[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° A_3_13

Image de la page

Anonyme [1649], L’ADIEV DE MAZARIN A MONSEIGNEVR LE PRINCE, Auec la response qu’il luy a faite pour l’empescher de partir. , françaisRéférence RIM : M0_39. Cote locale : A_3_13.


bien que la personne des Roys est sacrée, & que leurs fauoris le sont aussi : Ce
sont toutefois ceux qui sont dignes de la faueur qu’ils ont receuë, & non pas
ceux que les Roys des-aprouueroient s’ils les connoissent. Comme les priuer
des vns est vn crime, les deliurer des autres est generosité ; & dans ce rencontre
ie doute de quelle nature est le feu de ceux qui vous en veulent, & ie ne
concluë point que cette ardeur soit vostre iustice, à cause que c’est celle du
peuple, bien souuent iniuste. Car enfin Monsieur, le peuple seul ne vous accuse
pas, vn Parlement tout entier fait la mesme chose auec luy. De sorte que
pour vous blasmer, les petits s’accordent aux grands, & les fols se ioignent aux
sages. On vous charge de diuerses sortes de crimes ; & comme en deuenant vostre
protecteur, se suis en quelque sorte deuenu vostre plege. Si vous vous en
allez sans vous iustifier, vous laisserez icy l’innocent en la place du coupable.
Dequoy, si vous estes criminel, ne m’accuseroit-on pas si ie souffrois vostre depart ;
& si vous estes iuste, que craignez vous ? il faut necessairement que ie
rende compte de vostre personne, si vous ne le voulez faire vous mesme. Les
François sont suiets aux souleuements, ditte-vous. Faites nous voir bien clairement
auiourd’huy que ce qu’ils font soit vn effet de mauuaise habitude, autrement
nous croirons que c’est plutost vn trait de iustice. Ce n’est point la
coustume en ce pais aux accusez de condamner les accusateurs, ny aux offenceurs
de pardonner aux offences. Vous pratiquez icy d’estranges maximes, &
ie crains que les precedentes ayent esté semblables. A ne vous rien dissimuler,
vos façons de faire sentent vn peu l’Espagnol, il y a de l’enfleure en vos paroles ;
& quand vous montrez vn courage bas, vous employez des discours bien
superbes. Ie vous coniure Monsieur de penser que vous estes en France, &
que vous n’en estes pas encore sorty : On ne quitte pas le gouuernement d’vn
Estat, comme on fait la conduite d’vne Cabane ; & apres auoir penetré iusques
au fond des intentions d’vne Monarchie, cette mesme Monarchie doit
estre en suite vne prison perpetuelle. Ce n’est pas que ie me deffie de vous, &
que ie croye que le Roy eust suiet de craindre qu’vn iour vous peussiez trahir
son seruice. Apres l’honneur que vous en auez receu, ie veux croire que vous
en sçaurez conseruer vn digne souuenir ; Mais considerez Monsieur, qu’apres
vous auoir si bien soustenu, il n’est pas iuste que vous m’abandonniez. S’il arriuoit
quelque desastre a l’Estat apres vostre fuitte, ou ne m’en estimeroit pas
innocent, & ie vous en croirois coupable. On s’imagineroit tousiours, quelque
chose que ie fisse, que ie serois d’accord auec vous pour profiter de ces infortunes.
Ie vous prie, donnons de meilleures impretions aux peuples de ma
vertu & de la vostre, & taschons de reprendre cette estime que nous auons peu
s’enfaut perduë. Vous voyez de tous costez quel effort se prepare contre nous.
Vous sçauez que ce n’est point moy qui ay coniuré cette tempeste, s’y elle doit
tomber sur quelqu’vn, où fuyez vous ? Est-il iuste que pour vous auoir deffendu
vous vous ostiez du peril, & vous m’y laissiez ; & s’il ne faut rien craindre
de ce qui nous menasse, où fuyez-vous ? Est-il iuste que vous abandonniez
la victoire par vostre fuitte, & que ie sois contraint apres vostre depart, ou d’estre
vaincu, ou de combattre tout seul & sans cause contre ma patrie. Cette
guerre tant que vous demeurez porte vostre nom, & c’est ce qui couure ma
saute : Car enfin ie doute tousiours que ce ne soit vne faute que i’ay faitte ; &
si vous voulez m’oster ce fascheux soupçon, & m’obliger à vous continuer
mon affection, demeurez.
 

FIN.