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Mazarinade n° C_5_27

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Anonyme [1649], LES GEMISSEMENS DES PEVPLES DE PARIS, SVR L’ÉLOIGNEMENT DV ROY. , françaisRéférence RIM : M0_1475. Cote locale : C_5_27.


se sont des douleurs, & des douleurs veritables elle sont assez iustifiées
du crime de l’vn & de l’autre de ces vices, que l’on leur pourroit reprocher.
 
Il est si naturel de se plaindre quant le mal presse, que nous n’auons
iamais encores ouy dire que les plaintes fussent criminelles, ny qu’il y
y eust de l’audace à soupirer. Dieu, Sire, celuy dont la grandeur est seule
toute adorable, comme elle est seule toute puissante, n’a iamais deffendu
les tristes gemissemens, des cœurs affligez. Il veut bien que dans
nos desplaisirs nous croyons à luy, & mesme il promet d’écouter nos
clameurs. Il prens plaisir à la reïteration de nos soupirs, & veut à force
de redoublemens se laisser amollir & se laisser vaincre à nos larmes. Sire,
nous ne craignons pas de vous importuner des nostres, puisque Dieu
les reçoit vous ne les reietterez pas.
De quelque costé que vous les consideriez, Sire, elles ont dequoy
vous donner beaucoup de tendresse & beaucoup de pitié. Ce sont les
tristes marques de nos desplaisirs. Monarque tout bon auriez vous dans
vn cœur si ieune vne dureté si enuieillie ; que vous les reiettassiez au lieu
de les receuoir, & de les adoucir naturellement, Sire, vous estes attaché
à nous par des liens si forts que vous ne les pouuez rompre sans vous
nuire. Vous estes le chef de l’estat & nous en sommes les membres ;
pourrez vous endurer nos douleurs sans ressentiment ? à mesure que
nous nous affoiblissons vostre force se diminue, & ces larmes que nous
iettons sont des eaux fatales, qui mirent les fondemens de vostre grandeur.
Mais quant vous n’en seriez pas esmeu par cette pensee, Sire,
l’humidité de nos pleurs est la triste expression du feu de nostre amour.
C’est par cette belle flame que vos qualitez diuines ont mis dedans nos
ames, que par nos yeux le torrans de nos desplaisirs s’escoulle. L’ardandante
passion que nous auons pour vous, nous seche de douleur ; &
vous aymer comme nous faisons, & ne vous voir pas sont des delices
suplicians qui nous tuent, parce qu’ils nous flattent. Sçachans quel contentement,
c’est de vous aymer quant nous vous voyons, nous ressentons
quelle douleur c’est de vous cherir & ne vous voir pas. La memoire
de l’vn agraue le sentiment de l’autre, & vn peu despoir qui nous
chatoüille ne fait qu’aigrir ce peu mesme despoir qui nous picque, qui
nous perce & qui nous deschire. Il n’est pas croyable, Sire, que nostre
zele vous soit indifferent comme vostre interest, les membres de vostre
Estat languissent, mais aussi l’amour ardans de vos suiets soupire. Leur
zele les ronge & les deuore en vostre presence, que dis-ie, Sire, mais
bien en vostre absence ; En ce fatal esloignement qui leur oste cette
veuë precieuse, qui les faisoit viure & qui les fait auiourd’huy
mourir.
Sire, Sire, par toute sortes de loix vous estes obligé de reuenir leur
rendre cette vie que vous leur auez emportée, est-elle à vous cher Prince
pour nous la rauir ? & quand elle seroit vostre, apres nous l’auoir