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Mazarinade n° B_6_45

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Anonyme [1649], LES DERNIERES PAROLES DE MONSIEVR LE DVC DE CHASTILLON MOVRANT, A Monsieur le Prince de Condé. , françaisRéférence RIM : M0_1036. Cote locale : B_6_45.


ceremonie, durant laquelle la memoire de vos actions eut deû seruir
de seureté à des coupables ; émeut tellement le peuple, qu’il prit les
armes pour remettre ces deux excellens hommes en franchise, &
pour venger l’injure qu’on auoit faite à vostre nom. Dans cette malheureuse
conjoncture on ne respiroit que vostre presence ; & quoy
que sur l’heure il eut esté facile de dissiper l’orage qui nous menaçoit,
on se contenta d’en arrester le cours, parce que l’on s’imagina que la
perte des ennemis de l’Estat estoit reseruée à vous seul.
 
Mais, bon Dieu, que l’éuenement a fait voir d’erreur dans nos
esperances! vous n’auez pas seulement oublié les indignitez qui vous
ont esté faites, vous n’auez pas seulement abandonné le peuple à ses
premieres allarmes ; vous l’auez mis vous-mesme sur le bord du précipice,
où il seroit déja plongé, si Dieu n’auoit entrepris sa defense,
& si vn genereux zele ne l’auoit excité à maintenir valeureusement
sa liberté.
S’il a esté trompé dans l’esperance qu’il auoit eüe de vostre secours,
vous auez esté abusé dans l’opinion que vous auiez conceüe de le reduire
bien tost à l’extremité ; toute la Cour qui attendoit auec impatience
l’effet de vos grandes promesses, en connoist à present l’impossibilité ;
& ces Parisiens qui deuoient estre sousmis en moins de huict
iours, en ont laissé écouler six fois autant sans s’estre veus seulement
en estat de vous craindre.
Vous auez auiourd’huy ressenty les effets de leur resolution, vne
poignée de leurs gens a long-temps resisté à la moitié de vostre armée
dans vne place qui estoit de tres-peu de defense, & quoy que vous
l’ayez emportée, ce succez a esté precedé d’vne perte si notable, qu’elle
passe de beaucoup la grandeur de vostre victoire : vous y auez perdu
vne bonne partie de vos Soldats, & ce qui est presque irreparable
dans vne armée, vos meilleurs Officiers y sont demeurez.
Ce premier coup de vostre mauuaise fortune est d’autant plus à
plaindre en ceux qui en ont ressenty la violence, qu’ils s’estoient
efforcez de l’éuiter. Il sembloit qu’ils preuissent l’effet de cette funest
resolution, chacun d’eux vous en auoit dissuadé, & vous sçauez
que ie fis mon possible pour vous en diuertir. Ce n’estoit pas que
ie craignisse la mort, mais j’apprehendois l’infamie ; on ne doit point
épargner sa vie quand on la peut perdre auec gloire ; & j’ay tousiours
creû n’en pouuoir trouuer dans vne attaque, où j’auois à tremper mes
mains dans le sang de mes proches. Plût à Dieu que j’eusse rencontré