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Mazarinade n° A_3_13

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Anonyme [1649], L’ADIEV DE MAZARIN A MONSEIGNEVR LE PRINCE, Auec la response qu’il luy a faite pour l’empescher de partir. , françaisRéférence RIM : M0_39. Cote locale : A_3_13.


de toute la terre ensemble, & ce m’est vn extreme bon heur parmy mes malheurs,
me voyant persecuté d’vne lasche populace, de me voir protegé par vn
bras victorieux & triomphant. En cet estat glorieux Monseigneur, quoy que
meditent mes ennemis, ie pourrois sans presomption esperer d’en prendre
vengeance. Vous estes en possession de vaincre, & moy ie pourrois aisement
entrer en celle de punit. Mais à quoy m’auroit seruy d’entrer dans l’Eglise, si ie
voulois faire comme le reste du monde : Ce n’est point par vn chemin de sang
& de carnage que nous montons dans le Ciel. Sainct Pierre ne donna iamais
qu’vn coup de son espée, encor fut elle aussi-tost remise que tirée : & les Disciples
qui le suiuoient n’auoient point de mains pour frapper, ils se contentoient
des cœurs pour soupirer. Dans le rang que ie tiens ie ne dois auoir d’autres
armes que mes plaintes & mes prieres ; ie vois vn peuple forcené qui m’outrage,
auec des yeux dont le cœur attendry leur pardonne. Ie craindrois mesmes
d’obeïr au Seigneur, & quoy qu’ils me chassent ie ne secouë point contreux
la poudre de me pieds, i’ayme mieux ouurir sur eux la source de mes
larmes. Le Ciel me sera tesmoin de quel ame i’ay gouuerné les affaires de ce
Royaume qui me persecute, & qu’apres la deuotion que i’ay pris peine a y introduire,
leur haine est en eux vne espece de barbarie, & en moy vne espece de
martyre. N’importe, les douleurs, les peines, & les suplices du monde sont les
marques infaillibles des seruiteurs du Maistre, qui patiemment y a enduré toutes
ces choses. A dieu donc Monseigneur, ma pieté m’ordonne que ie me retire.
Quant on nous poursuit en vn lieu, il faut que nous fuyons en l’autre ; me roidir
contre la necessité me seroit vn peché preiudiciable. Ie cours dẽcques où mon
destin m’appelle, abandonnez le Monseigneur, & suiuez le vostre ; vous estes
l’amour du peuple comme i’en suis la haine. maintenez la gloire que vous vous
estes acquise, & ne l’abandonnez point auec vne fortune miserable.
  Monsieur le Prince au Cardinal.
MONSIEVR, Ie suis bien esloigné de vous accorder vn dessein dont ie
vous veux diuertir. Vous entrez trop tard dedans les maximes de l’Eglise,
& vous m’apprenez icy de fait vne estrange reuolution des choses, quand
vous voulez ioüer le personnage de deuot. Si l’on sçauoit à Paris le discours
que vous me faittes icy, l’on se mocqueroit de vous & de moy ; de moy qui
vous escoute, & de vous qui m’en entretenez Vous tesmoignez [1 mot ill.] ce rencontre
moins de pieté quede manque de courage. L’on ne nommeroit point vostre
depart vne retraitte, l’on l’appelleroit vne fuitte ; & ce peuple que vous
mesprisez si fort dresseroit des trophées de vostre déroute, aussi tost
que vous seriez party. Vous n’apprehendez point dittes-veus les iugement
d’vne populace, bien souuent Monsieur, ils sont pourtant la voix
de Dieu. Ie ne sçay si vous meritez la haine qu’on vous porte ; Mais
quand ie la voy si constante & si generale, & que vous me descouurez
vostre terreur & vostre crainte, cy ie n’ose le croire ie n’ose non plus en douter.
Vne ame innocente n’est iamais craintiue ; & l’õ peut faire mourir vn cœur genereux,
mais nõ pas le faire trũbler. Ne vous imaginez pas que l’affection de
la Reyne ny la mienne vous iustifi[3 lettres ill.]. Bien souuent les Grands sont plus aueugles
que les plus petits ; & quand ie considere que tant d’yeux ensemble voyẽt
vne mesme chose, i’ay peur que ie me trompe d’en croire voir vn autre. le sçay