’impuissance qu’il auroit de contribuer dauantage
à leur eleuation. Il est vray que la presence de
sa Majesté sembleroit du moins apparemment iustiffier
l’iniustice de ce party, si ceux qui l’y voyent
innocemment en gagée, ne sçauoient parfaitement
que c’est la premiere vsurpation de la Regence, laquelle
s’en estant emparée contre toutes les loix de
l’Estat à la faueur de la simplicité de son age, ne peut
aucunement s’en preualoir, pour pretendre iustement
luy faire donner des Declarations, contre
ceux qui se sont rangez dans vn autre party. Ainsi
tous les Princes se trouuant raisonnablement choquez
de cette tirannique vsurpation d’vn droit qui
leur estoit adjugé par les loix, ne iustiffient que trop
l’armement de ceux qui les seconderont, pour tascher
de redonner le repos à la France en ostant le
Roy d’entre les mains de ceux qui s’en sont saisis
pour la troubler plus heureusement.

 

On auroit quelque sorte de raison de soupçonner
d’infidelité, la montre que ie fais d’vne generosité
desinteressée, si ie pretendois absolument que la consideration
de mes interests particuliers, n’en partageroit

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point les ressentimens, & que ce seroit
par vn simple motif espuré de toute sorte d’attachement
pour ce qui me touche, que ie me porterois
auec tant d’ardeur contre le tyran des peuples.
Cette esleuation de genie, quelques serments
que nous en fasse l’histoire pour nous faire conceuoir
quelque belle idée de ses genereux desseins, n’a
iamais paru que dans les Romains, c’est à dire dans
les fictions des Poëtes, & les naturels les plus esleuez
par dessus le commun ne se sont iamais portez toute
au plus, qu’à menager si adroitement leur conduite,
que leurs interests particuliers y fussent inseparables
d’auec les Generaux, & que les affaires de leur maison,
marchassent incessamment de pair auec celles de
la republique.

 

Si ie pretends allier mes forces auec toutes celles
de l’Estat, pour exterminer toute la mal-heureuse
engeance des Mazarins, ie confesse bien que le premier
& le plus illustre motif qui me pousse à cette
entreprise, m’est inspiré par la passion que i’ay, de
voir puis apres refleurir la liberté publique sous
la debonaireté de nos monarques. Mais si pour
soustenir plus eficacement la iustice de ce motif,
i’adiouste encor que celuy d’espouser la querelle des
Princes, m’engage tres sensiblement au commun
dessein de ruiner la fortune de leurs ennemys, ie
pense que ie n’en dois point moins estre estimé par
aucun homme de sens, puis que ceste consideration
quoy que particuliere bien loing de retarder les
desseins, generaux seruira plutost pour les auancer
auec plus de succés.

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Ceux qui sont tant soit peu sçauans dans la politique
doiuent sçauoir, que les fauoris ne sont pas
plustost esleuez à la confidence de leurs Souuerains,
qu’ils regardent auec ialousie tous ceux que la naissance
a placés dans la proximité du rang ; & comme
ils ne doutent point que ces esprits naturellement
genereux, ne seront iamais si lasches que de s’abaisser
iusqu’à se rendre complaisans à la conduite de
ceux qui ne sont esleuez que par vn reuers de fortune ;
ils ne manque point de faire tous leurs efforts
pour en donner des ombrages au Souuerains dont ils
ont l’honneur d’estre les fauoris, afin de disposer
leur esprit à se défaire de ceux que ces tiranneaux
leur font regarder auec deffy, parce qu’ils les regardent
eux mesmes auec ialousie.

Le Cardinal de Richelieu n’a mis que trop cette
verité dans son euidence, depuis que s’estant emparé
de l’esprit de Louys le Iuste, il a mesme fait ressentir
les effets de sa ialousie à la Mere & au Frere du
Maistre qu’il seruoit : Mais le Mazarin pour encherir
par dessus la tirannie de son predecesseur, ne se
contantant pas de vouloir esloigner du secret de la
confidence de l’Estat, ceux qui n’y sont pas moins
appellez par leur naissance que par leur merite, en
est mesme venu iusqu’à ce point d’insolence, que
d’en vouloir entierement ruiner les fortunes par les
fourbes qu’il leur a ioüe pour s’en deffaire sous de
beaux pretextes. Et le ressentiment de cette iniustice
me deuant interesser en quelque façon pour conspirer
auec l’armement general qui se fait, à la destruction
de ce grand ennemy, ie croy que si ie m’y laisse

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porter par le motif de soustenir auec les interests des
peuples, ceux des Princes & des miens en particulier,
on aura dautant plus de raison de ne se deffier
point de ma conduite, que plus on verra que ie ne
pourray point la mesuager au des aduantage de ceux
dont les interests doiuent estre inseparables des
miens dans cette poursuitte.

 

FIN.

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