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Mazarinade n° C_1_35

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Anonyme [1649], LES CONTENS ET MESCONTENS, SVR LE SVIET DV TEMPS. , français, latinRéférence RIM : M0_782. Cote locale : C_1_35.


son chef d’œuure sur mon gousset : mais ie fus bien estonné quand i’aperceus
que c’estoit vne fille qui auoit esté autrefois de ma connoissance, ce qui redoubla
mon admiration, & fut sa mine & son équipage, elle que i’auois tousjours
veüe auec vn train de Baronne vestue à l’auantage, n’aller iamais qu’en
chaise ou qu’en carosse, estoit alors à pied sans la quais, mediocrement vestue,
mal-chaussee, & le visage si pasle, que ie ne me peux tenir de luy, demander
si elle auoit esté malade, ie le pourrois bien auoir esté sans que vous en auriez
rien sceu, me respondit-elle, il y a mille ans que l’on ne vous a veu, & vous
ne faites plus estat de vos amis : laissons là ces reproches, luy dis-ie, vous ne
voyez pas des personnes de si petite condition que moy, c’est à faire à des
Barons ou à de riches Partysans, ha Monsieur me dit-elle, ne vous mocquez
point de moy, vous parlez d’vn temps qui n’est plus, toutes les choses font
bien changees, & i’ay honte de vous dire, qu’il faut que ie m’abandonne
maintenant aux valets, dont les maistres s’estimoiẽt n’agueres heureux de me
posseder, si est-ce, luy repliquay-ie, que vous n’estes pas moins belle ny plus
âgée que vous estiez : Vous auez raison continua-t’elle, mais la misere du
temps est cause de ce desordre, la cherté du pain a bien amandé nostre marchandise,
& si ie vous disois qu’il n’y en a pas vn morceau chez moy, vous auriez
bien plus de suiet de vous estonner ; mais ie le dis à vn galand homme, me
dit-elle, en me prenant la main, & qui ne me refuseroit pas vne pistole, si i’en
auois affaire, la sedition venant à croistre tout à coup, me desbarassa de la peine
de luy respondre, & me seruit de pretexte de m’esloigner, & de la perdre
de veüe : Ce fut alors que ie vis les deux partys formez, estre tous prests d’aiouster
les coups aux paroles & aux iniures, les mescontens lassez de la guerre,
disoient qu’il falloit resolument faire la paix, & piller tous ces rongeurs
qui peschent en l’eau trouble, les contens au contraire les appelloient des seditieux,
qui ne seruoient de rien dans Paris, & qui ne portoient les armes
qu’à regret3 Enfin, l’on s’alloit frotter tout à bon, sans la Compagnie de l’Isle
du Palais, qui en allant monter la Garde de la Porte S. Iacques, rencontra à
l’endroit de cette Assemblee, quantité de Conseillers qui sortoient du Palais
en carosse, & dans la conteste qu’ils eurent à qui passeroit le premier, vn Iuriste
allegua ce vers de Ciceron.
 
Cedant arma togæ, concedat laurea linguæ.
Mais vn Officier de la Compagnie l’a fit passer outre, en luy repliquant.
Silent inter arma leges
Cela fit separer cette troupe animée, & me donna moyen de continuer mon
chemin & mes affaires.

FIN.