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Mazarinade n° C_10_24

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Anonyme [1649], LES DERNIERS SVPPLIANS AVX PIEDS DE LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_1047. Cote locale : C_10_24.


Deliurez-nous & deliurez-vous de sa tyrannie, il est vostre tyran comme
à nous ; puis qu’il fait mourir vos suiets, ne veut-il pas que vous
fessiez d’estre Reyne ; quand il nous tuë ne vous blesse-t’il pas aussi : &
de la mesme main qui nous arrache les entrailles, ne vous perce-t’il pas
le cœur.
 
Vous estes Mere, grande Princesse, vostre fils est nostre Monarque,
quand ce bourreau déchire sa Monarchie, quel outrage vous fait il à
tous deux. Si ce cher fils, ce grand Roy, estoit aussi grand d’aage que
de naissance, nous n’aurions pas besoin de vous implorer ; mais puis
qu’il ne peut encore se vãger luy-mesme, qui deuõs-nous pour luy implorer
que vous. Sauuez l’Estat de vostre fils, Madame, & sauuez ses pauures
suiets de la rage de ce barbare. Quand nous ne seriõs pas à sa grandeur
si considerables, d’autre raisons vous obligent à nostre salut. Si
l’Estat n’auoit pas pour vous assez de charmes, & quand mesme (ce qui
ne se peut croire sans crime) le bien public ne vous toucheroit pas, du
moins escoutez la Nature.
Elle veut par vn instine secret, que les choses mesmes insensibles
ressentent, que ce qui ce ressemble se cherisse, & loge vn amour occulte,
mais ardant, entre les estres que quelque simpathie ou quelque
conformité rend égaux. Nous ne dirons toutesfois pas, grande Reyne,
que nous égalions vostre majesté souueraine, ce n’est point par cette
raison que vous nous deuez aymer. Entre vostre grandeur & nostre
bassesse y ayant vne distance & vne disproportion peu s’en faut infinie,
nous en deurions plutost attendre de la haine que de l’amour. Estans au
plus bas estage de vostre Royaume, & vous au plus haut. vos yeux auroient
de la peine à ietter leurs regards de vostre Trône iusques à nostre
abysme. C’est donc d’vne autre conformité qui se trouue entre
vous & nous, que nous tirons nostre esperance. Encore que nous ne
portions pas des Couronnes, & qu’à peine puissions-nous voir iusques
au faiste des Grandeurs où vous estes montée, du neant où nostre
condition nous plonge, si ne laissons nous pas d’estre hommes. C’est
par là que nous vous égalons, grande Reyne : L’humanité fait ressembler
les plus suberbes Monarques aux plus pauures de tous les Bergers.
Comme vous, nous sommes composez de chair, de sang & d’os ;
comme vous, nous sommes sensibles, & comme vous nous auons vne
ame raisonnable. Quand vous estes dans vostre lict de delices, où le
sommeil vous ferme les paupieres, & que nous sommes estendus dedans
la bouë & dedans l’ordure, à gemir & nous plaindre, ce sont tous
personnes humaines, qui ne different que par le repos & par la souffrance.
Cruelle & sensible difference, qui ne doit point se rencontrer
entre choses égales, & que vous ne deuez point souffrir.
Vous voyez l’amour qui se trouue dans les especes de chaque chose,
& qui se découure a nos yeux selon leur puissance. Les plantes
qui ne se peuuent mieux tesmoigner leur accord, qu’en viuant plus vigoureusement,