Anonyme [1649], LE PHILOTHEMIS, OV CONTRE-BANDEAV DV PARLEMENT. Discite iustitiam moniti & non temnite diues. , français, latinRéférence RIM : M0_2755. Cote locale : A_6_72.
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LE
PHILOTHEMIS,
OV
CONTRE-BANDEAV
DV PARLEMENT.

Discite iustitiam moniti & non temnite diues.

ON nous dit que l’Aigle, apres qu’elle a esclos
ses petits, pour discerner les siens d’auec les bastards,
elle les presente aux rayons du Soleil, &
leur fait regarder fixement la viue clarté de ce grand
flambeau, de telle sorte qu’elle chasse de son nid ceux
qui ne la peuuent supporter ; Si nous voulons recognoistre
dans le temps où nous sommes vn bon François,
qui ayt vn visage feint & dissimulé, lequel toutesfois
contre fait l’honneste homme : il en faut faire de mesme,
& l’opposer au Soleil de la Iustice, qui de son esclat
confonds en mesme temps tous les meschans, la veuë
desquels est trop foible pour souffrir vne si viue lumiere
qui penetre iusques au plus profond de leurs cœurs,
lesquels estant trauaillez d’vne continuelle apprehension
de leurs crimes sont semblables aux Chassieux, lesquels
ne peuuent porter la clarté d’vn beau iour ; Ainsi

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ces meschans que l’on peut appeller Hiboux de malencontre
haïssent d’vne haïne mortelle la Iustice, & en
cette maniere tous ceux qui ont l’ame cauterisée sont
separez des bons & reconnus pour tels qu’ils sont.

 

Il ne faut pas s’estonner si ces malheureuses ames se
plaisent parmy le Trouble & les confusions, taschant
par toute sorte de moyens de suffoquer & d’esteindre
la force & la vigueur des Loix, offusquer le lustre & la
splendeur des Cours Souueraines, & deposseder la Iustice
de son trosne ancien ; Pour à quoy plus facilement
paruenir, ils s’attaquent aux principaux Ministres de la
Iustice, qui sont les Magistrats, qu’vn Ancien appelle,
voix parlantes, lesquels estant hors de credit, il est indubitable
que les Loix, qui sont les Magistrats muets,
ne peuuent aucunement subsister.

Mais au contraire les bons François vrayment magnanimes
& courageux, amis de l’Estat, jaloux du bien
public, fidels & immuables au seruice de leur Roy, rendent
toute sorte d’honneur & obeïssance à cette sainte
Deesse Themis, laquelle nous rend agreables à Dieu,
nous fait approcher de plus prés de sa Diuinité que chose
qui soit au monde, & rend nostre ame toute celeste
& diuine ; Ceux là, dis-ie, qui ont vne ame de pur or, &
qui n’ont iamais saly leur front, chargé leur honneur,
ny terny leur gloire du blasme d’aucun crimes, qui n’õt
apporté de la honte à leur sang, & de scandale à leur
nation, embrassent d’vne extreme affection la Iustice,
reuerent grandement les Administrateurs d’icelle, &
obeïssent entierement à leurs commandements.

L’experience pour les occasions qui se presentent
maintenant deuant nos yeux donne vne preuue assez

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suffisant de mon dire, sans qu’il soit besoin d’en rechercher
de plus particulieres raisons : Car ne voyons-nous
pas en France, & en la Ville capitale de tout le Royaume,
& mesme dans ce sacré Temple de Themys, les
plus Grands & les plus vertueux Princes, aymer & honorer
la Iustice sur toutes choses.

 

Au contraire, ne voyons nous pas vn homme insolẽt
esleué de la poussiere, enfant de la fortune, qui est entré
dans le Temple de l’honneur, sans passer premierement
dans celuy de la vertu, homme deuenu grand &
enrichy aux despens du pauure peuple, enflé comme
vne sangsuë du sang & des moyens des pauures Subjets
du Roy, lequel a osé entreprendre contre l’authorité
Souueraine des Cours de Parlement, & attenter iusques
à la personne mesmes des Officiers de sa Majesté &
Souuerains Magistrats ; malice la plus scãdaleuse qu’on
ayt iamais veu, attentat du tout estrange & inoüy en
France, mesme en temps de Paix.

N’est-il pas permis maintenant, voire mesme commandé
à tous les François de vanger l’injure faite à la
Iustice, qui est vn des premiers & plus nobles membres
du Corps de l’Estat, lequel estant affligé & offencé, tout
le reste des membres demeureroient malades & languissans :
car ne plus ny moins que la force du corps
decline à mesure que la chaleur naturelle d’iceluy va
décroissant, ainsi la vigueur de l’Estat diminuë au prix
que la puissance des Magistrats l’appetisse.

Ie me sens forcé de parler, voyant qu’on s’attaque à
l’authorité Royalle en s’attaquant à la Iustice, & qu’on
veut mettre maintenant toute la France en desordre
pendant le regne heureux de nostre ieune Roy, soubs

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le Sceptre duquel elle respire auiourd’huy vn Estat paisible,
plein de repos & de tranquillité ; Ie ne me puis
fermer la bouche, lors qu’il faut parler pour l’interest
du public, & tesmoigner du moins de parolle, si l’on ne
peut en effect l’affection que ie dois au Roy au public,
& à la Iustice, comme estant bon François. C’est le seul
zele qui me fait dire ces parolles : Ne touche point au
Roy, ou à son authorité, ne nous fais point recheoir aux
malheurs & aux pleurs desquels il n’y a pas long temps
que nous sommes sortis & retirez par la toute-puissante
main de Dieu.

