Anonyme [1652], LE POIGNARD DV COADIVTEVR. , françaisRéférence RIM : M0_2806. Cote locale : B_10_22.
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LE
POIGNARD
DV
COADIVTEVR.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LE
POIGNARD
DV
COADIVTEVR.

HE bien Messieurs les Parisiens,
est-ce Monsieur le
Prince qui empesche la
Paix ? est ce luy qui a intelligence
auec le Mazarin ?
sont-ce ces amis qui
ont commerce auec le Coadjuteur ? ne
sçauez-vous pas que le Cardinal de Retz

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est retourné au Palais d’Orleans pour diuiser
son Altesse Royalle & Monsieur le
Prince ? Vous a-t’on dit les intrigues dont
il s’est seruy pour voir Madame aprés la
mort du Duc de Valois ? il a fait parler ses
Creatures, il a caballé auec les ennemis de
Monsieur le Prince, & a trompé par ses artifices
ordinaires la bonté de son Altesse
Royalle, qui croit tout ce que ce fourbe
de Cardinal luy fait dire.

 

Enfin, Messieurs, il ne faut point tant
de discours pour vous dire que le Coadjuteur
vendra plutost son ame, que de ne
se point venger de Monsieur le Prince. Si
vous voulés laisser perir dans vostre Ville
vn premier Prince du Sang le plus grand
Capitaine de la terre, & le plus irreconciliable
ennemy du Mazarin ; ne permetez
pas que ce soit par lës mains & par les intrigues
d’vn Gondy, dont les aieulx estoient
Italiens, & Ennemis de la France. Si
vous voulez trahir le Sang Royal, ne prenez
point auantage de vos forces : faites luy
dire plutost qu’il se retire de vostre Ville,

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que vous preferez vostre Coadjuteur à la
protection dont il vous a honnorés, &
que vous aymez mieux vn Cardinal traistre
qu’vn Prince Genereux.

 

Est-il possible que les Parisiens soient si
lasches & si ingrats ! non, ie ne le croy pas,
ils sont trop affectionnez à conseruer les
Successeurs de la Couronne, ils en vseront
plus genereusement. Allez plustost par
Deputez au Palais d’Orleans, & suppliez
son Altesse Royale d’esloigner pour iamais
le Coadjuteur de ses conseils & de sa presence ;
vous ne luy demanderez que ce qu’il
demande au Roy pour le Mazarin, & auec
autant de justice que de raison. Celuy-là
diuise les Princes dans Paris, & celuy-cy les
diuise hors de Paris. L’vn veut oster la vie à
Monsieur le Prince par a dresse, & l’autre lui
veut oster par les armes. Le premier est ennemy
des peuples, & le second Tyran des
peuples. Enfin tous deux ont les mesmes
desseins, ils veulent regner, ils veulent estre
Ministres, ils veulent estre puissans, ils veulent
deuenir riches, & ne craignent point

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d’establir leur fortune, soit par la force, soit
par les fourberies, soit par la vengeance, ou
par la cruauté.

 

Le Parlement permet d’oster la vie au
dernier, qui est protegé par le Roy ; pourquoy
deffendra-t’il de poignarder le Coadjuteur,
qui n’est protegé que par Son Altesse
Royale. Ce sont vos deux Tyrans,
Messieurs, il les faut exterminer à quelque
prix que ce soit. Renuersez leurs fortunes, &
ne respectez plus ceux qui les conseruent.
Mr le Duc d’Orleans ne voudra pas se seruir
d’vn Coadjuteur, quand il sçaura que les
parisiens ont autant de raison de le haïr que
le Mazarin. S’il vous refuse cette grace,
alors vous auez vne voye grande, belle &
spacieuse ; appellez vos autres ennemis
pour vous vanger de ceux-cy. L’ennemy du
cœur est plus à craindre que celuy qui en
est esloigné. Le Coadjuteur vous attaque
dans vostre maison, deffendez-la par ceux
qui vous offrent leurs secours. Mais ce remede
doit estre mis en vsage tout le dernier :
il faut auparauant des remonstrances à

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son Altesse Royale ; apres celles-ci, il faut vn
refus : De là il faut courir aux armes, se seruir
du poignard & de la bayonnette. Si ces
moyens vous manquent, appellez plustost
le Mazarin ; & par luy vous vous defferez
du Coadjuteur, & peut-estre des autres qui
vous ont trahy & abandonné.

 

FIN.

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