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Mazarinade n° A_3_53

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Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premiers Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : A_3_53.


des arbres : Et par tout vous y trouuez vn nombre infiny
de petits oyseaux qui entonnent continuellement mille
diuers Cantiques d’amour & de ioye. Neantmoins comme
l’homme est d’vne nature à ne se pouuoir iamais bien
satisfaire, & que la volupté sensuelle a tousiours son desir
porté au changement, aussi bien que le Dieu que Lucian
a mis en sa Fable, il me prit enuie d’aller plus loin, pour
voir si ie trouuerois quelque chose de plus rauissant ou
de plus sortable à ma melancholie. Mais à mesme instant,
par quelque espece de fatalité que mon esprit ne sçauroit
comprendre, ie me trouuay tellement assoupy, que ie fus
contraint de me coucher sur vn beau tapis esmaillé de
fleurs que la terre auoit tissu de ses propres mains, afin de
reposer mon humanité, quelque resistance que ie pûs
faire contre ce nocturne Dieu de Cimmerie. Si bien que
cét ordinaire enchanteur de mes ennuis, ne m’eust pas
plustost fermé les yeux, que contre l’ordre de la Nature,
il me fit voir deux chemins qui naissoient d’vn mesme
endroict, & qui se separoient insensiblement l’vn de l’autre,
comme s’ils eussent eu quelque inimitié, & cõme s’ils
eussent eu dessein de ne se reuoir iamais plus ensemble.
L’vn estoit si desert, si raboteux, & si plein d’espines, qu’à
peine pouuoit-on passer sans courre risque d’y mourir de
faim, & sans courir risque d’y souffrir le martyre. Et l’autre
estoit si battu & si plein de monde, que cela n’est pas
croyable. De sorte qu’à l’imitation des autres, ie passay
plus outre ; mais à peine eus-je fait autant de chemin qu’il
y en a depuis le Palais Cardinal iusques à la Greue, que
ie me vis dans vn lieu, où il s’esleua vn desordre si espouuentable,
que tout le monde croyoit estre perdu. Iamais
homme du monde ne fut plus estonné que moy, de se
trouuer en telle nopce. Et certes ie le fus bien encore
dauantage quand i’ouys dire que nous estions en Enfer,
parmy les plus abominables esprits de la Nature. Ie n’eus
pas si tost ouy prononcer ma sentence que i’entends redoubler
ce tintamarre plus fort qu’auparauant ; si bien
que les plus anciens habitans de ce miserable Empire
confessoient qu’ils n’auoient iamais rien veu de sẽblable.