Anonyme [1649], LE MAVVAIS SVCCEZ DE L’ESPION DE MAZARIN, enuoyé à l’Archiduc Leopold, pour se sauuer en Flandre. , françaisRéférence RIM : M0_2422. Cote locale : A_6_19.
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LE
MAVVAIS SVCCEZ
DE
L’ESPION DE MAZARIN,
enuoyé à l’Archiduc Leopold,
pour se sauuer en Flandre.

A PARIS,
Chez NICOLAS DE LA VIGNE,
pres Sainct Hilaire.

M. DC. XLIX.

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LE MAVVAIS SVCCEZ DE
l’Espion de Mazarin enuoyé à l’Archiduc
Leopol, pour se sauuer en Flandre.

Vn certain Philosophe appellé Thiané,
disputant auec les disciples de
Hiarcas, disoit qu’il n’y a chose plus
naturelle que l’appetit que nous auons
de conseruer la vie, sans que ces grands Philosophes
en disputassent, nous le voyons chaque
iour par experience : car pour viure, les hommes
trauaillent, les oyseaux volent, les poissons nagent,
& les bestes se cachent, crainte d’estre tuez, & finalement
ie die qu’il n’y a beste tant brute qui ne
tienne vn instinct naturel de viure. Si plusieurs des
anciẽs Payẽs ont eu peu d’estime de leur vie ; & que
de leur propre volõté se soient offerts à la mort, ce
n’estoit pour mespriser la vie : mais parce qu’en faisant
peu d’estime ; Ils ont pensé que nous aurions
leur renommée en grande recommandation. Car
les homme de Noble cœur ; ayment mieux vne
eternelle renommée que viure longuement.

L’on cognoist le peu de volonté que les hommes
ont de mourir, car les grandes diligẽces qu’ils font
à prolũger la vie. C’est chose naturelle, de laisser la
vie auec douleur, & prendre la mort auec crainte.
Posé le cas que tous goustent cette mort corporelle

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& generalement que tous bons & mauuais prẽnent
fin, il y a grande difference à la mort des vn
celle des autres : si les bons desirẽt viure, c’est pour
augmenter le desir qu’ils ont de bien faire : mais si
les mauuais desirent viure, c’est pour fomenter de
plus en plus l’appetit qu’ils ont de mal faire, & courir
plus violemment apres les vices.

 

Il me semble, cher Lecteur, que cõprenez ma pẽsée,
& que vous voyez auec des yeux plus perçans
que ceux de Linx ou d’Argus, que i’adapte à Iulle
Mazarin, qui ce voyant inuesty de toutes parts, &
que la mort inexorable à ses vœux, & implacables
à ses desirs, laquelle l’enuironne de toute parts, il
tremble. il fremit, & Pantelle & son ame mercenaire
est saisie d’effroy, & ressent par anticipation
pour ne pas dire ceux de l’Enfer des douleurs de
la mort.

Pour l’exempter de ces flesches acerées, & de ces
trois meurriars, il s’est voulu seruir de Dom Pigila
Gentil hõme Italien, auquel il s’est tousiours confié
dans ses plus secretes entreprises, lequel il a fait
venir expres de son natal pays, & auquel il a fait de
grands biens, estãt paruenu en France, l’a depesché
& fait son Emissaire, & enuoyé à l’Archiduc Leopold
en Flandre : mais Dieu, aux yeux duquel rien
rien n’est caché, a permis que Piglit a esté descouuert
en passant par vn petit village aupres de Mõtcornet
en Thierache, par vn venerable Curé qui
iugea à son phisionomie & son maintiẽ, à sa contenance
& posture, que ce pouuoit estre vn Espion,

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ce qui le confirma dans sa pensée, est qu’il recogneut
à son accent & prononciation que c’estoit vn Italiẽ,
ce qui luy fit former alors vne idée, & vne speculatiõ
tres forte, que celuy-cy pouuoit appartenir à Mazarin,
& pour s’esclaircir au plutost de son hesitation, il
l’examina, sçauoir s’il le connoissoit, & s’il n’auoit iamais
eu d’accez aupres de luy, celuy-cy chancelant,
commit quelque équiuoque & contradiction, & d’abort
ces paroles ombrageuse, sa voix mal asseurée, ce
firent recognoistre pour ce qu’il estoit.

 

Au moyen dequoy ce Curé estant secondé par
plusieurs de ses Paroissiens qui sortoient de Vespres,
qui fut Dimanche passé, ils foüillerent cet Italien, &
luy trouuerent vn caractere non apparens, qu’auec
vn certain verre, à la faueur duquel il l’eurent assez
correctement, qui est vne pierre faite à cet Archiduc
de liberer Mazarin le permettre sur ces terres &
l’escorter sur les frontieres, veu qu’il n’estoit en seureté
dans la France, & que pour recognoissance d’vn
tel bien, il le secondera dans ces desseins & ce vengera
sur la France, qu’il luy donnera vn milion, & luy
donnera entrée dans la Picardie par des intelligences
qu’il a qui sont infaillible, cette lecture faire de la sorte,
il fut donné en garde au Fermier des amendes du
lieu, afin de le mettre en Iustice pour estre interrogé,
afin que par ces confessions & denegations son
procez luy fut fait.

Il faut purger le monde de telle peste d’Italiens ?
mais ie demande maintenant quel profit d’alleguer
la vie estant infame m’echamment gouuernée & regie ?

