Anonyme [1649], LE MERCVRE OV COVRIER CELESTE, PARLANT A MONSIEVR LE PRINCE. , françaisRéférence RIM : M0_2454. Cote locale : A_6_21.
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LE
MERCVRE
OV
COVRIER CELESTE,
Parlant à Monsieur le Prince.

MONSEIGNEVR,

Dieu qui par son bras puissant gouuerne toutes choses,
tant supresmes que sublunaires, & dans ce gouuernement
fait tomber en admiration, tous les esprits
qui attentiuement veulent considerer les actions
Diuines icy bas, mais il fait admirer particulierement
sa Prouidence en la conduite de l’homme, auquel
contre l’assistance commune qu’il donne à toutes
ses autres creatures, il a ordonné des Anges
pour sa bonne conduite, & de plus luy départ la force
de son sainct Esprit, qu’il luy communique par
viues inspirations pour le porter au bien : quelquefois
cette conduite Angelique a esté visible aussi
bien que le don du sainct Esprit ; Mais il suffit qu’encore
tous les iours, Dieu nous donne de bons mouuemens,

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ausquels il ne faut resister : Et par ses Anges
nous preserue de mille perils, comme le cours
ordinaire de ses Diuines influences le fait assez
sentir.

 

Toute l’antiquité qui ne voyoit les choses Diuines
que du coin de l’œil, & n’en parloit qu’auec vne
langue mal-asseurce, a feint Mercure Messager des
Dieux, auoir des aisles en la teste & aux pieds, &
sous cette fiction crayonnoient la fonction des Anges,
Messagers de ce grand Tout-puissant, les aisles
de Mercure ne nous signifient autre chose, que la
prompte vitesse auec laquelle les Anges portent la
volonté de Dieu & ses sainctes inspirations, les
Poëtes ont donné vn Caducée à ce Mercure, qui
estoit vne verge ayant deux serpens, qui se touchoient
des deux parties d’en haut, & sembloient
se baiser ; puis le reste du corps de ces deux animaux
se faisoit en vn demy rond, qui venoit à se
ioindre en bas, aussi estroictement que s’il eussent
esté noüez ensemble, c’estoit auec ce Caducée que
Mercure appaisoit toute chose, & mettoit la paix par
tout.

Ce mesme Mercure se presente auioud’huy deuant
vous (MONSEIGNEVR) auec vne face Angelique,
pour vous annoncer les choses Diuine s :
Et vous dire que tout ce que l’antiquité a attribué à
vn Iupiter, à vn Mars, à vne Pallas & à vne Iunon, ce
n’estoit que d’escrire les diuers effects de la Toute-puissance
Diuine, ausquels les anciens ont voulu

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donner vn nom, suiuant la nature de l’efficace du
pouuoir Diuin sur les humains, & si vous les entendez
parler tous par ma bouche, ce n’est pas que ie
vueille ressusciter les Morts (ja Dieu ne plaise) mais
c’est afin de mieux exagerer les conseils eternels.

 

Sçachez donc, MONSEIGNEVR, que
toute la Cour Celeste est en vn estonnement extremement
grand de voir la diuision de deux freres,
d’vn mesme Sang, & qui deuroient estre vn mesme
Cœur, vne mesme Affection, & pareils de volonté, &
au lieu de cela vous vous portez dans la diuision
qui ne cause que ruine ; puis que Dieu & la Nature
vous ont donné l’estre apres celuy de sa Majesté
Royale.

Iupiter qui se trouua en vostre conception, &
presta tousiours son fauorable concours iusques à
l’heure de vostre Naissance pour vous faire naistre
de Sang si Illustre, croioit que ce deut estre pour
l’augmentation du Royaume tout florissant, mais
les doleances de tant de pauures gens ruinez par
ceux de vostre suitte, & leurs prieres qui montent
chaque iour au Ciel pour impetrer le secours diuin,
luy tesmoignent assez le contraire de ce qu’il
pensoit, & le font tout de bon repentir, & voudroit
(s’il se pouuoit) retirer son influance, voyant que
vostre diuision n’apporte que de la guerre, qui n’est
qu’à la foule du peuple, & au desauantage de la
France, car l’estranger voit vostre main armée auec

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grand contentement, puis qu’il y contemple le retardement
des conquestes de sa Majesté prestes à
voir les bornes de la France se porter iusques sur le
bord du Rhein.

 

Pallas s’estoit toute iointe aux autres Astres en
vostre Naissance pour vous doüer de toute la sagesse
que peut contenir vn Esprit humain, & des
qualitez les plus releuées, mais voyant que vous
vous seruez des dons d’enhaut, autrement qu’il ne
faut, elle retire cette prudence necessaire pour la
conduite de vos actions, ce qui fait que vous escoutez
les conseils pernicieux de ceux qui las d’estre à
leur aise, veullent chercher du trauail & de la peine,
mais pleust à Dieu que ce ne fut que pour eux, il
se forgent dix mille mescontentemens dans leurs
esprits, & vous veulent faire prendre part à leur interest,
afin de se mettre à l’abry pour tascher de faire
ce qu’ils pretendent sous vostre nom, & qui tout bien
examiné, n’ont autre subjet de mescontentement
que quelque grandeur perduë, ou en vain esperée.

Iunon qui laissant découler du laict de ses
chastes mammelles pour former le beau Lis ne
peut voir qu’à regret, que dans l’azure où brille la
couleur dorée des fleurs de Lys l’espouuante de tous
les Peuples, maintenant se voit naistre des espines,
ou qu’elles se diuisent elles-mesmes, Mars qui a
esté tousiours fauorable à la France, ne la quitte pas
pour fauoriser vostre party ? Non, non, ie le voy
auec vne main armée combattre contre vous, luy

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qui a fauorisé les armes du feu Roy Louis treiziesme,
n’a garde de faire prosperer les vostres, & bien que
quelques apparences semblent fauoriser vostre dessein,
toutefois puis que le secours d’enhaut ne peut
fauoriser vos entreprises, asseurez-vous qu’elles seront
comme vne nuée qui se dissipera à la venuë du
Soleil.

 

Venez donc, Monseigneur, à ce bon Conseil, &
mettez bas tous ces vains pretextes qu’on vous met
en auant, Dieu qui connoist tout, sçait bien la pureté
de vos intentions, mais il voit bien aussi combien
les pretextes que vous prenez sont esloignez de ses
Commandemens, & que les Partisans d’Espagne
seduisent ceux qui sont aupres de vous, afin de mettre
le trouble en la France, pour accommoder ses
affaires, luy qui ne pesche qu’en eau trouble, mais
regardez à Dieu, qui dit qu’il est le Dieu de Paix, &
que qui demeure en Paix, demeure aussi en luy.

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