Anonyme [1649], L’HERACLITE COVRTISAN. Væ, væ, væ, Superbia commune Nobilitatis malum. , français, latinRéférence RIM : M0_1621. Cote locale : C_5_49.
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ses habits, pour s’accommoder à l’humeur de son Pere, qui estoit vn grand
mesnager, respondit : Mon Pere ne se souuient pas qu’il est Ce sar : mais quant à
moy je me souuiens bien d’estre la fille de Cesar. Hé ! que n’eust-il pas dit aussi à
Rhemnius Palaemon Grammairien, qui se vantoit, que les sciences estoiẽt
nées, & deuoient mourir auec luy : comme aussi lors qu’il appella Marc Varron
vn vray pourceau. Mais de Domitian, qui commanda vn jour qu’on
l’appella Dieu. Du jeune Maximin, qui faisoit baiser ses mains & ses pieds
aux Senateurs. Du Roy de Perse nommé Sabor, qui se fit appeller Roy des
Rois, frere du Soleil & de la Lune. De Menecrates & Salmoneus, qui vouloient
qu’on les prist pour Iupiter.

 

I’oserois bien dire auec saint Augustin, qu’il est vtile & profitable au glorieux
& superbe de tomber en quelque faute notable, afin qu’il en conçoiue
vn desplaisir bien grand ; voire plus grand que n’est le plaisir qu’il reçoit
en y tombant & la commettant. L’histoire de saint Pierre, auec plusieurs
autres, desquels la Superbe a passé toute raison, nous fait assez connoistre
combien Dieu & les hommes voyent & souffrent à contre-cœur. Et plust
à Dieu que nous ne vissions tous les jours ceux qui de grandemẽt humbles,
deuiennent superbes aussi-tost qu’ils sont paruenus à quelque qualité autre
qu’ils n’auoient : Nous n’aurions sujet de dire d’eux ce que l’on dit aussi de
l’Auaricieux, lequel est insatiable, & ne trouue rien qui puisse assouuir son
appetit : on ne verroit non plus ce que l’on a veu en ce grand Marius, & en
cét Empereur Diocletian, desquels l’ambition & la Superbe n’ont point eu
de tenuë. Mais qu’arriue-il, & que peut-il arriuer à ceux qui seront humbles :
c’est de connoistre que la Superbe precipite les orgueilleux du Ciel
au profond des Enfers : & au contraire l’humilité éleue de la Terre au Ciel :
L’Ange qui estoit au Ciel par sa Superbe est cheu dans les Enfers, & l’homme
qui est en Terre, monte au Ciel par l’humilité. Que l’humilité rend les
hommes semblables à Dieu & aux Anges : Et au contraire la Superbe rend
les Anges semblables aux Diables. Esope disoit vn jour à Chion, qui luy demandoit
ce que Iupiter faisoit dans le Ciel, qu’il abaissoit les choses par trop
hautes, & éleuoit les basses. Et bien que ce soit chose ordinaire à l’homme
de s’éleuer & s’estimer quelque chose, il faut toutefois se conduire auec
vne grande prudence, afin que voulant monter trop haut, on ne s’engage à
vne cheute tres-honteuse, outre qu’il faut que l’homme s’estudie d’establir
vne eternité par sa vertu, & non pas par la vanité de ce qu’il possede. Or,
comme nous auons dit, la fin de ce discours sera pareille au commencement,
pource que nous ne sõmes point sortis hors du sujet, & que le cõmencement
du peché de Superbe en l’Ange est le cõmencement de la gloire en l’hõme.
Vah, vah, vah

FIN.

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Anonyme [1649], L’HERACLITE COVRTISAN. Væ, væ, væ, Superbia commune Nobilitatis malum. , français, latinRéférence RIM : M0_1621. Cote locale : C_5_49.