Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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dans le peril, estoit assez suffisante pour nous faire employer nos derniers
efforts à les déliurer, & nous ne pouuions les abandonner sans honte.
A ces considerations de l’honneur se joignoient celles de l’vtilité. Le Deputé
que la ville de Liege auoit enuoyé implorer nostre ayde, offroit de
nous laisser tout le païs pour y prendre nos quartiers d’hyuer, & pour y
jetter les trouppes Allemandes qui auoient desolé la Champagne, & qui
la menaçoient d’vn second orage lors qu’elles rentreroient en garnison.
De plus, comme les forces qui assiegeoient cette Ville n’estoient pas considerables,
ils ne demandoient qu’vn petit secours seulement pour allonger
leur deffence iusques à la fin de la Campagne, si nous ne voulions pas
y enuoyer nostre armée. Et cela afin que ne hazardant point leur Bourgeosie,
ils ne donnassent aucun tumulte ny aucun sujet de remuer à ce qui restoit
d’entr’eux de la faction de Bauiere. Enfin voulant s’attacher entierement
à la France, & se souuenant qu’autrefois pour leur Euesque ils
auoient eu vn Prince de la Maison de Bourbon : Ils demandoient encore
le mesme honneur : & auoient jetté les yeux sur Monsieur le Prince de
Conty. Vous m’auoüerez maintenant MESSIEVRS, qu’il n’y auoit
point d’affaire ny plus importante ny plus glorieuse pour l’Estat, puis
qu’au mesme temps on rendoit la liberté aux Alliez par la force des armes,
on ostoit aux Espagnols vne des plus considerables resource de leur party,
on attachoit inseparablement aux interests de la France vn pays fort riche
& fort grand. Cependant le Cardinal Mazarin preferant, ou la hayne qu’il
auoit pour nostre Maison, ou son interest particulier, au seruice du Roy,
à l’honneur de la Nation, à l’interest du Royaume, non seulement receut
auec caresse le Deputé du Duc de Bauiere : mais se laissant corrompre à ce
Prince qui l’auoit desia trompé, il luy écriuit qu’il ne se mist point en peine,
& que la ville de Liege ne seroit point secourüe. Il obligea le Resident
qui y estoit à desgouster ceux qui s’attachoient à nous. Il jetta la diuision
& le desespoir parmy les plus passionnez : Et ainsi à l’aspect de toute l’Europe
qui voyoit nostre honte, la terreur & la deffiance s’estant mises par
ses artifices, dans l’esprit de ces pauures habitans, cette miserable Ville
nous accusant de sa perte, ouurit ses portes à des ennemis qui y exercerent
toutes les hostilitez imaginables. La liberté des Liegeois fut entierement
supprimée, leurs priuileges annullez, leurs biens exposez au pillage.
Ceux que les interests de France rendoient criminels punis du dernier
supplice, & nostre nom rendu odieux à toutes les Nations. A dire le vray,
MESSIEVRS, si l’on met parmy les crimes de leze-Majesté celuy d’auoir
mal conduit & trahy les affaires, vous demeurerez d’accord qu’en
cette nature d’offence personne n’est plus coupable que le Cardinal Mazarin.
Vous auoüerez qu’il a seul ruiné les trauaux qu’vn habile Ministre
auoit employez pour nous assurer le Liege, qu’il a desnué la France d’vn
si grand appuy, qu’il la remis tout entier entre des mains amies de la Maison
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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.