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Mazarinade n° C_10_24

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Anonyme [1649], LES DERNIERS SVPPLIANS AVX PIEDS DE LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_1047. Cote locale : C_10_24.


reiettez ? Les tendresses qu’a pour nos douleurs le Monarque du Ciel
& de la terre souffriroient-elles en vous vn cœur de rocher ? Pensez-y
bien, Madame, vous voyez à vos genoux les enfans d’vn si grand & si
redoutable Pere, ne l’irritez point en nous accablant. Pour nous vanger
sa main est si preste, qu’il fait dangereux de nous mal-traitter. Songez
pour auoir affligé le pauure Lazare, quel fruit en receut le Mauuais
Riche ; & quels feux vangerent sur l’vn les coups que l’autre en auoit
receus. Dieu nous ayme beaucoup, tous pauures & tous miserables
que nous sommes, & qui nous hait n’en peut estre aymé. Les charitez
d’vne ame deuote, sont en sa presence des œuures si agreables, qu’il
appelle ce que l’on nous donne, des tresors logez dans le Ciel, où la
corruption ne les peut toucher.
 
Voyez, Madame, ce que nous sommes, quoy qu’on nous méprise,
puis que Dieu prend vn tel soing de nous. Tels toutesfois que nous
puissions estre, nous ne vous implorons point auec orgueil. Plusieurs
ont reclamé en vain la mesme grace que nostre desespoir reclame, & si
nous y venons apres eux, ce n’est point la presomption qui nous y
conduit. Toute la France estant infiniment obligée au zele de vostre
Illustre Parlement, chacun est ingrat qui n’essaye de luy rendre vne
partie de ce qu’il luy doit ; & nous venons icy, Madame, voir si nous
pourrons pour luy ce qu’il a desiré pour nous. Car enfin, nous ne vous
prions pas pour nous seuls, puis que nous sommes vne partie de l’Estat,
c’est aussi pour luy auec nous. Nous essayons de sauuer les riches
auec les pauures, afin que par le salut des membres nous puissions
sauuer tout le corps.
Vous sçauez, Madame, que les riches sont nostre richesse, & que s’ils
ne viuent, il nous faut mourir. Leur abondance est la source qui fournit
à nostre disette, qui d’elle mesme est sterille & ne produit rien. Si
le monstre qui vous enchante espuise ces viues sources, d’où nous viendra
l’humeur qui nous entretient. Ha ! le lasche, le but criminel de sa
noire malice est trop éclattante & trop visible, pour le pouuoir encor
ignorer : Il nous veut exterminer les vns & les autres, pour auoir l’Estat
en proye, & disposer de vous & de nostre Roy comme il luy plaira.
Détournez grande Reyne vn coup si funeste & si redoutable, & prenez
bien garde que par vostre trop longue indulgence vne Monarchie
qui dure victorieuse depuis onze siecles, ne perisse sous vostre
gouuernement. Ce seroit à vostre renõmée vne tache ineffaçable, encore
que vous ne soyez qu’vne femme, vous estes vne femme Illustre ;
& puis que vous auez entrepris, & qu’on vous a iugée digne de commander
toute seule, faites-vous doncques obeïr. N’endurez plus qu’vn
insolent Ministre abuse impunément de la bonté que vous luy auez tesmoignée,
& traitte vos suiets comme ces esclaues, & vous-mesmes
comme sa suiette. L’Indulgence est quelquefois glorieuse en vne ame
Royale, mais quand elle preiudicie à l’Estat, elle est encore plus viticule