B.,? [1649], LES SENTIMENS DV VRAY CITOYEN, SVR LA PAIX & vnion de la Ville. Par le Sieur B. , françaisRéférence RIM : M0_3657. Cote locale : C_10_6.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 6 --

essayé de nuire & de causer des desordres : ie suis d’accord qu’ils deuroient estre punis
ou chassez, mais si l’on ne peut les conuaincre ouuertement ou s’ils se trouuent
si fortement appuyez, qu’on ne puisse les choquer sans crouler la machine & sans
ébranler le party, ne vaut-il pas mieux les laisser impunis, & conseruer des membres
inutils que de se les couper ; doit-on s’estonner qu’il y ait des hommes qui s’égarent
dans vne Ville si grande que l’on y compte mille ruës, & qu’il y ait des vertus
malignes cachées dans les estoilles & dans les plantes. Ie veux qu’ils ayent conspiré
& formé des entreprises, quels progrez ont ils fait qui n’ait esté surmonté, &
qui ne le soit encore par le nombre & par la foy des bons, ou plustost par la propre
grandeur de nostre cause qui s’est attiré toutes les puissances du Ciel & de la terre.

 

D’ailleurs, s’il faut s’aider de la Morale pouuons nous, quoy que nostre guerre
soit iuste, forcer les inclinations de tous les hommes & les obliger à suiure nostre
party, s’ils se trouuent engagez dans le party contraire, & finalement pouuons
nous pretendre plus que Dieu qui n’a point assujetty nos volontez, & qui
veut que l’on nous persuade, & non pas que l’on nous violente ; nostre guerre n’est
pas vne guerre formelle pour y pouuoir faire souscrire toute la Nation. C’est vne
guerre de liberté que chacun veut & que chacun par consequent doit auoir, & dans
laquelle nous ne pouuons reputer pour vrays ennemis que ceux qui portent l’estendart
contre nous, il faut lier les mains aux autres, & non pas les mettre en pieces ;
suffit pour nostre seureté qu’ils soient mis hors d’estat de nous nuire, les Magistrats y
ont desia pourueu, le ministere leur a esté soustrait ou limité, & leur puissance est
deuenuë si foible qu’elle est maintenant comme les ombres qui nous effrayent, &
ne nous nuisent pas : separons la raison de l’opinion & de la phantasie, & n’imitons
pas les bestes qui ne distinguent point & qui croyent que tout ce qui les approche
les veut offencer : si nostre cause est saincte elle nous deffend la violence, & ne nous
permet pas de punir les crimes d’intention que la Loy generale, ny prescripte n’ont
point encores condamnez, & que Dieu pardonne à tout le genre humain ; s’ils sont
iniustes laissons les iniustes plustost que de commettre iniustice, & s’ils sont raisonnables
persuadons les par exemple & par raison ; la clemence & la douceur ont
des charmes qui corrompent leurs ennemis & se les consilient, seruons nous de leurs
armes, & faisons comme Auguste qui n’eust plus d’ennemis, dés qu’il sceust pardonner
& bien faire, peut estre en seront-ils vaincus, & que leur hayne ne sera pas
d’vne nature si forte quelle ne se puisse transformer. Les Astres ne sont funestes que
selon leurs aspects, & la terre à des serpens qui seruent à des operations merueilleuses,
laissons donc couler le temps, il est des vertus variables aussi bien que des saisons,
& ces mesmes hommes peuuent bien changez puis que l’homme change sept fois le
iour.

Il faut mieux esperer d’eux & de la fortune de l’Estat ; ils peuuent en estre forcez,
& peut-estre qu’estant reuenus de leur égarement, ils deuiendront plus fideles &
plus ardens que nous, & briseront de leurs propres mains le simulacre qu’ils auront
adoré.

Ce qui me reste à parler & dont ie ne puis me taire, c’est vne dangereuse liberté
qui se rencontre parmy le peuple, non seulement de mal interpreter les actions &
la conduite des Chefs, mais encore de les exposer & les mettre en compromis
quand bon leur semble : les mutins sçauent se seruir de ces occasions, & ie doute
que ce mal ne vienne de l’artifice de nos ennemis, qui nous sappent de toutes parts

Page précédent(e)

Page suivant(e)


B.,? [1649], LES SENTIMENS DV VRAY CITOYEN, SVR LA PAIX & vnion de la Ville. Par le Sieur B. , françaisRéférence RIM : M0_3657. Cote locale : C_10_6.