Anonyme [1649], LE MIROIR FRANÇOIS REPRESENTANT LA FACE DE CE SIECLE CORROMPV. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2480. Cote locale : C_6_22.
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qui pensez vous que cela se soit fait, sinon par nos pratiques ? & qui a
reüni tant de peuples sous l’obeissance du Prince, ou qui les y
maintient auiourd’huy sinon nostre conseil ? Et puis vous direz que nous
sommes sans esprit & sans iugement, vrayement cela est trop absurde,
aussi n’vseray ie point en vostre en droit de ma puissance, ny de mon
authorité pour vous punir. Car ie voy que vous auez plus besoin d’Elebore
que de Ciguë.

 

Et me voila depestré des deux, il ne me reste plus que le troisiesme,
que vous considererez de loing ie m’asseure auec vne petite courte robe
à manche, la toque de veloux sur des cheueux frisez, tout parfumé,
& mignonnement chausse, & pour le reste à peu pres accoustré comme
le Courtisan, qui tout du premier abord nous vient dire, que l’argent
c’est l’ame & le sang des mortels, & par consequent celuy qui en a ne
peut qu’il n’aye de l’esprit. Et certes, dira-il, en vn temps si fascheux,
il faut auoir de l’industrie pour acquerir en huict ou dix annees deux ou
trois cens mille escus contant sans tout plein d’autres rentes & reuenus,
& auec tout cela contenter le Prince sans qu’il se soit plaint de nostre
seruice, si non depuis ie ne sçay quels iours, que de certains brouillons
luy ont voulu faire entendre des choses qui pour n’auoir aucun fondement
s’en iront aussi en fumee. Et si quand on voudroit passer outre,
nous sçauons les moyens d’en sortir, tant nostre esprit a de preuoyance,
que ceux qui semblent nous estre les plus contraires, ce sont ceux
que nous auons pratiquez de longue main. Mais afin que vous ne disiez
point que nostre industrie ne s’estend qu’à nostre profit, combien d’inuentions
auons nous données pour trouuer de l’argent ? Et combien
pensez vous que le Prince en a esté secouru de fois au plus fort de ses affaires ?
mais encore pour vous monstrer que nous auons plus d’esprit
que tous les autres, voyez-vous pas que les Grands nous recherchent &
nous font la cour ? que sans nous en ne peut rien entreprendre ny bien
executer, & que vostre seule presence en vne armee fait plus que celle du
Roy Antigone en la sienne ? Chantez donc icy la Palinodie, & vous
desdisez hardiment, si vous ne voulez encourir la punition d’vn Icare,
& fondre du tout aux rayons du Soleil, puis que vous osez mesdire de
ses ministres.

Or me voicy assailli de tous costez, & ie m’asseure que vous me plaignez,
car i’ay forte partie : toutesfois i’ay pris nouuelles forces, & comme
quelque Atlete aux ieux Olympiques, ie me suis resolu de leur prester
le colet : mais separement, car ils m’out liuré le combat de ceste sorte,
& puis mon Trofee orné de trois Couronnes, rendra par ceste Tiarema
victoire plus glorieuse, & voyons ce que dit nostre Courtisan.

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Anonyme [1649], LE MIROIR FRANÇOIS REPRESENTANT LA FACE DE CE SIECLE CORROMPV. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2480. Cote locale : C_6_22.