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Mazarinade n° A_7_2

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Anonyme [1649], LE POLITIQVE ESTRANGER, OV LES INTRIGVES DE IVLES MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2814. Cote locale : A_7_2.



Representez-vous, ie vous prie, mon pere, que ie suis à la
Cour de France premier Ministre d’Estat, & qu’en cette qualité
ie suis enuié de tout ce qu’il y a d’hommes dans le Royaume
qui ont veu ma fortune naissante. Le sieur de Chauigny
qui estoit autrefois mon amy intime, est vn de ceux qui se
peuuent apparemment plaindre de moy, mais sans fondement.
Il prend pour pretexte que ie luy promis dans les premiers
commencemens de ma fortune, & lors que le feu Roy me
choisit pour le maniement des affaires de son Royaume, de
luy faire part de mon Ministere auec pareille authorité que
moy, en sorte qu’on pourroit dire que nous gouuernerions conjointement.
Cela est vne chimere qu’il s’estoit forgée à plaisir,
car le moyen que deux hommes esgaux en pouuoir & en authorité
puissent gouuerner vne Monarchie ensemble sans se diuiser
vn iour, & sans y former vn double party.
Il est absolument faux que ie luy aye iamais donné de parole
pour luy faire part de mon Ministere si aduantageusement, & il
a esté de ma prudence & de mon addresse de me deffaire de luy
insensiblement, comme i’ay fait ; luy faisant en premier lieu
vendre sa charge de Secretaire d’Estat à vn homme qui n’a
point d’esprit, laquelle luy donnoit entrée dans les affaires
malgré que i’en eusse, & qui luy pouuoit seruir vn iour d’occasion
pour renuerser ma fortune, quand il en eust trouué la conioncture
commode pour luy. Ie l’ay sevré peu à peu de la connoissence
secrette de mes affaires & de mes desseins, afin de
me rendre maistre absolu, & independant de luy & de ses
conseils.
Or comme il estoit impossible qu’estans tous deux amoureux
d’vne mesme maistresse, qui consistoit à gouuerner l’Estat
en France, nous peussions en posseder la iouïssance conioinctement
sans ialousie, & sans mettre la diuision entre nous deux,
qui eust fait perir l’vn & l’autre vn iour. I’ay esté obligé de rompre
enfin auec luy entierement, comme i’ay fait, parce qu’encore
que ie ne luy fisse que fort petite part de la connoissance des
affaires, ie voyois qu’il ne perdoit pas esperance d’y rentrer, &
qu’il se tenoit à vn poste qui me faisoit ombrage. Car demeurant
à la Cour auec toutes ses habitudes anciennes & toutes ses intrigues,