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Mazarin qui est tant superbe, mutin, perturbateur,
blasphemateur, en tous ces fais desordõné,
& le veritable tiran de la France, les voulõs nous.

 

L’on oste à vn pauure larron la vie pour autre chose
sinon pour vne robbe, ou autre petite chose qu’il a
oublié pourquoy donc demeurera viuant, celuy lequel
trouble & murine toute vne Republique, &
qui ayant ruiné toutes les Prouinces, cherchent par
des voyes aussi criminelles que tiranniques la perte
du plus vertueux Senat de l’Europe, luy qui a trempé
ces mains dans plus d’Ames innocentes, que n’õt
fait autre fois les Herodes ny les Nerons le souffrirons
nous d’auantages ?

Le diuin Platon ne ce contante pas de dire que les
loix sont faictes pour les coupables, mais il adiouste,
que l’homme malicieux, desordonné, incorrigible
en ces faicts qu’il doit estre prescrit, deietté & banny
hors du pays.

Depuis le temps que les Arbres furent creez tousiours
iusqu’auiourd’huy ils ont porté la fueille & le
fruict semblable à leur premiere nature, le Palme
porte les Dales, le Figuyer les figues, & generalement
ie d’y que toutes choses ont gardé leur premiere
nature, excepté l’hõme qui a decliné à malice,
les Planettes, les Etoilles, les Cieux, l’Eau, la Terre,
l’air & lecu, les Bestes brutes & les Poissons, sont
tous en l’estat ausquels ils sont creée, sans eux plaindre
ny auoir enuié les vns aux autres, ny sans exercer
aucunes tirannie, il ny a que le Mazarin, l’Estat du
Prince seroit bien, s’il ne l’auoit point alteré celuy du

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peuple, s’il n’auoit expolié, & rauy ces biens, l’estat
du pauure seroit bon, s’il n’auoient osté le moyen au
riche de luy bien faire, & s’il n’auoit fait comme la
Sansuë qui tire & succe iusqu’à la derniere goutte du
sang, aussi sa Robe en est toute teinte, l’estat de l’Eglise
seroit tres heureux, s’il n’auoit rauy (sacrilegement)
ses biens, bref personne ne peut nier que la
loye de cét Arabe & cruel gripeur, ne soit vne pierre
d’achopement, ou tout le monde a fait naufrage,
ceux qui sont dans le berceau n’ont pas plustost veu
le iour, qu’il ont ressentis leur premieres misere qui
ne promettent pas quitter ces dures attaintes que
dans vne rage viril, ce tiran n’ayant laissé à leur geniteur
aucun bien que celuy de la pauureté, souffrance
& tribulation, si ces choses doiuẽt estre appellé bien.

 

Cet insatiable Milan a porté ces ongles & ces griffes
par tout, & ny à aucun lieu qui n’eut fait ressentir
les trais de son inhumanité, mais maintenant il est
aux abois ; il enrage de desespoir, il voit qu’il ny à rien
de changeant cõme la fortune, c’est vne boule, tousiours
dans le mouuement, mais ce qui fait plus d’impression
sur ses sens, c’est qu’il voit sa felicité perie, &
& son bon-heur renuersé, ses biens acquis & confisqué,
& mis entre les mains des Commissaires, s’il ny
auoit encore que la perte des biens, il auroit esperence
d’allonger ces mains & les rendre aussi crocheuës
& poilleuses que iamais ; Mais il est hors d’esperance,
mesme ne sçait où aller pour sauuer sa vie, les Espagne,
il la ruinée aussi bien que la France, l’Italie, il
la trahie, & de tous costez qu’il puisse ietter sa veuë,

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il ne voit qu’ennemis irreconsiliables aussi il a fait
des playes incurables, & qui saigneront tousiours.

 

Mais pour reprendre le fil de mon Histoire, il croit
ce pouuoir facilement sauuer dans la Flandre à la faueur
de ce Prince, Leopold, mais la poudre estant
euenté, le desespoir le fera tomber dans l’allienation
d’esprit, on en voit de grande apparence suiuant le
recit des bons François qui veillent sur ses actions, il
sçait que ces espions sont decouuerts & que ces inuentions
sont aussi inutiles que ces artifices, il cherche
des échappatoires, & ne rencontre que des pieges,
il demande la liberté de sortir, & il ne voit que
des ombres tres effroiables qui le menassẽt du nauffrages
s’il pense ce reposer à la faueur de la nuict, les
effroyables reueries. L’intimident, estant eueillé ces
pensées lugubres accablent son esprit & ne luy donnent
aucun repos, s’il pense diuertir son imaginatiõ,
ces oreilles entendent le son des trompettes & de
plus de mil tambours, qui sont des augures & presages
de sa perte, s’il leue ses yeux chassieux au Ciel, il
le voit armé de foudre & d’eclairs contre luy. Pour
les imprecations qu’il luy a fait ressentir dans les clameurs
des opprimez, il ny à que l’enfer qui luy est
redeuable & qui luy tiendra lieu de recompence, puis
qu’il a esté le fidel executeur de ses ordres & l’instrument
de ces malefices.

I’attend la Relation du procez de Piglia, qui me sera
enuoyé par vn de mes intimes amy, homme de
probité egalement noble & vertueux, digne de foy,
le sujet est tres-curieux, ie l’exposeray au public, auec
d’autres particularitez.

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