 

Nous auons à peine essuyé nos larmes, & sommes encores
moüillez du naufrage de nos dernieres miseres
publiques, desquelles le peuple, qui est (comme l’on dit)
la voix de Dieu, t’en attribuë la principalle cause. Car il
est aisé de le croire par plusieurs tesmoignages ; Que tu
as fait tous tes efforts pour nous plonger en vne Guerre
Ciuille, & que tu tasche de nous precipiter dans de
nouueaux malheurs, si Dieu n’arreste tes mauuais desseings.

Meschant tu attaque le Roy en attaquant sa Cour de
Parlement ? sa Cour des Pairs, & à laquelle il a resigné
la plus grande & la plus importante charge de la Couronne,
qui est l’administration de la Iustice Souueraine,
Cour tres-celebre & renommée, à laquelle, non seulement
les particuliers & les Princes du Sang Royal de
France, mais encores les Roys Estrangers ont deferé le
iugement de leurs differends.

Tu attaque le Roy en luy voulant rauir le plus beau
fleuron de sa Couronne, qui est sa Iustice, & diminuer
la force & l’authorité de son Parlement, qui luy sert

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comme de rempart à son authorité suprême, lequel
contribuë par son soing continuel, par sa pudeur & integrité
au salut de sa Majesté & manutention de sa
Couronne.

 

Tu veux troubler le repos de l’Estat en mesprisant
& outrageant la Iustice, de laquelle depend le vray appuy
de la vertu & la conseruation de la Societé humaine,
qui est l’vn des principaux mots du Corps Monarchique,
& la principalle colomne d’vn Royaume ou
Empire. Et ie ne sçaurois assez detester ta perfidie &
meschanceté, ny découurir toutes tes malices, puis que
tu tasche de mettre tout en desordre, en voulant perdre
& supprimer l’exercice de la Iustice, qui est aussi necessaire
& important à la conseruation du Royaume, qu’est
le Soleil du monde pour l’entretien de l’Vniuers.

Tu as voulu rauir l’honneur & l’obeïssance deuë aux
Magistrats & à tes Iuges, qui ont receu du Roy vn plein
pouuoir au gouuernement de la chose publique, & tiennent
de sa Majesté la puissance de iuger, de l’honneur,
de la vie & des biens de tous ses Subjets. Car ne plus ny
moins qu’Hercules alloit par tout le monde auec sa
masse & sa peau de Lyon, punissant les voleurs & exterminant
tous ces monstres inhumains qui rauageoient
les Prouinces, de mesme les Cours de Parlement auec
vn billet de parchemin, qui sont leur Arrest & la verge
où parolle d’vn Huissier, renuersent & exterminent ceux
qui vsurpent la domination sur leurs Concitoyens, decidant
leurs querelles particulieres & appaisans leurs
seditions sans faire marcher vn seul homme de Guerre.

C’est pour cette raison qu’il a iustement & saintemẽt
estably le grand & suprême Tribunal de Iustice, armé

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& authorisé de force & de puissance pour conseruer les
bons, chastier les meschans, & contenir en leur deuoir
ceux qui auroient volonté de mal faire par la crainte des
peines & seuerité des Loix.

 

Nous deuons esperer que Dieu, qui est le iuste Iuge,
les punira selon tes demerites, & que tu n’eschapperas
sa Iustice si tu eschappe celle des hõmes, & qui ne croira
que Dieu cõmence ses chastimens puis qu’il t’a desia
osté l’vsage de la raison au declin de ton âge, lors que tu
en deurois vser plus que iamais : Car estant enyuré des
douceurs de ta prosperité, & ayant eu tousiours fortune
fauorable iusques à present ; tu feras cõme vn bon coureur,
qui par malheur se laisse cheoir au plus pres du
but de sa carriere ; Ainsi ayant eu durant toute ta vie
du bon heur, & par tes douces parolles, piperies & subtils
artifices, tu te precipiteras toy mesme à la fin au
malheur, & te renuersera du plus haut de la rouë où tu
es monté.

Les Histoires sont remplies des exẽples de ceux qui
sont morts aussi malheureusement qu’ils ont vescu, &
nous asseurent que Dieu, qui est le grand & iuste Iuge,
retarde & differe souuent le supplice des meschans.

Mais vous, Genereux François, qui aymez nostre Roy, & par
consequent ses Magistrats & Officiers, qu’il a esleué au trosne de
sa Iustice pour conseruer la candeur des Fleurs de Lys, & asseurer
le repos de ses Subjets ; Soyez semblables à cette belle fleur
qui se tourne vers le Soleil de quel costé qu’il aille, & que vostre
face & toutes vos actions s’enclinent tousiours vers sa Majesté,
ne goustant d’autre fruit que ceux de l’obeïssance & de la fidelité,
& que vous ayez tousiours ferme en vos Cours l’amour de
nostre Roy & de la Iustice, laquelle vous conduira à l’immortalité
desirée, & vous acquerera vne vraye gloire & vn repos asseuré.
Ainsi soit-il.

FIN.

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