Anonyme [1649], LE MOVCHOIR pour essuyer les yeux DE MONSIEVR LE PRINCE DE CONDÉ. , françaisRéférence RIM : M0_2511. Cote locale : C_4_60.
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LE
MOVCHOIR
pour essuyer les yeux
DE
MONSIEVR
LE
PRINCE
DE
CONDÉ.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LE MOVCHOIR POVR
essuyer les yeux de Monsieur
le Prince de Condé.

 


DE Condé essuyons nos pleurs,
Il nous reste assez de malheurs
Pour espuiser toutes nos larmes ;
Il est mort ce grand Chastillon,
Mais quoy ! faut-il rendre les armes
Pour voir mourir son compagnon.

 

 


C’est à la prise de Charenton
Qu’est mort ce braue Champion,
Mais il n’a rien fait que pour luy ;
Ce qu’il a fait, nous le faut faire,
Et peut-estre dés auiourd’huy
Ce sera nostre heure derniere.

 

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Faut-il que deuant vn village
Soit mort le plus grand personnage,
Nous y auons beaucoup perdu ;
Il a fallu y satisfaire
Puis que Dieu l’a ainsi voulu
Afin d’augmenter nos miseres.

 

 


Ce qu’il a fait, nous le ferons
Comme luy, vous & moy mourons :
Il n’est point de personne au monde
Exempte des loix du trespas,
Tout doit perir, Stix est vn onde
Qu’on ne sçauroit ne passer pas.

 

 


Tout flechisoit de sous ses loix,
Les Peuples, les Princes, les Roys,
Tous les Potentats de la terre,
Ducs, Marquis, Comtes & Barons,
Trembloient de peur de luy déplaire,
Mais il est mort, & nous mourons.

 

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I’estime beaucoup mieux le sort
D’vn chien viuant que d’vn Roy mort,
Pour ce qui regarde la terre :
Chastillon doit estre pourry,
Ces os sont reduits en poussiere,
Et comme luy, tout doit perir.

 

 


Il n’est pas moins mort que Cinq-Marcs,
Que Marillac, & des Essarts,
Que le Cardinal de Berulle,
Que sainct Preüil & Montmorency,
Que Thou & l’euesque de Iulle,
Ils sont morts, il est mort aussi.

 

 


A quoy se faire ainsi garder ?
A quoy bon de ne regarder
Les gens qu’à trauers vne vistre ?
On à beau se vouloir cacher,
La mort s’attache à vne Mistre
Comme à la coëffe d’vn vacher.

 

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Elle regne dans les Palais,
Les Sceptres, comme les ballais
Sont des sujets de son Empire ;
Les bestes, les hommes, les Roys,
Et rien de tout ce qui respire
N’est exempt de ses dures loix.

 

 


Elle foüille de toutes parts,
Elle saute dans les remparts,
Elle moissonne à la campagne,
Elle prend le ieune & le vieux,
L’vn chez soy, l’autre en Allemagne
Enfin, elle regne en tous lieux.

 

 


Pour executer ses desseins,
Elle se sert de toutes mains,
Tous les combats sont ses ministres,
La guerre, la peste & la faim
Et tous ses accidens sinistres
Qui font perir le genre humain.

 

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Ce n’est la peste ny la faim,
Mais par vn mauuais coup de main
Qui a mis à bas ce grand Homme
Qui entreprenoit le party
De Iulle Mazarin de Rome,
Contre le Prince de Conty.

 

 


L’vn meurt en prenant son repas,
L’autre rencontre le trespas
Au millieu des pompes d’vn Louure,
Et tel croit estre dans vn lict,
Qui en s’éueillant se decouure
Damné pour quelque grand delict.

 

 


Enfin ce qui vit doit mourir,
Tout doit passer, tout doit perir,
Dieu seul doit estre perdurable ;
Cher de Condé prend garde à toy,
Esuite le sort miserable
Qu’on prepare à toy & à moy.

 

FIN.

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