Anonyme [1649], LE PLAISANT RAILLEVR DE LA COVR, Sur les affaires de ce temps; , françaisRéférence RIM : M0_2800. Cote locale : C_9_1.
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LE PLAISANT
RAILLEVR DE
la Cour.

Sur les affaires de ce temps.

LES railleries ont cela de propre
qu’elles entrent fort auant dans les
cœurs enyurez, & quoy qu’elles partent
souuent d’vn esprit indifferent,
si est ce toutes fois qu’elles font
quelquefois plus d’impressions que
le fer mesme. Cela me donne la hardiesse de parler
aux declameurs de ce temps qui comme vne
troupe enragée de grenoüilles ne font que nous
estourdir de leurs gazouillemens, sans sçauoir ny ce
qu’ils disent, ny ce qu’ils veulent persuader. Les
vns ont parlé du Parlement tantost en bien, tantost
en mal selon la fantaisie & l’inclination d’vn chacun :
Les autres ont censuré les actions des Princes,
& d’autres n’ont pas faict de difficulté de deschirer
les personnes sacrees & celles qui appartiennent de
plus prés à la Maison Royalle. dont ils ont fait des
sacrifices â leur colere & à la passion qui les emportoit :
Mais la pluspart ont bien monstré qu’ils auoiẽt
plus d’aigreur que d’intelligence, & qu’ils seruoient

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plustost à leur interest particulier, que non pas au
soulagement & a l’edification des peuples.

 

Et pour monstrer que ie dis vray, & que ie ne me
raille pas sans cause de ces mouches guespes, dont
plusieurs ont ressenti les aiguillons : Ie ne vous mets
au deuant des yeux que les impertinences auec lesquelles
ils ont parlé de la Royauté, Ie m’estonne
grandement que ces Messieurs (qui font profession
de sciences) sont si ignorans dans cette matiere &
qu’au lieu d’appliquer leur esprit à quelque occupation
honneste, & qui ne fut pas au de là de leur
portée, ils se sont ietté dans vn fond, ou il ne sont
pas moins aueugles que les chauue souris dans la
plus grande clarté du iour. Les discours faits à sa
Maiesté seruent de preuues à cecy, & de vray n’est-ce
pas vne chose ridicule de parler au Roy comme
s’il estoit cause des troubles qui ont esté suscités en
France de puis quelque mois, & qu’il a pleu à Dieu
d’appaiser tout à fait. Cela disie n’est il pas bien ridicule
puis que l’on sçait que le Roy n’estant pas
maieur ne gouuerne par consequent pas absolumẽt
& ne preste encor que son nom, sous l’authorité duquel
on agit & on fait tout. Certes ie ne me sçaurois
empescher de me rire de ceux qui dressent des harangues
en papier pour emouuoir sa Maiesté a pitié,
& la prier de mettre en oubly le passé pour pardonner
à ses subiets, sans lesquels disent ils il cesseroit
d’estre Roy, puisque les suiets font les Roys Voila de
beaux mots s’il estoient addressées a vn souuerain
absolu & non pas a vn Roy qui estant en tutelle, est

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aussi innocent, & cognoist aussi peu le tort que le
peuple pretend luy estre faict par quelques particuliers,
comme si en effect il n’estoit pas au monde, si
l’on l’a enleué il n’y a peu resister & si les Parisiens
ont souffert auec le reste du Royaume, on ne peut
dire qu’il l’ait peu empescher puisque l’on sçait au
contraire qu’il n’a pas iamais eu plus grand desir durant
le seiour qu’il a faict a S. Germainen Laye que
de retourner a Paris, ou sans doute on l’eut ramené
si les affaires de l’Estat ne l’eussent necessairement
appellees aillieurs. Son desir a tousiours paru, mais
sa volonté n’a point sorty son effect, & ne le pourra
pleinement iusques a tant que l’aage le destachera
de toute dependance pour le faire maistre de soy &
de ses peuples. C’estoit donc perdre son temps que
de cirer tant de beaux mots, pour les faire aggreer
par sa Maiesté & c’estoit se tromper lourdement que
de s’imaginer obtenir quelque chose du Roy qui
n’estoit ny la cause de nostre souffrance ny de la rigueur
des autres. S’il en estoit la couuerture, il ne
laissoit pas de demeurer tousiours innocent & ne
vous a iamais voulu plus de mal vne fois que l’autre
c’est ce qu’à fort bien compris vn d’entre nous qui a
pris ces iours passez à tasche de deffendre la Royauté
qu’il pretendoit attaquer par celuy qui s’est m’élé
de donner des aduis au Parlement, mais celuy la
s’est aussi mal acquitté de son deuoir que les autres,
car si vous auez bien consideré sa piece, il semble
prouuer que les Parisiens ont leué les armes contre
le Roy en monstrant comme il faut endurer des

