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Mazarinade n° C_7_36

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Anonyme [1649], DISCOVRS D’ESTAT ET DE RELIGION, Sur les affaires du Temps present. A LA REINE. , françaisRéférence RIM : M0_1106. Cote locale : C_7_36.


pu faire germer des fruits si amers, & qu’vn si noble edifice se soit
renuersé sur de si solides fondemens, sans vne cause étrangere. Ce
sont peut-estre nos pechez, MADAME, qui nous ont attiré ce
changement, pour nous apprendre que la prudence humaine n’est
que folie deuant Dieu, & que nous ne deuons establir de confiance
qu’en luy. Nous voyons clairement que ses verges ne nous sont pas
moins necessaires que sa consolation, & que personne ne se peut dire
fort qu’apres l’espreuue. Nous faisons beaucoup de vœux dans
la tempeste, qui s’éuanoüissent au port, & laissons ordinairement
des impressions de nous dans nostre affliction, qui se conuertissent
en reproches aussi-tost qu’elle a changé de face. Nostre esprit est si
foible, qu’il ne sert que de ioüet aux vents, & nous rendons souuent
nostre Sentence plus solennelle par la condẽnation d’autruy. Nous
ne sçaurions nous plaindre de la droicture des intentions de vostre
Majesté, ny regarder les commencemens de vostre Regence, sans y
voir reluire de grandes benedictions : & nous ne pouuons comprendre
pourquoy elles sont si visiblement décheuës, sinon que nous en
ayons plustost voulu attribuer la cause à la conduitte des hommes
qu’à Dieu. Les moindres manquemens de cette nature enuers luy
en attirent d’autres, & les Rois doiuent prendre garde sur tout à
ne se laisser pas surprendre. Il est plus jaloux de leur deuoir en ce
point, que de tout le reste des hommes : parce qu’il ne leur a mis le
Sceptre en main, que pour luy rendre les premiers hommages, & le
faire reconnoistre à leur exemple entre les peuples. Souuenez-vous
MADAME, de ce qui vous fut dit en 1646. dans vne celebre
harangue, que vous auiez triomphé iusques-là de vos ennemis, parce
que Dieu auoit pris vostre cause en main : & que si vous abandonniez
la sienne, vos ennemis triompheroient de vous. Les impies
d’vn Estat sont comme vn air corrompu, qui attire la peste, & la negligence
de ceux qui ont droict de le purifier, est vn peché qui
se respand par tout. Les innocens y sont punis pour les coupables,
par l’attachement que Dieu a mis entre les Rois & les Peuples.
Mais quand les Peuples ont esté punis pour le peché des Rois, il ne
manque iamais de chastier les Rois, pour venger le sang des Peuples ;
Ses jugemens sont des abysmes que nous ne sçaurions comprendre,
& sa Iustice y regne éternellement. Nous ne croyions pas
que vos paroles eussent voulu trahir vos pensées en cette occasion,