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Mazarinade n° D_2_8

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Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : D_2_8.


continüer ces tristes resolutions de faire vn anatheme de cette Ville,
& de l’abismer sans ressource. Si vostre Conseil s’imagine que c’est
vne justice de ruyner Paris, vostre Royaume croit que c’est vne plus
grande justice de le conseruer pour le Roy vostre Fils ; Si vostre Conseil
iuge qu’il le faut faire perir de faim, la Loy de Nature qui est plus
ancienne que les Sceptres, dicte à vostre peuple qu’il doit faire le possible
pour se garantir du plus triste des fleaux : S’il a pris les armes,
c’est pour vous conseruer vne Ville remplie de bons sujets, & empescher
qu’elle ne deuienne vn tombeau de corps morts ; il ne seroit plus
ce qu’il est s’il n’estoit armé, il se garde pour le Roy & pour vous,
croyant que sa perte est preiudiciable à l’Estat, & à vostre reputation.
 
Ce que les dehors de Paris ont souffert, monstre assez ce qu’on a voulu
faire au dedans : on a fait vn degast de biens infinis, horrible & espouuentable,
tel que les plus rigoureux ennemis l’eussent pû faire, &
tel que les peuples les plus abandonnez le pouuoient souffrir. Qu’ont
fait ces pauures gens, sinon prier pour vous, sinon trauailler nuict &
iour, pour vous preparer les tributs qui vous nourrissent ; & pour vous
auoir aymé plus qu’eux-mesmes, ils sont reduits à brouter l’herbe.
Qu’ont fait tant de millions d’ames innocentes qui sont dans Paris,
pour les immoler au plus cruel des supplices, & leur oster le pain qu’ils
vous ont incessamment donné. Helas ! MADAME, escoutez vostre
propre bonté qui vous parle au cœur, & voyez dans quelles horreurs
vous enueloppez sans y penser cette vertu qui nous paroissoit hors la
Regence, & quels commandemens vous faites donner au nom du
Roy, que l’on contraint de toucher au sang de ses Sujets, & de rougir
les Fleurs de Lys en vn aage, auquel il les doit blanchir par son innocence :
Les perles de vostre Couronne en ternissent sur vostre teste, &
se pourroit-il faire que vostre cœur n’en fut pas encore touché ? Ne
craignez-vous point, MADAME, ce compte espouuentable qui vous
rendra redeuable au Tribunal de Dieu ? Ne craignez-vous point que
les larmes des infortunez, qui montent au Ciel, n’affilent l’espée de la
Iustice diuine pour la tourner contre vostre Royalle Personne, que
nous honnorons & aymons tendrement iusques dans nos disgraces.
MADAME, ie voudrois icy espargner vos oreilles, & vostre cœur :
mais la fidelité que i’ay voüée à V. M. pour la seureté de sa conscience,
& l’honneur de sa conduite dans l’Estat, m’en empesche. Apres
tant de seruices, permettez-moy vne seule liberté : Les Conseils qui
plaisent le moins, sont souuent les plus vtiles. Vostre Majesté sçait
assez de la voix publique, qui dit qu’vn seul homme est le Principe de
tous ces grands maux qui nous menassent d’vne entiere dissipation de
la France : Ie ne veux point tremper icy ma plume dans le fiel pour le
vous dépeindre auec des aigreurs dont i’auray tousiours horreur. Ie
veux qu’il soit innocent, ie veux qu’il soit excellent homme. Ie veux
si vous le croyez ainsi qu’il soit vn parfait Ministre d’Estat ; Mais si la
creance de tant de millions d’hommes qui sont dans vostre Royaume
repugne à cette pensée, & si nous auons euidence que toutes ces horribles