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Mazarinade n° A_5_21

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Anonyme [1649], LE ZELE ET L’AMOVR DES PARISIENS ENVERS LEVR ROY. , françaisRéférence RIM : M0_4082. Cote locale : A_5_21.


souspirs ; en vain l’air retentira-t’il de nos plaintes. Il faut confondre violence
par violence ; il faut estre cruel à cét inhumain. En cette occasion toutes
sortes de rigueurs sont genereuses ; on ne sçauroit pecher contre vn
desloyal.
 
Mais en attendant, qui pourra consoler nostre amour extreme ; ce cher
Roy ne paroist plus icy. O douleurs ! plus viues & plus penetrantes qu’exprimables.
Esperance à nos cœurs douce & cruelle tout à la fois ! Vous nous
le faites esperer, mais helas, cét espoir n’a point pour nous les charmes de la
iouyssance. Que ce bien est petit, au prix du mal que nous souffrons, &
que tout reiouyssant qu’il est, il se confond aysement dans vne si profonde
tristesse. Suiets desolez que demendrons-nous priuez de nostre cher Roy ?
Membres mal-heureux que ferez-vous, on vous a osté vostre teste ? Helas
nous voyons bien icy par tout briller l’authorité Royalle. Mais nostre Roy
ne paroist point ! Astre Royal d’où s’émane vne si diuine lumiere, venez
aussi briller parmy nous. Quelque grand iour qui esclaire le monde, il n’est
rien qu’vne belle tristesse quand le Soleil demeure caché. Grand Prince,
percez ces noires ombres, qui dérobent à nos yeux vostre beau visage, ils
n’auoient pas accoustumé de le voir si long-temps absent.
Encore si nos crimes meritoient vne separation si douloureuse : si nous
auions peché contre vous ; au lieu de nous plaindre nous nous punirions.
Mais helas, nous vous auons tousiours aymé d’vne ardeur extreme : Nous
auons fait pour vous plus que nous ne pouuions. Nous sommes innocens,
Sire, nous sommes innocens, quoy que l’en nous traitte en coupables ; ouy,
Sire, nous le sommes autant pour le moins comme mal heureux.
C’est ainsi que tout Paris soûpire dans l’absence de son Monarque, &
qu’il solemnise ces déplaisirs par ces regrets.
Que si dans ce rencontre il prend les armes, sa generosité n’empesche
point sa douleur. Au mesme cœur dont il brusle pour sa vengeance, il sent les
glaces de son desespoir : Et ce n’est pas chose fort nouuelle, que de combatre
les maux qu’on ressent : La douleur ordinairement anime le couroux
à son aide ; & la puissance concupiscible reclame naturellement l’irrascible à
son secours.
C’est vne coustume toute ordinaire, & beaucoup ancienne, de chercher
ce qu’on a perdu : & quand ceux qui nous l’ont pris ce deffendent de nous
le rendre, on fait ces efforts pour le racquerir : oster le Roy à ces Suiets,
c’est leur rauir le bien le plus cher qu’ils ayent au monde : Pourroient-ils
moins faire que de courre aux armes pour le recouurer. Outre que les Parisiens
entendent les cris de leur ieune Monarque, & qu’ils sont asseurez que
cét éloignement luy desplaist autant comme à eux. C’est donc pour eux
qu’ils ce resoudent à la guerre ; ces soûpirs les ont irritez : Ils ne peuuent
voir leur Roy prisonnier dedans son Royaume sans vne iuste indignation :
ils ne peuuent souffrir vn Etranger aux portes de Paris, faire la loy à leur victorieux
Monarque ; Ils ont assez long-temps pris patience ; ils ont veu
bouluerser toute la France sans rien dire ; mais ils ne sçauroient voir maltraiter
iour Prince sans murmurer.