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Mazarinade n° C_10_29

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Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT, A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : C_10_29.


C’est vouloir faire plus que Dieu, que de perdre des Villes entieres pour
vne opinion d’authorité, qu’il n’a iamais perduẽs que pour des crimes
execrables. Quand il vient pour chastier Niniue plongée dans de tres-
grands pechez, il s’arreste & pardonne, parce que, dit il, il y a des enfans,
& des simples gens, qui ne sçauent discerner entre la main droite
& la main gauche, outre quantité d’animaux qui n’ont rien demerité.
Dieu pardonne en consideration mesme des bestes : & vous ne voudriez
pas pardonner pour l’innocence, pour la vertu, pour tout ce
qu’il y a de sacré & de diuin ? Mais on dira, que vous n’en voulez point
au peuple de Paris, qu’il vous liure le Parlement, & vous voila contente.
C’est vne question agitée par les Theologiens Scholastiques, qui demandent
si on peut liurer vn seul homme innocent à la mort, pour appaiser
les choleres d’vn Grand, qui veut qu’on luy liure, autrement qui
menace de saccager toute la ville. Tous respondent qu’il n’est pas permis
de luy liurer, parce qu’on ne peut authoriser vn peché par le succez
d’vn bien temporel. Le Peuple de Paris croit que ses Magistrats
sont innocens ; qu’ils ont souffert pour vne bonne cause, pour la verité
& pour la iustice : S’il les croyoit ennemis de l’authorité du Roy, il les
mettroit en pieces. Mais ayant de tous autres sentimens de leur vertu
& de leur fidelité, il ne peut, ny ne doit les abandonner à la discretion
d’vn Ministre estranger. C’est vn Peuple trop illustre & trop conscientieux,
pour se faire le bourreau de gens de cette qualité, & de toutes autre
que ce soit.
 
Sap. 12.
12.
Matth. 22.
Ions cap.
vlt.
Gregor. à
Valentia
in 2. 2. q.
de homici
dio, dicit
omnes ita
sentire.
Si la consideration de la Religion resiste au dessein de V. M. les raisons
d’Estat n’y sont pas moins contraires. Le plus sage des Politiques, Auguste
Cesar, disoit que ce n’estoit pas le fait d’vn habile homme en matiere
de Gouuernement, d’entreprendre vne affaire où il y a plus à perdre
qu’à gaigner. En celuy-cy, MADAME, vous perdrez beaucoup,
& vous ne gaignez rien. Vous perdez Paris, qui est vn demy Royaume
de France, comme si vous couppiez vostre Couronne par la moitié.
C’est la Reyne des Villes, le Throsne des Roys, le plus haut lustre de
l’Estat, qui fait la terreur de vos Ennemis, la gloire de vos Suiets, & l’admiration
de tout le Monde. C’est le seiour de la plus haute pieté, la
Mere des Sciences & des Arts, le lieu des grandes affaires, la Depositaire
des Trophées & des Couronnes. C’est de là que vient le secours
des armes le plus present, l’argent le plus net & le plus prest, que les
Parisiens ont tousiours payé auec vne diligence qui n’a rien de pareil
que leur fidelité.
En outre, ruinant Paris, vous touchez à la Clef de la voute : vous
esbranlez toutes les villes qui ont leurs alliances, leurs commerces,
leurs correspondances dans Paris. Il n’y a presque personne en France,
qui ne s’estime comme Bourgeois de Paris, & qui ne prenne part
à sa prosperité, & qui ne s’afflige de sa perte. Quelque succez que
V. M. puisse auoir de cette entreprise, il faut perdre l’argent & le
sang de vos Suiets. Et vous auez desia perdu à la prise d’vn Village