[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° C_6_57

Image de la page

Anonyme [1649], LES PLAINTES DE LA FRANCE, A MONSEIGNEVR LE PRINCE. , françaisRéférence RIM : M0_2788. Cote locale : C_6_57.


sçaurois trouuer à la tienne. Le combat n’est pas nouueau des
choses que regit quelque antipathie ; mais il est estrange en vn fils
qui combat sa mere. Tous les Estats qui m’enuironnent, ou me
craignent, ou me haissent. Que l’Italie souhaitte ma ruine pour viure
asseurée, ie n’en suis point surprise. Que l’Allemagne & la
Flandre me redoutent & me detestent, ie n’en suis point estonnée.
Que l’Angleterre & l’Espagne complottent ensemble ou separement
ma perte, ie ne le trouueray point estrange. Mais que mon
fils s’arme pour me destruire, ce penser seulement m’est vn coup
de foudre plus cruel & plus sensible que ma propre perte, coniurée
par toute la terre. Encore s’il me falloit perir par vne coniuration
vniuerselle, i’aurois du moins dans mon malheur ineuitable
la gloire de ne succomber par sans resister : & ce me seroit
vne douceur dans mes douleurs de deffendre ma vie iusqu’au dernier
souspir. Mais contre toy mon fils, que faut-il que ie fasse ?
dois-ie m’opposer à ta rigueur, ou la souffrir ? Armeray-je mes
tristes bras contre celuy qu’ils ont si souuent embrassé ? Perceray-je
ce cœur auquel i’auois donné le mien ? Feray-je enfin mourir celuy
que i’ay fait viure ? & par vn cruel & funeste changement quitteray-je
ma qualité de mere pour celle d’ennemie ? O l’estat deplorable
où le Ciel m’a reduitte ! qu’il me faille deliberer de la perte
d’vn fils que i’ay tant aymé : ou perir par les mains de celuy que
i’ay enfanté.
 
Fils ingrat execute ta rage, & sauue moy de la mienne. Ie n’y
puis consentir. Quelque demon qui te possede & quelque furie qui
te transporte, tu es tousiours mon fils, & ie suis encore ta mere.
Viens donc, dechire ces flancs malheureux qui t’ont porté,
Tranche ces bras qui t’ont embrassé, & perce ce sein qui t’a nourry.
Montre au Ciel vn endurcissement inouy. Fais voir à la terre
des crimes sans exemple. Fais mourir ta mere, fils barbare, elle y
consent si tu le desire, peus-le si tu l’oses.
Quel plaisir aussi bien me resteroit de viure en te faisant
guerre. En combattant contre toy ie me frapperois & me blesserois
moy-mesme. De tous costez le fruict de mes combats ne seroit
que plaintes & que larmes. Ou victorieuse ou vaincuë i’aurois
tousiours à pleurer mes enfans. Il me faudroit tousiours porter le