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Mazarinade n° A_2_2

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Brousse, Jacques [?] [1649], ADVIS AVX GRANDS DE LA TERRE. Sur le peu d’asseurance qu’ils doiuent auoir en leurs Grandeurs. Dedié aux Conseruateurs de leurs vies. , français, latinRéférence RIM : M0_487. Cote locale : A_2_2.


que vous ne deuez pas mespriser ceux, que vous voyez au dessous de
vous ; puisque, pour vous entretenir dans ce degré eminent, & ne descendre
pas à vne condition plus raualée, que n’est celle de pas vn de ces inferieurs,
vous estes obligées à des seruitudes & à des complaisances infames,
qui dans le plus sublime esclat de vos grandeurs vous rendent les
plus abjects de tous les mortels : Songez, que si vous estes asseurez du costé
de vos Roys, vous ne l’estes pas du costé de vos ennemys, & que vous
deuez dans les plus charmantes douceurs de vos fortunes craindre la mort
que vos enuieux taschent de vous donner tous les iours.
 
 
Di strictas ensis qui super impia
Cernice pilidet, non sicula dapes
Dulcem elaborabius saporem.
 
Et que ayant à apprehender de toutes parts, vous n’en deuez ioüir qu’auec
resolution de les abandonner, afin que leur perte, qui vous est infaillible,
vous soit supportable & moins fascheuse, quand elle vous arriuera.
Iugez, Princes, du mal-heur de vos semblables, ce que vous deuez attẽdre
dans vos Palais : souuenez-vous que l’on n’entend parler que de Prouinces
rauagées, que de Grands descheus, que de Puissances aneanties : &
faites reflexion pour mespriser vos naissances, pour blasphemer contre
elles, & pour les accuser de vous estre beaucoup plus mal-faisantes que
fauorables, à combien de dangers elles vous exposent, à estre pris de
vos ennemis dans les combats comme vn Empereur Valerien, du dos duquel
Sapor Roy de Perse son vainqueur se seruoit, comme d’vn estrier,
lors qu’il vouloit monter à cheual, comme Tombejus Soldan d’Egypte,
qui apres auoir esté traisné, les mains liez derriere le dos, sur vn vieux
Chameau, fut estranglé & pendu en vn crochet, pour seruir d’exemple
à la posterité. Et comme vn infortuné Baazeth, Empereur des Turcs,
qui fut enfermé dans vne cage de fer, où apres auoir demeuré plus de
vingt ans sans trouuer aucun moyen de finir ses regrets auec sa vie : il se
perça enfin le gozier d’vn os de poisson qu’il aiguisa auec ses dents. Souuenez-vous
qu’elle vous met en but aux trahisons des enuieux dans la
paix & dans la guerre, auec assassinats ; & à la haine de vos Roys, que l’on
offre de la moindre action, & qui vous mettent à mort pour vostre trop
de reputation & vostre trop de merite, de peur qu’estant plus dignes du
throsne qu’eux, vous ne les en depossediez.
 
Et i’ay mis au tombeau pour regner sans effroy,
Tout ceux que i’ay veu de plus digne que moy.
 
Et vous Roys craignez d’autant plus que vous estes plus esleuez : les
plus hautes montagnes sont plus proches des tempestes, & plus sounent
frapées des foudres que les vallées. Mesprisez vos Royautez, puis qu’elles
n’ont que des douceurs meslées de milles alarmes, que leurs charmes sont
troublez par d’effroyables soucis : abandonnez-les, puisque la mort vous