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Mazarinade n° D_2_8

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Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : D_2_8.


sang, dans vn cœur qui sent tant de fois le sang de IESVS-CHRIST
couler parmy ses veines ? Les Trônes, dit sainct Denys, sont sans
passion, & les boüillons de la colere ne peuuent compatir auec les
feux qui sont allumez par le soufle du sainct Esprit. Vostre Maiesté
est trop bien apprise pour ne sçauoir pas l’Escriture, qui dit, Que qui
cherche la vengeance de l’homme, trouuera celle de Dieu. Elle a trop
de connoissance pour ignorer que la vengeance d’vn seul hõme a cousté
cher à plusieurs grands ; & que celle qui se porte sur tant de milliers
de suiets, est extremement dangereuse, Si vn Roy n’y a du succez,
il offense sa Couronne ; & s’il y reüssit, il déchire ses entrailles.
Il arriue rarement que les appetits de se vanger succedent comme on
les a projettez : Il y a vne main du Ciel qui les arreste, & qui nous apprend,
que lors qu’on delibere de la fortune d’autruy, il faut appeller
la sienne au conseil.
 
Qui vindicari
vult, à
Domino
inueniet
vindicta ?
Eccli.
28. 1.
Mais peut estre que vostre Maiesté croit, que ce qu’elle fait est vne
œuure de iustice, qui ne rend point à d’autre but que de maintenir
l’authorité Royale : si c’est vne iustice qui vient de Dieu, pourquoy
l’estendez vous au de là des Arrests de Dieu ? Il a voulu pardonner à
vne grosse Ville pour dix hommes iustes, & vous en voulez perdre
vne cent fois plus grande & plus illustre, pour quatre ou cinq hommes
que vous estimez injustes. Il n appartient qu’à Dieu d’estendre
les peines des coupables, mesme sur la posterité : Mais les Roys, quoy
qu’ils puissent priuer vne communauté entiere de leurs faueurs, pour
le peché d’vn particulier, ne peuuent toutefois selon les Loix de la
conscience, liurer aux tourmens & à la mort des ames innocentes, en
vengeance de quelques criminels. Sainct Thomas dit expressement,
qu’il n’y a aucune raison ny de Religion ny d’Estat, de tuër vn homme
non coupable, sans offencer Dieu mortellement ; & quoy que cela s’excuse
auec peine en vne Guerre iuste où il se faict indirectement, il ne
se peut pas toutesfois excuser en cette action, qui procede par voye
de chastiment, & non de Guerre legitime.
S. Thom
2. 2. 9.
64. ar. 6. In nullo
casu licet
occidere
innocentem.
Les Fauoris vsurpateurs, font tout entreprendre aux Princes sous
couleur de la conseruation de leur Estat, comme si cét Estat estoit vne
Diuinité independante de l’Euangile : mais qui ne voit que par ce
moyen on iustifieroit tous les crimes, & qu’il y auroit lieu d’excuser
Herode, apres auoir passé l’espée par le corps de quatorze mille innocens
pour en tuer vn seul, en disant qu’il s’y sentoit obligé pour le
bien de son Estat ; mais qu’est-ce que l’Estat d’vn Roy sinon son peuple,
qu’il ne peut ruïner sans se perdre, & qu’il conserue auec vne soigneuse
espargne pour se conseruer.
Il est tres-dommageable, de faire perir vne grosse Ville & vn grand
peuple, selon la conscience, & selon l’Estat. Ie dis selon la conscience,
parce que c’est entreprendre sur les pouuoirs de Dieu qui est ialoux
de sa Gloire, & qui sçait la mesure de ses vengeances. C’est vn coup