Caussin, Nicolas (R. P.) [1649], LETTRE DE CONSOLATION DV REVEREND PERE Nicolas Caussin, à Madame Dargouge, sur la mort de Mademoiselle sa fille. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : A_5_39.
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obscures ; ses sollicitations estoient pressentes, & ses negociations
fort heureuses. Mais si l’iniquité des temps, & la malice des hommes
ne font point de fin aux procés, faut-il pour cela qu’elle ne
donnast point de commencement à sa beatitude ? Ne sçauez vous
pas bien que nos Anges gardiens ne sont pas sans fin occupez autour
de nous, mais qu’ils nous quittent auec la vie : C’estoit le bon
Ange de vostre maison, elle vous a rendu tous les deuoirs, elle vous
a sacrifié tous ses soings, elle a parfait la course que l’ordre de Dieu
auoit estably sur ses années : vous fasche-t’il qu’elle soit entrée en
vn doux repos, qui estoit si legitimement deu à son trauail ? Ne
croyez pas, Madame, que pour cela vous soyez destituée : Pour vne
fille enleuée il vous reste quatre fils, tous braues hommes en leur
profession, à l’Eglise, aux armes, aux affaires, & sur tout bons enfans
enuers vne si digne mere. Si vous desirez des filles, vous auez
encore vn Ange du desert, vne Carmelite, tres-grande Religieuse,
qui prie incessamment pour vous. Si la deffuncte a diminué le
nombre de vos enfans, elle n’en a pas retranché le secours. Vous
adjousterez encore que cela est fort surprenant, de la voir mourir
en cette florissante ieunesse, elle qui estoit d’vne parfaite santé, &
qui sembloit deuoir enseuelir tous ceux de la maison. Ne voyez
vous pas que si elle fut morte plus tard, & si elle eust vescu l’aage
qu’elle pouuoit attendre de la nature, vous eussiez esté separée d’elle
par l’espace de fort longues années, mais à cette heure vostre aage
& vos merites vous approchent de plus prés du Ciel, dont elle a
pris possession. La voudriez vous rappeller en ce mõde en vn temps
auquel les morts iamais ne furent moins à plaindre, en vn temps
auquel les yeux pleurent, & les cœurs saignent, auquel la campagne
est en desolation, les villes en frayeur, les vices en regne, & les
desastres en spectacle. Nous deuons tous souhaitter de partir de ce
monde, comme d’vne maison, où les fondemens s’affaissent sous
nos pieds, & le toict croule sous nos testes. Ne tenez point vne fille
perduë, qui est hors des dangers de tant de pertes. Elle sera plus vostre
que iamas ; vous la verrez à toute heure, à tout moment, non
plus dans ces fragiles elemens d’vn corps mortel ; mais dans ces
beaux atours de gloire qui enuironnent les ames du Paradis. Vous
la verrez à l’Eglise, à l’Oratoire, aux allées de vostre solitude des
greues, au repas, au repos, tousiours cét esprit bien-heureux se representera
à vos pensées, & vostre sommeil mesme sera remply de
ses agreables idées. Elle vous dira, ma tres-chere mere, si vous m’aimez,
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Caussin, Nicolas (R. P.) [1649], LETTRE DE CONSOLATION DV REVEREND PERE Nicolas Caussin, à Madame Dargouge, sur la mort de Mademoiselle sa fille. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : A_5_39.