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Mazarinade n° D_2_21a

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Anonyme [1649], DISCOVRS DE LA CLEMENCE ET DE LA IVSTICE, AV PARLEMENT, pour & contre Iules Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1114. Cote locale : D_2_21a.


plus qu’à trembler. Vne generale terreur saisit tous les esprits qui craignent pour
leurs corps, en craignent pour leurs biens. Celuy-cy doit & n’a rien, & celui-la
meurt de faim qui n’est riche que de ce qui luy est deub. Double impuissance au
debiteur & au creancier. Tout est ruiné. Tout est dans les coffres d’vn brigand : &
cependant ces harpies tous les iours crochettent ceux du pauure Bourgeois, dans
lesquels l’air est la seule chose qui reste. Cruelle barbarie ! ils veulent toutefois
qu’on leur donne ce qu’ils demandent : & si quelqu’vn refuse par impuissance, ils
le traisnent aux plus estroites prisons ; comme si à force de le presser & de l’opprimer,
ils pourroiẽt tirer de luy ce qu’il n’a point. Dans les horreurs d’vne si violente
tyrannie, chacun seroit encor bien aise d’auoir perdu ce qu’il a donné, s’il pouuoit
conseruer ce qu’il a sauué. Mais ces desirs sont sans esperance. S’il a donné quelque
chose au voleur public, il n’a plus rien, ou c’est encores pour le luy garder : & l’attente
de perdre ce qui reste, augmente la douleur d’auoir perdu ce qu’il n’a plus.
Encores s’il ose se plaindre parmy des atteintes si cruelles & si douloureuses ; chaque
parole est autant de crimes qui confondent dans la perte des biens celle de la
vie. Ainsi le Bourgeois dans sa boutique ouuerte, a le cœurr ensemble fermé
auec la bouche ; & ne sçachant s’il est là pour vendre ou pour donner ; il doute s’il
attend vn Marchand ou vn Bourreau. Ainsi tout commerce est arresté, & il ne se
void plus d’affaires que celles des concussionnaires. Voila l’estat déplorable où
ce voleur homicide a mis toute la campagne & toutes les villes de France.
 
Ie ne dis rien de celuy où est reduite la Maison du Roy, vos yeux, Messeigneurs,
n’ont point d’objet plus prochain ny plus sensible. Vous auez à tout moment apperceu
les cruelles & sanglantes marques de sa perfidie & de sa déloyauté : Il ne
s’est point treuué d’ame fidele en cette Maison Royale qui n’ay souffert la rage de
cét infidele seruiteur. Il a fallu obeïr à ses passions criminelles, ou quitter le iuste
seruice de nostre Monarque. Il a fallu receuoir l’inspiration des Demons qui le
gouuernent, ou sortir du gouuernement d’vne si belle & si grande œconomie. En
fin il en a tellement retranché les membres qui ne se sont pas voulu reflechir vers
luy, comme à leur Chef ; qu’il a fait de la Maison du Roy vne retraite d’infames pilleurs,
qui ne rendans compte qu’à luy du succez de leur violence, n’attendoient
que de luy le fruict de leurs crimes & la recompense de leurs vices. C’est ainsi qu’il
a rendu le Roy le plus pauure de son Royaume, & qu’apres luy auoir tout osté, il
l’a fait son debiteur, & celuy de tous ses subjets. C’est ainsi que mettans vn pied
sur le trône de l’autre ; il a foullé indignement & superbement toute la France.
Qui peut douter apres tout cela qu’il n’en soit l’ennemy juré ? Ce seroit assez
que de dire qu’il est né sujet du Roy d’Espagne : Il a pris dans cette naissance l’antipathie,
dont tous les François ont souffert les cruautez. Mais quand cette preuue
de son inimitié mãqueroit, sa haine d’ailleurs est trop visible pour en douter encor
auec raison. Ie ne veux point icy alleguer contre luy de quel estrange biais il conduit
les armes de ce Royaume. Comme quoy il est ordinairement aux risques de
tout perdre : Si Dieu qui dispose des propositions des hommes ne faisoit reüssir au
rebours les desseins pernicieux. Ie ne veux point le charger de ce qu’enuoyant assieger
des places dans le cœur du païs ennemy, il fait passer les troupes Françoises
à la mercy de leurs bras. Qu’il faut costoyer toutes leurs forces pour les aller
attaquer. Que passans à la bouche quasi des canons de leurs villes fortes ; c’est leur
mener du butin que leur aller ainsi faire la guerre. Que les frontieres des ennemis