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Mazarinade n° B_6_23

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Anonyme [1652], L’OMBRE DV FEV PRINCE DE CONDÉ, APPARVE A MONSIEVR LE PRINCE SON FILS, Depuis sa sortie de Paris. , françaisRéférence RIM : M0_2592. Cote locale : B_6_23.


quant l’on vous vid sur la Lesine, vos ennemis changerent
de discours, & assurẽt que vous estiés mon Fils, puis
que vous aimiez autãt ou plus l’argent que moy vôtre Pere.
 
Ainsi vos desseins ne reüssiront pas par vostre liberalité
& profusion, & si vous auez fait distribuer quelque argent
à de pauures artisans, & à quelque canaille seditieuse, l’on
sçait fort bien que ce n’a pas esté du vostre, & que vos armées
pretenduës ont toûjours vescu du pillage des lieux où
elles ont tout ruiné. Peut estre que vous establissez vos affaires
sur vostre generosité, mais ie vous diray que depuis
mon depart du monde, i’ay tousiours veu vostre vie & vos
actions dans l’incertitude, ie vous ay suiuy de l’œil dans
les combats, & vous ay tousiours veu hazarder beaucoup :
i’ay esté rauy que l’on vous ait attribué l’honneur & la
gloire de la Bataille de Rocroy, quoy que nous autres qui
voyons tout ce qui nous regarde, ayons bien découuert la
verité, & que Gassion en auoit fait la meilleure partie,
dont il a receu la loüange parmy nous, en arriuant icy. Pour
le dernier combat, ç’a esté vn ieu d’enfans, & les plus grossiers
ont iugé qu’il y auoit intelligence : quant vous
prenez vne ville, l’Archiduc s’empare d’vne autre, qui pour
estre degarnie de Soldats, & depourueuë de sa Garnison
que vous en auiez tirée, elle demeuroit aussi aysée à surprendre,
que celle que vous attaquiez sans defence.
Vous auez sans doute neantmoins dans l’estime des hommes
de belles qualitez pour vn grand Capitaine, mais pour
vn Roy, le Ciel qui n’a pas eu ce dessein pour vous, ne
vous les a pas données. Et sçachez que plus l’on est esleué,
plus l’on découure ses propres defauts, & que si les
Peuples ont veu quelque chose de vostre generosité qu’ils
ont loüée, ils n’ont pas laissé de reconnoistre vos passions
qui vous ont fait mespriser, & sur tout vostre ambition &
desir de vengeance qu’ils ont detestée.
Que si ces deux Princesses qui esleuent les Conquerans
ne vous prestent qu’vne fort petite escorte, pouuez vous
esperer quelque chose de l’affection des peuples. Ne vous
y attendez pas, comme vostre estime est desia fort partagée
dans leurs esprits, l’affection y est fort incertaine, & apres
auoir tout bien consideré, il semble que i’y descouure plus
de haine que d’amour pour vous dans la Guyenne, dans le