[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° A_7_54

Image de la page

Anonyme [1649], LE TABLEAV DES TYRANS FAVORIS, ET LA DESCRIPTION des maluersations qu’ils commettent dans les Estats qu’ils gouuernent. ENVOYÉ PAR L’ESPAGNE A LA FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_3746. Cote locale : A_7_54.



Dés que ce nouueau Administrateur de tous mes Estats eut gagné
par ses charmes la bien-vueillance de son Prince, il eut cette
addresse de ne souffrir plus qu’auec beaucoup de peine, que les
grands du Royaume eussent d’entretiens particuliers auec son Monarque.
Son naturel vain & altier, ne luy faisant regarder les principaux
Officiers de ma Couronne qu’auec mespris, leur donnerent
en peu de iours tant de diuers sujets de mescontentemens, que la
Cour ne fut plus guere frequentée que de ses Partisans, & gens de
sa ligue. Le Roy ne voyant plus si souuent qu’à l’ordinaire ces viues
lumieres qui auoient accoustumé d’éclater auprés de sa Maiesté,
se plaint de leur absence : mais ce Fauory sceut si adroittement
diuertir l’esprit de ce Prince de cette pensée, qu’il luy en osta presque
du tout la memoire. C’est ce qui fit, que n’ayant plus accoustumé
de voir auprés de soy, que le Comte, qu’il fit Duc, & Grand
de mon Estat, & dont l’hypocrisie & la dissimulation luy faisoient
ioüer tel personnage qu’il luy plaisoit. Il le prit en vne si grande
affection, & son humeur complaisante luy pleust tant, que tous
les obiects qui luy auoient esté autresfois agreables, commencerent
à luy estre indifferens.
Ce nouueau Fauory ne manqua pas de se seruir de l’astuce, & du
stratageme dont vsent ordinairement ceux qui veulent s’éleuer
dessus les espaules des Roys ; l’amitié de son Prince ne luy suffit pas,
si auec sa bien-vueillance, il ne tire des marques de ses liberalitez,
& de ses largesses. Il receut en peu de temps de si riches dons, que
quand on eut cessé de luy en faire plus, il eust tousiours esté riche
toute sa vie. Il ne se contente pas d’épuiser les finances du Roy, il
veut s’enrichir de celles de tout mon Royaume. Enfin, à l’imitation
de vos Richelieu & Mazarin, grande Reyne, il fit tant de leuées
excessiues sur mes peuples, que ses exactions furent cause que
les Portugais, secoüant le ioug de cette tyrannie se redonnerent au
sang de leurs anciens Roys, & que la Catalogne oppressée de mesme
sorte, se mit aussi entre les mains du vostre, qui ne fut pas vn
petit aduantage pour vostre gloire, ny pour vos desseins.
Quoy que ce mal fut assez grand pour estre plaint, & obliger
promptement mes Estats restans dans mon obeyssance, à
demander punition de l’autheur de tant de desordres : Neantmoins
cette extraordinaire affection qu’auoit pour luy son Monarque, fut
le suiet qui obligea mes peuples à se voir arracher ses entrailles, &
les miennes, sans en oser rien dire. Ce coup de malheur toutesfois,
se fit ressentir auec le temps si preiudiciable, & à la Couronne
d’Espagne, & à tous les plus Grands du Royaume, qui s’estoient
volontairement bannis de la Cour, qu’on commença de murmurer
contre l’autheur de nos disgraces, & à plaindre mon infortune.
En vn instant le bon Genie du Royaume, fit naistre dans l’esprit de
plusieurs grands Personnages, le genereux dessein de reuoir l’Escurial,