Anonyme [1649], LE MAZARIN PORTANT LA HOTTE, DIT, I’ay bon dos, ie porteray bien tout. , françaisRéférence RIM : M0_2434. Cote locale : C_4_53.
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LE MAZARIN PORTANT LA HOTTE
dit, I’ay bon dos ie porteray bien tout.

 


MA foy tout le monde s’abuse
Alors que la France m’accuse
De cent maux que ie n’ay point fait,
Ie suis innocent en effet,
Quoy que Prouinces soient en armes,
On dit mesme que i’ay des charmes
Pour corrompre tous les esprits :
C’est le subiet de tant d’escrits
Dont Colporteurs font tant de conte,
Et souuent ie rougis de honte
Lors que i’entens ces vains propos ;
Mais ie veux porter tout, car ma foy i’ay bon dos.

 

 


Il n’est rimeur dans sa colere,
Il n’est point fils de bonne mere
Qui ne me blâme en bonne foy
Des crimes qui sont hors de moy,
Chaque Marchand dans sa boutique
N’ayant plus si bonne pratique,
En iazant au premier venu,
Dit d’vn accent tout ingenu,
Il faut croire que l’Eminence
A mis au net toute la France,
Elle se perd de bout en bout ;
Mais ma foy i’ay bon dos, ie porteray bien tout.

 

 


Le Vigneron lors que l’orage
A fait desordre au paysage,
Me fait l’auteur de tous ses maux,

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Si l’on void desborder les eaux
Chacun s’en prend à l’Eminence,
Qui souuent à nul mal ne pense,
Qui iamais à mal n’a pensé,
Qui n’a pas encor commencé,
Viuant dans la pure innocence,
Quoy qu’on dise autrement en France,
Ce qui vient troubler mon repos ;
Mais ie veux porter tout, car ma foy i’ay bon dos.

 

 


Les peuples, les Areopages,
Les fols aussi bien que les sages,
Se sont portez aueuglément
A m’accuser iniustement
Du moindre mal qui les offence,
Le Nautonnier prend la licence,
Quand il void la mer en courroux,
Et le pauure planteur de choux
Voyant son Iardin sans rosée
L’Eminence en est accusée,
Et i’entens tous ces beaux propos ;
Mais ie veux porter tout, car ma foy i’ay bon dos.

 

 


L’Aduocat qui n’a dequoy frire,
N’a de pensée que pour mesdire
Contre le pauure Mazarin,
Et ie croy mesme que Varrin
Au lieu de battre sa monnoye,
N’ayant pas trop le cœur en ioye,
A fait libelles contre moy,
Ainsi ie le pense, ma foy,
Et dans ces papiers que l’on crie,
On dit que i’ay dans la Patrie
Allumé le flambeau par tout ;
Mais ma foy i’ay bon dos, ie porteray bien tout.

 

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On me nomme auec infamie,
Toute l’Europe est ennemie
Du beau nom qu’en naissant i’ay pris,
Et ie sçay que les bons esprits
Font de mon nom leur raillerie ;
Ie sçay que gaigne petit crie,
En traisnant tout son reuenu,
Contre moy à luy inconnu,
Et qu’il n’est lieu dessus la terre
Où l’on ne m’ait liuré la guerre,
Soit par le fer, ou par des mots ;
Mais ie veux porter tout, car ma foy i’ay bon dos.

 

 


Chacun vient censurer ma vie,
De toutes parts ie voy l’enuie
Qui dans mille vilains portraits,
Des crimes que ie n’ay point faits,
Ont terni ma iuste loüange,
Ils ont fait vn demon d’vn Ange,
M’ayant mis cornes sur le front,
Il est bien vray que cet affront
M’a fait mediter la vengeance
Qu’on doit prendre de cette engeance
Qu’autrefois on nommoit Badauts ;
Mais ie veux porter tout, car ma foy i’ay bon dos.

 

 


I’entens par tout que chacun crie,
Il faut ietter à la voirie
Ce franc maraut d’Italien,
Qui vient de gripper tout le bien
De la France qu’il vient d’occire :
Ha ! ma foy c’est vn mauuais sire

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Qui sçait escorcher le François,
Aussi sans en faire à deux sois,
Ne faut il pas qu’en pleine Greue
Le bourreau promptement l’esleue,
Voila l’entretien de ces sots ;
Mais ie veux porter tout, car ma foy i’ay bon dos.

 

 


Souuent de mes propres oreilles
I’entens qu’on me chante merueilles,
Mais cependant telles chansons
N’ont rien des agreables sons
Qu’en faueur de ce grand Ministre,
Qui fut bien moins que moy sinistre,
Apollon dessus ses sommets
Faisoit ouyr en temps de paix,
Car i’entens qu’auec Eminence
Le Poëte a fait rimer potence,
Et desia ie pense estre au bout ;
Mais ma foy i’ay bon dos ie porteray bien tout.

 

 


Quand ie pense trousser bagage
Ie rencontre dans mon voyage
Messieurs les vents, & les lutins,
Qui pour moy font plus les mutins
Que l’on n’en fit és barricades,
Dont le souuenir rend malades
Tout ce que i’ay de Partisans,
Qui ne sont pas guerriere gens,
De Financiers toute la troupe
N’est vaillante que sur la soupe,
Ou quand il faut leuer impos,
Et i’ay tous leurs pechez chargez dessus mon dos.

 

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Chacun est fait au badinage,
Il n’est en Cour Laquais ny Page,
Qui pour vn demy quart d’escu
Ne me fichast espingle au cu,
I’estime mesme que Nerueze,
Qui n’est pas des plus à son aize,
Quoy qu’elle ait de moy pension,
Tesmoigneroit sa passion
Contre moy que personne n’ayme,
Si ce n’est peut estre moy mesme ;
Mais il faut souffrir tous ces maux,
Et pour les porter tous, ha ! ma foy i’ay bon dos.

 

FIN.

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