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Roys, & qu’on leur doit obeissance quand bien il
seroient les plus meschans du monde. C’est vrayement
agir auec bien de la precipitation que de parler
sans auoir premedité ce qu’on veut dire, & de
vouloir passer pour prosez en escriture, lors que l’on
n’est encore qu’au nouitiat. Non, ie me trompe
moy mesme, personne n’a tesmoigné en ses escrits
que les Parisiens eussent pris les armes contre le Roy
mais beaucoup ont eu si grande demangeaison de
publier les actions des vns & des autres, qu’ils ont
parlé comme si en effect la guerre n’eust esté entreprise
que contre sa Maiesté, où que sa Maiesté eut
eu le dessein de ruiner la Ville de Paris, quoy qu’en
effect sa Maiesté à esté tousiours aussi esloignée de
cette pensée. que les Parisiens de cette entreprise,
au moins à ce que chacun a peu remarquer. Cela à
donné plus d’vne fois suiet aux Courtisans de se rire
de vos plumes qui estoient si mal employées, voyant
mesme que le Parlement n’en estoit non plus exẽpt
que les autres.

 

Il falloit estre bien net pour ne point estre attaint
de la dent de ces matins qui ont iappé contre tout le
monde, le Parlement auoit beau se tourmenter, &
tourner les affaires de tout costez pour en trouuer
vne meilleure issuë & composer le different qui
estoit suruenu auec tout l’aduantage possible, s’il en
a recherché les moyens, on la traicté comme vn traistre
qui abandonnoit son party apres en auoir esté
soustenu & s’il a enfin terminé la querelle, on l’a
creu Partisan du Cardinal, de sorte que quoy qu’il

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fit, il étoit expose à la medisance, miserable cõditiõ
d’estre le ioüet de la langue de quelques petits faquins
& soustenir le fardeau des affaires sur les espaules.
Si vous sçauiez Messieurs les scribes, en
quelle peine & en quel soucy estoient Messieurs du
Parlement pendant les remuemens vous cesseriez
de les inuectiuer, mais i’en entend vn qui me dit, ou
qu’ils deuoient pour suiure iusqu’au bout ou ne rien
entre prendre, & l’ignorant qu’il est ne voit il pas
bien que ce n’a esté que pour l’empescher de mourir
de faim que la paix a esté concluë. Or quand à
l’entreprise qui est-ce qui ne sçait que la ville fut assiegée
deuant que le Parlement donnast le moindre
commandement pour sa deffense, ne sçait on pas
qu’il n’a iamais voulu faire ny permettre estre fait
aucune chose de peur d’estre suspect aupres des autres
nations voire méme de la moindre desobeissance
enuers sa Maiesté, mais dit le mesme, ils ne deuoient
donc pas s’opposer aux Edicts du Roy & ainsi
nous n’aurions iamais esté dans les troubles. Et
moy ie dis que tu es vn bon sot ? si l’on te vouloit pendre
ne voudrois tu pas bien que quelqu’vn mit empeschement
a ta sentence quand bien tu deurois par
apres tomber en quelque fascheuu accident. S’il à
remonstré l’iniustice des arrests qu’on le vouloit cõtraindre
de verifier, ce n’a esté que pour vous retirer
du precipice ou vous estiez prest de tomber, &
si depuis vous vous estes vëus dans de plus grandes
miseres, n’en reiettez pas la faute sur le Parlement,
mais plustost sur vostre propre malheur & sur la malice

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de quelques vns qui ne vous veulent pas de
bien. Considerez (s’il vous plaist) a loisir les deportemens
du Parlement & vous verrez la verité de
cecy, espluchez leurs actions & ie m’asseure que
vous serez marris d’auoir adiousté foy a ces mauuaises
langues qui vous ont trompez toutes les fois
qu’il vous en ont mal parlé, & crois en outre que
vous rirez de vous estre ainsi laissé dupper, pour moi
l’heure me presse & n’ay plus le temps de railler,
C’est pourquoy ie vous en fais bonne part, dites en
grand mercy.

 

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