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Mazarinade n° C_7_49

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Anonyme [1649], DISCOVRS DE LA CLEMENCE ET DE LA IVSTICE, AV PARLEMENT, pour & contre Iules Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1114. Cote locale : C_7_49.


DISCOVRS DE LA CLEMENCE
& de la Iustice, au Parlement, pour & contre
Iules Mazarin.

LA CLEMENCE.
Qvoy qu’on puisse dire, Seigneurs Illustres, vous n’en serez
pas moins glorieux quand vostre clemence aura quelque
part à vostre justice. I’entens bien que la France entiere crie
apres vous contre Iules Mazarin. Ie sçay moy mesme que
c’est vne ame plus noire que son chapeau n’est rouge. Et sans
dépeindre par le menu ses meschancetez, c’est assez exprimer ses vices que
de dire qu’il ne vaut du tout rien. Imaginez vous encore si vous voulez vn
degré de démerite plus bas ; vn estage de malice plus profonde que la sienne,
si est-ce encore quelque chose digne de vostre bonté : & mesmes si vous
considerez jusques au fons l’horreur de ses crimes, il me semble que plus ils
sont grands & plus ils sont vne illustre matiere à vostre clemence.
Que c’est vne belle chose que de sçauoir vaincre les plus violentes passions !
Que la victoire est glorieuse qui limite l’impetuosité des mouuemens
qu’vn puissant objet excite ! A considerer Iules Mazarin, l’objet de
vos magnanimes entreprises ; je ne doute point que l’ame ne voulust sortit
d’elle mesme pour fuir vne si funeste presence, & que dans l’impossibilité
de le faire, elle ne s’armast de la plus violente colere pour la cõbatre & pour
la détruire : Mais que c’est vn laid spectacle que l’image d’vne ame en furie ;
& que c’est vne belle chose que la peinture d’vn esprit serain. Vn cœur ne
peut éclater sans le desordre & le renuersement de toute l’œconomie : &
cette mer hideuse & grosse de vents de foudres & de vagues, ressemble par
vne horrible confusion, vn combat où les elemens expirent, & où la nature
jette les derniers soûpirs. Tout cela, Messeigneurs, sont les tristes marques
de la foiblesse des choses, elles ne seroient point emeuës si elles auoient plus
de stabilité. Ce seroit donc vne marque indigne à la grandeur de vostre
courage ; que cét ébranlement d’vne haine & d’vne colere violente, qui ne
sont que les suites d’vne foiblesse extreme. Les bas mouuemens de vengeance
ne sont bons que dans les ames ordinaires. Vn corps de sages ne
doit point agir à la façon des communs esprits. Considerer auec froideur
ce qui embrase d’indignation tout le reste des hommes, est vne action seule
digne de vous, & trop noble pour eux. Ie ne vous dy point que quand on
a le pouuoir de nuire à vn ennemy, luy pardonner est vn relaschement plus
glorieux que la vengeance ne seroit douce. Il vaut mieux vous dire que
l’exemple est à suiure, & les commandemens à obeïr, de celuy qui veut que
nous par dõnions à tout le monde : de ce Dieu si bon & si puissant, qui voyant
sous son pouuoir tant de coupables, montre sur sa justice tant d’indulgence.
Vous serez, mieux touchez, Messeigneurs, par l’objet des douceurs infinies